
Après avoir souvent dénoncé cette dérive du système de santé québécois, l’influent avocat Jean-Pierre Ménard se tourne vers les tribunaux pour forcer l’interdiction des frais accessoires. Comme représentant juridique de la Fédération de l’âge d’or du Québec (FADOQ), il frappe un grand coup… à la porte d’à côté, soit celle de la ministre fédérale de la Santé, Jane Philpott, qu’il veut contraindre à agir dans ce dossier. La balle se retrouve donc dans le camp d’Ottawa et non de Québec. La nouvelle ne réjouira sans doute pas son homologue québécois, Gaétan Barrette.
Même si le gouvernement Couillard semble sur le point de reculer et d’interdire purement et simplement les frais accessoires en les intégrant dans la rémunération des médecins (voir mon texte d’hier sur la question), Ménard va de l’avant, et entend maintenir la pression, au moins jusqu’à l’obtention de garanties juridiques que les frais accessoires seront désormais interdits au Québec.
En attendant, la FADOQ et deux citoyens directement concernés demandent en effet à la Cour fédérale de forcer Ottawa à agir pour que les provinces respectent les articles 18 à 20 de la Loi canadienne sur la santé (LCS) et proscrivent les frais accessoires facturés aux patients.

Parmi les organisations qui appuient cette action, on trouve des acteurs comme l’Association médicale du Québec, Canadian Doctors for Medicare, plusieurs grands syndicats québécois et canadiens, et Médecins québécois pour le régime public (MQRP), qui fait depuis longtemps de cette question un cheval de bataille. (Par souci de transparence, je dois mentionner que j’ai cofondé MQRP, que j’en ai assumé la présidence de 2012 à 2014 et que j’en suis toujours membre, mais ne siège plus au conseil d’administration.) Ces groupes influents dénoncent depuis longtemps l’iniquité des frais accessoires et la menace qu’ils représentent pour les systèmes de santé.
La ministre Jane Philpott ne pourra aisément s’y soustraire, sa responsabilité étant justement d’appliquer cette loi, qui stipule clairement que les frais facturés aux patients — et toute autre barrière financière compromettant l’accès aux soins — sont interdits. Le gouvernement fédéral pourrait alors retenir une partie des transferts vers les provinces s’il est démontré qu’elles tolèrent l’imposition de frais accessoires.
Une situation qui perdure au Québec
La ministre Philpott ne pourra surtout pas plaider l’ignorance, puisque la situation du Québec est bien connue, Me Ménard ayant pris soin de lui rafraîchir la mémoire, en janvier dernier, dans une lettre qui se terminait sur le vigoureux avertissement suivant:
«Votre gouvernement partage la même responsabilité que le gouvernement du Québec à l’égard des frais accessoires. Vous devez être bien consciente que l’inaction de votre gouvernement engage directement sa responsabilité légale envers les patients de tout le Canada. Nous vous invitons à agir sans délai pour éviter que les tribunaux ne soient appelés à vous forcer à assumer vos responsabilités. Vous devez agir et intervenir pour protéger les patients québécois et, par ricochet, tous les patients canadiens contre la pratique des frais accessoires qui est en voie de miner les fondements du régime canadien de santé.»
La tolérance des autorités québécoises envers ces frais allant bien au-delà des sommes stipulées dans les ententes professionnelles, où seul un remboursement du prix coûtant des médicaments est prévu, est aussi vertement dénoncée.
Ces frais accessoires, considérés comme illégaux et ayant fait l’objet de recours collectifs, sont pourtant en croissance, ce qui compromet de plus en plus l’équité d’accès aux soins. Lors de l’étude en commission parlementaire du projet de loi 20, le ministre Gaétan Barrette avait même introduit, sans débat public, la reconnaissance par voie de règlement des frais accessoires qu’il juge souhaitables. Cela correspond dans les faits à une légalisation et irait à l’encontre de la LCS. (Les règlements se font cependant toujours attendre, de sorte que le cadre actuel est de plus en plus flou.)
Cette décision avait fait bondir plusieurs organisations de défense des patients et du système de santé public. Tant mieux s’il recule sur cette question, comme cela semble le cas depuis hier, mais il faudra bien plus que des fuites d’information ou même une négociation avec les médecins pour convaincre les requérants.
Pourtant, en juin 2013, une motion adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale avait mandaté le ministre de la Santé — l’ancien ministre péquiste Réjean Hébert affirmait vouloir y «mettre la hache» — d’interdire les frais accessoires, ce qui n’a toutefois pas changé les intentions du gouvernement actuel.

Plus récemment, en 2015, le Collège des médecins du Québec durcissait son propre code de déontologie de manière à s’assurer que les médecins ne réclament à leurs patients que les sommes raisonnables qui sont requises pour couvrir leurs frais.
En même temps, des actions en justice sont actuellement menées par certains médecins canadiens, comme en Colombie-Britannique, où l’on vise justement à contester les fondements de la Loi canadienne sur la santé, d’où l’importance d’être vigilant. Le problème des frais accessoires est donc loin de toucher seulement le Québec. Les requérants sont d’avis que tout laxisme des pouvoirs publics quant aux frais accessoires ouvre la porte à un glissement pour les systèmes de santé provinciaux et menace l’ensemble des citoyens canadiens.
Une situation délicate
La demande de la FADOQ est toutefois délicate, puisqu’elle correspond dans les faits à exiger du gouvernement fédéral qu’il supprime une partie du financement de la santé au Québec. Une démonstration que ces frais accessoires ont été exigés durant la période 2014-2015 — ce qui ne devrait pas être bien difficile — pourrait aboutir à ces compressions.
Mais devant l’inaction chronique des gouvernements provinciaux et fédéraux successifs, c’est l’ultime carte qu’ont choisi de jouer l’avocat Ménard et la FADOQ pour éviter que soient légitimés une fois pour toutes les frais accessoires. En cas de changement de cap, les requérants peuvent choisir à tout moment de retirer leur poursuite afin d’éviter des dommages inutiles.
Le gouvernement Couillard pourrait éviter de prêter le flanc à ces compressions en reculant effectivement sur sa volonté de normaliser les frais accessoires par l’intermédiaire de la loi 20. Il lui suffirait de maintenir l’interdiction totale entrée en vigueur par la même loi et de n’en autoriser aucuns par voie de règlement.
Des solutions existent
Dès le dépôt du recours collectif le plus récent sur cette question, j’avais suggéré d’agir avant qu’on se retrouve une nouvelle fois devant l’obligation juridique de rembourser les patients.
Par ailleurs, si les frais accessoires constituent une menace à l’accessibilité, des solutions simples existent déjà, fort heureusement pour les patients et pour les gouvernements. Il s’agit d’inclure ces frais dans les enveloppes prévues pour la rémunération des médecins, comme je l’ai proposé et comme cela s’est toujours fait dans le passé. Selon l’article publié hier dans La Presse, c’est peut-être maintenant l’intention du gouvernement Couillard.
Reste à voir quelle sera la réponse de la ministre Jane Philpott à cette poursuite, elle qui s’est prononcée en 2012 pour le respect intégral de la Loi canadienne sur la santé. Et surtout celle du ministre Gaétan Barrette. Bien qu’il ne soit pas directement en cause dans cette poursuite, Barrette ne souhaite sûrement pas porter la responsabilité d’une baisse du financement fédéral en s’obstinant à vouloir légaliser les frais accessoires. On ne peut que saluer le fait que la porte soit depuis hier entrouverte pour une solution plus constructive.
Analyse détaillée de l’avis de demande
L’avis de demande déposé par la FADOQ est tout de même fascinant à lire, puisqu’il contient à la fois un vibrant plaidoyer contre les frais accessoires, une démonstration approfondie des enjeux et une reconstitution complète de la trame historique ayant mené à l’adoption, en 1984, d’une nouvelle version de la Loi canadienne sur la santé, visant justement à interdire la surfacturation.

C’est la FADOQ elle-même, associée à deux personnes concernées, qui effectue une demande en mandamus en vertu de l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales et des articles 18 à 21 de la Loi canadienne sur la santé. Elle est adressée à la ministre de la Santé, Jane Philpott, et au Procureur général du Canada. Dans son argumentaire*, la FADOQ affirme que les frais accessoires sont tolérés dans plusieurs provinces sans intervention de la ministre Philpott.
Comme elle représente des centaines de milliers de membres de plus de 50 ans, la FADOQ se sent spécialement interpellée par les frais accessoires, dans la mesure où ceux-ci peuvent affecter particulièrement les gens âgés, surtout ceux en manque de moyens financiers. Elle estime que des milliers de ses membres «doivent payer des frais accessoires illégaux pour l’obtention de certains soins médicaux, telles des gouttes pour la dégénérescence maculaire, des colonoscopies, des vasectomies, etc.»
L’organisation souhaite établir juridiquement que la ministre Jane Philpott a bien eu connaissance de la surfacturation et de l’imposition de frais modérateurs pratiquées au Canada et au Québec depuis de nombreuses années, en contravention des articles 18 à 20 de la Loi canadienne sur la santé, qui ne donneraient aucune discrétion quant aux mesures à prendre en cas de surfacturation ou d’imposition de frais modérateurs. Le cas échéant, la ministre serait dans l’obligation d’agir.
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La FADOQ demande à la Cour fédérale d’ordonner «que la ministre de la Santé du Canada […] applique, selon les conditions prévues par la loi, les articles 18 à 21 de la Loi canadienne sur la santé dans l’ensemble du Canada, en déduisant ou en retenant, à l’égard de toutes les provinces où la pratique de la surfacturation et des frais modérateurs existe, les sommes dues au titre de la contribution fédérale en vertu de la Loi canadienne sur la santé, tant que lesdites provinces permettront ou tolèreront la pratique de surfacturation ou de frais modérateurs».
Un tel mandamus vise à «forcer certains corps publics à poser les actes qui leur sont imposés par la loi». Dans le cas présent, il s’agit de demander à la Cour fédérale d’ordonner à la ministre d’appliquer les dispositions de la Loi canadienne sur la santé. Si on se réfère à la Loi canadienne sur la santé, les articles soulevés traitent de «surfacturation et frais modérateurs».
L’article 18 stipule qu’«une province n’a droit, pour un exercice, à la pleine contribution pécuniaire visée à l’article 5 que si, aux termes de son régime d’assurance-maladie, elle ne permet pas pour cet exercice de montants à l’égard des services de santé assurés qui ont fait l’objet de surfacturation par les médecins ou les dentistes».
Autrement dit, le gouvernement fédéral peut déduire de sa subvention toutes les sommes qui ont été tolérées par la province et qui ont fait l’objet d’une facturation au-delà des ententes par les médecins ou les dentistes.
Pour ce qui est de l’article 19, il indique qu’une «province n’a droit, pour un exercice, à la pleine contribution pécuniaire visée à l’article 5 que si, aux termes de son régime d’assurance-maladie, elle ne permet pour cet exercice l’imposition d’aucuns frais modérateurs».
Étant donné que les frais accessoires peuvent être vus comme des frais modérateurs, en ce qu’ils limitent effectivement l’accès aux soins, le fédéral aurait devoir d’agir en vertu de la loi pour empêcher cette situation.
Pour sa part, l’article 20 clarifie que dans les cas où une province ne se conforme pas à la condition visée à l’article 18, «il est déduit de la contribution pécuniaire à cette dernière pour un exercice un montant, déterminé par le ministre d’après les renseignements fournis conformément aux règlements, égal au total de la facturation effectuée par les médecins ou les dentistes de la province pendant l’exercice ou, si les renseignements n’ont pas été fournis conformément aux règlements, un montant estimé par la ministre égal à ce total».
À plusieurs reprises, le ministre Barrette a indiqué que les frais accessoires facturés aux patients québécois valent environ 50 millions de dollars par année. Il est possible que ce chiffre soit toutefois sous-évalué.
Un argumentaire détaillé
La lecture de l’avis de demande montre que l’interdiction des frais accessoires a des bases historiques, juridiques et éthiques solides. Dans son argumentaire, la FADOQ affirme d’abord que l’intention des autorités publiques fédérales et provinciales était d’offrir depuis 1957 un système de santé public et accessible, et «d’éviter que les frais encourus par les usagers n’entravent l’accès aux soins médicaux».
Elle mentionne ensuite qu’en raison des changements dans les conditions de paiement de transferts fédéraux à partir de 1977, «la plupart des provinces ont permis des frais accessoires facturés aux patients». Comme elle le rappelle, le gouvernement fédéral s’engageait alors à rembourser environ la moitié des dépenses des services de santé; cette contribution a graduellement diminué, ce qui a poussé certaines provinces à demander des frais accessoires.
Elle ajoute que les compressions dans le financement des régimes de santé par Ottawa ont prêté le flanc à la mise en place de surfacturation et de frais modérateurs. À la suite de ces changements, plusieurs provinces ont toléré des frais accessoires, notamment Terre-Neuve, le Nouveau-Brunswick, le Québec, l’Ontario, la Saskatchewan, l’Alberta et la Colombie-Britannique.
Pour régler la situation, le gouvernement du Canada avait alors demandé au juge Emmett Hall, célèbre auteur du rapport de la Commission royale d’enquête sur les services de santé de 1964 à 1965, d’étudier la situation et de proposer des solutions. Dans son rapport déposé en 1980, l’honorable Hall affirmait ainsi que «les personnes peu fortunées, à qui l’on demande de payer un supplément, diront plutôt qu’elles requièrent moins souvent les services des docteurs et/ou qu’elles ne se pressent pas pour se faire soigner à cause du tarif de frais médicaux; et la proportion des personnes qui agissent est bien plus élevée chez les pauvres que chez les fortunés». Il propose alors que les frais accessoires soient interdits, car «ils pourraient mener à la destruction de notre système de santé universel».
C’est en 1983 que la ministre fédérale de la Santé Monique Bégin a ensuite présenté son analyse de la situation, en précisant qu’il «est évident que les brèches dans les régimes de protection vont continuer à s’élargir si nous ne faisons pas un nouvel effort concerté pour sauvegarder le principe de l’assurance-maladie universelle. […] Le gouvernement du Canada croit qu’un pays civilisé et riche comme le nôtre ne doit pas laisser les malades porter le fardeau financier des soins de santé. […] Voilà pourquoi le gouvernement du Canada désire réaffirmer, dans la nouvelle Loi sur la santé du Canada, son engagement au principe essentiel de l’assurance-maladie universelle.»
La nouvelle LCS avait ainsi «pour but de rendre plus coercitive l’interdiction de la surfacturation des frais modérateurs, par l’ajout de dispositions dans la loi». Comme le mentionnait la ministre Monique Bégin, la mise à jour de la loi visait précisément «deux problèmes qui deviennent de plus en plus pressants, soient la surfacturation par les médecins et les spécialistes, et l’application des frais modérateurs par les provinces». La nouvelle version de la LCS a donc été adoptée le 17 avril 1984 et comprend les cinq principes suivants:

D’après la FADOQ, «l’intention du législateur était extrêmement claire» en 1984: la loi «visait à empêcher toute forme de surfacturation» et de frais modérateurs. La loi telle qu’adoptée aurait donc «enlevé toute discrétion au ministre de la Santé du Canada, l’obligeant, dès qu’une province fermait les frais accessoires ou les frais modérateurs, à retenir le montant estimé de facturation selon une procédure prévue ou par règlement».

La seule exception au Québec à la Loi sur l’assurance maladie permet au médecin, par entente, de facturer le coût réel de certains médicaments administrés au patient en cabinet. Mais comme on le sait, «un certain nombre de médecins ont commencé à facturer à leurs patients des frais allant bien au-delà du coût réel de ces médicaments». La FADOQ reproche donc au gouvernement de ne jamais avoir agi pour régler la situation.
Par la suite, des recours collectifs ont été déposés contre le gouvernement du Québec, ce dernier ayant dû payer des millions de dollars pour rembourser les Québécois victimes de ces abus. La «facturation des frais accessoires s’est amplifiée et poursuivie malgré les recours collectifs, et continue à ce jour».
La FADOQ souligne que le ministre Gaétan Barrette a, en juin 2015, «annoncé publiquement qu’il n’interdirait pas les frais accessoires, mais plutôt qu’il les encadrerait, avec une certaine marge de profit pour les médecins, ce qui contrevient clairement à la LCS». Elle rapporte ensuite que le 17 juin 2015, le ministre a déclaré vouloir autoriser dans l’avenir «les cliniques à facturer des frais supplémentaires allant jusqu’à 15 % du prix coûtant».
Un problème ailleurs au Canada
Par ailleurs, «la pratique des frais accessoires prend de l’ampleur partout» au Canada. La ministre Jane Philpott connaîtrait bien la situation, «l’ayant elle-même dénoncée dès 2012, particulièrement en raison des conséquences très graves que cette situation entraîne sur les Canadiens plus défavorisés». La FADOQ affirme donc que, juridiquement, «la ministre est obligée d’agir en vertu de la LCS, dès lors que portée à sa connaissance l’existence de la pratique des frais accessoires ou de frais modérateurs». Enfin, elle plaide que «le paiement des frais accessoires engendrera l’effondrement d’un des paliers du système de santé du Canada».
Il faut rappeler la situation qui prévaut dans les autres provinces canadiennes, où il existe également une tolérance à des frais accessoires. Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales faisait lui-même état des problèmes liés à la surfacturation, notamment pour des services de colonoscopie. Il a même recommandé au gouvernement de jouer «un rôle plus proactif relativement aux contraventions à l’application des principes de la LCS».
Le texte juridique rappelle que «le principe de l’accessibilité revêt une importance majeure. À cet effet, la LCS reconnaît expressément à son préambule que l’accès continu à des soins de qualité, sans obstacle financier ou autre, demeure déterminant pour la conservation et l’amélioration de la santé». Par ailleurs, au paragraphe 104, on souligne que l’intention du législateur était claire, à savoir que le ministre avait l’obligation de «déduire», en fonction de l’article 20, «automatiquement et obligatoirement du transfert un montant égal aux frais accessoires effectués».
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1 % du revenu des médecins pour régler les frais accessoires du 99 %
Ainsi «entre 1984 et 1987, le ministre a déduit, en lien avec de la surfacturation, un total de 244 732 000 dollars sur le montant du transfert aux provinces». La somme avait ensuite été remboursée en 1987, puisque les provinces avaient pu démontrer qu’il n’y avait plus de surfacturation de frais modérateurs. Des sommes moindres ont été exigées ensuite entre 1992 et 1996 à la Colombie-Britannique.
Or, dans son rapport de 2014-2015, le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec aurait «indiqué que les médecins québécois ne pratiquent pas la surfacturation, tel qu’il apparaît dans les rapports annuels». La FADOQ soutient donc que cette affirmation «ne correspond pas à la réalité et ne constitue pas une information exacte de la situation du Québec». C’est là une grave accusation, qui écorche les gouvernements successifs de la province.
Explosion des frais accessoires au Québec
La FADOQ cite aussi la Loi sur l’assurance maladie du Québec (LAM), par laquelle «les seuls frais pouvant être facturés à un patient sont les coûts réels prévus spécifiquement aux ententes» pour les médicaments utilisés dans les bureaux de médecins. D’après la FADOQ, ces ententes «très restrictives ne permettent pas aux médecins de facturer autre chose que le coût réel des produits».
Elle donne pourtant plusieurs exemples de frais accessoires, soit des gouttes oculaires facturées de 150 à 230 dollars au patient, des colonoscopies en cabinet privé pouvant atteindre la somme de 515 dollars, de même que d’autres frais accessoires bien établis et médiatisés. Elle rappelle également les recours collectifs qui ont lieu au Québec, où, notamment en 2006, «plus de 10 millions de dollars en dommage, plus les intérêts et l’indemnité additionnelle» ont été versés en raison du non-respect de la Loi sur l’assurance maladie.
Un autre recours collectif s’est d’ailleurs conclu en 2013, selon lequel les personnes souffrant de problèmes ophtalmologiques devaient être remboursées pour le coût des injections qu’elles avaient déboursé: c’est le vaste dossier de la dégénérescence maculaire, qui a coûté six millions de dollars au gouvernement. Dans ce recours, la FADOQ mentionne qu’on reprochait «notamment au MSSS et à la RAMQ d’avoir toléré, dans plusieurs composantes du système de santé, les pratiques illégales des frais accessoires, alors qu’ils sont au courant de la situation».
Plusieurs groupes cités par la FADOQ ont d’ailleurs soutenu ces recours et demandé l’abolition des frais accessoires, notamment Médecins québécois pour le régime public, le Protecteur du citoyen du Québec, qui donnait un avis sur les frais accessoires et les services sociaux en octobre 2015, la Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles, qui publiait les résultats d’une enquête en 2015 également, de même que l’IRIS, qui publiait une note traitant des frais accessoires en novembre 2015.
Les requérants s’appuient sur le fait que ces questions ont été largement rendues publiques dans l’espace médiatique du Québec et que toutes les instances, notamment celle de la ministre Philpott, étaient au courant de la situation.
Le projet de loi 20 du ministre Gaétan Barrette
La FADOQ rappelle ensuite le cheminement de la question des frais accessoires au sein du projet de loi 20. Elle mentionne notamment que le 24 mars 2015, la ministre Philpott souhaitait ne pas répondre à des questions de l’Association québécoise de retraités du secteur public et parapublic, puisque «les questions sur les tarifs, sur l’hébergement et les frais accessoires, le projet de loi 20 ne s’adressent pas à ça».
À la suite de la «valse-hésitation» de Barrette quant à l’introduction ou non d’amendements ouvrant la porte aux frais accessoires, le ministre a effectivement déposé des amendements, qui vont interdire les frais accessoires, pour ensuite faire le contraire. Après avoir «interdit» les frais accessoires, le ministre Barrette écrit dans sa loi que «malgré les interdictions énoncées au neuvième et onzième alinéa, le gouvernement peut, par règlement, prescrire des cas et des conditions dans lesquelles un paiement est autorisé».
Après ce changement de cap, j’avais moi-même proposé une solution toute simple, soit inclure les frais accessoires dans la rémunération des médecins, comme ils l’ont toujours été. En effet, depuis des décennies, une certaine provision des enveloppes de rémunération des médecins est dédiée aux frais encourus par les médecins dans les soins aux patients, qu’il s’agisse d’un composant technique en radiologie ou d’une majoration des tarifs pour couvrir les frais de bureau associés à la tenue professionnelle d’un cabinet de médecin.
Mais cette proposition d’attribuer 1 % du revenu des médecins à la couverture des frais accessoires n’a pas été retenue, bien qu’elle ait circulé dans l’espace public, dans les instances fédératives de même qu’au ministère de la Santé. Le ministre Barrette avait à l’époque dit qu’il n’avait pas les moyens de couvrir ces 50 millions de dollars à partir des deniers publics.
Enfin, pour bien établir la connaissance que la ministre Jane Philpott devrait avoir du dossier, on souligne que le 23 septembre 2015, Me Jean-Pierre Ménard avait «envoyé une lettre à la ministre de la Santé du Canada de l’époque, Rona Ambrose, afin de lui rappeler les contraventions du gouvernement du Québec à la LCS et de l’aviser des mesures législatives envisagées par le ministre Gaétan Barrette».
Or, cette lettre était apparemment restée sans réponse. La FADOQ soutient que «considérant ce qui précède, il est manifeste que la ministre omet sciemment de se conformer à ses obligations prévues à la LCS en ne retenant pas les sommes octroyées au Québec».
Les conséquences de ne pas agir
Le texte juridique souligne les conséquences pour la ministre Philpott de ne pas agir, notamment la remise en cause de «l’un des fondements les plus importants du système de santé canadien, pour laquelle les frais accessoires constituent une brèche majeure au système de santé public».
On y soutient avec justesse que «la pratique des frais accessoires est une contravention directe au principe d’accessibilité, en créant un obstacle de nature financière à l’accès aux soins médicaux pour les citoyens qui n’ont pas les moyens de payer». De plus, on affirme que «la non-application de la LCS par la ministre fait en sorte que les médecins québécois et canadiens [envoient] de plus en plus les patients vers les cliniques privées».
On demande donc d’accorder le recours, puisque ainsi, «les gouvernements provinciaux, dont celui du Québec, devront agir dans le dossier des frais accessoires et cesser de permettre la facturation de frais accessoires pour éviter de faire l’objet de coupures effectuées par la ministre en vertu de l’article 20 de la LCS». Cela signifierait que la ministre agirait, ce qui forcerait enfin le gouvernement provincial à agir à son tour pour régler la question des frais accessoires.
En conclusion, la FADOQ rappelle que «le rejet de la présente demande aura un effet dévastateur et préjudiciable sur tous les patients canadiens, car cela généralisera la pratique des frais accessoires partout au Canada et rendrait impossible l’application de la condition d’accessibilité prévue à la LCS». C’est là un jugement bien sombre sur l’avenir, mais qui m’apparaît tout à fait réaliste, comme je l’ai à de multiples reprises rappelé dans mes différents écrits.
Si le refus obstiné des gouvernements provinciaux successifs persiste, ce sera donc à la ministre fédérale de la Santé d’imposer l’application de la Loi canadienne sur la santé. Il faut espérer que le gouvernement Couillard aura compris la leçon et reculera sur une position qui paraît désormais intenable.
* Sauf autre indication, tous les extraits cités proviennent de l’avis de demande déposé en Cour supérieure par le Réseau FADOQ, Marc Ferland et Liette Hacala-Meunier, requérants.
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À mon avis, si Ménard s’adresse à Ottawa, c’est qu’il sait que c’est un coup d’épée dans l’eau avec le gouvernement provincial actuel.
On va peut-être me citer plus tard mais Barette et Couillard veulent privatiser puisque cela prépare leur éventuelle sortie. Ils vont pouvoir aller se chercher un bon emploi… Comme Couillard a fait lorsqu’il était ministre de la Santé. N’oublions pas que nous avons affaire à des carriéristes ambitieux et opportunistes. Ces gens-là pensent àa eux et préparent leurs coups d’avance. Psychologie 101.
Oui mais s’ils demeurent au pouvoir durant deux mandats, ils seront loin de la pratique et rien ne garantie qu’ils pourront y retourner. De plus ils devront remplir leur commandes et promesses politiques, les citoyens n’attendent plus des années avant de riposter.
D’abord, en réponse à Guillaume, je veux mentionner que je préfère donner le bénéfice du doute au premier ministre et au ministre de la Santé quant à leur intention cachée de se préparer à avoir de meilleurs salaires après leur passage en politique. Si leur seul intérêt était celui d’avoir des salaires élevés, ils n’auraient pas fait le saut en politique.
Si leur seul intérêt était celui d’avoir des salaires élevés, ils n’auraient pas fait le saut en politique.
Ceci étant dit, M. Wentworth, j’aimerais revenir sur un point de votre commentaire :
«… rien ne garantie qu’ils pourront y retourner» sic. Ainsi, l’on n’aura plus besoin des services de ces deux médecins spécialistes dans quelques années! J’en conclues que vous estimez que la pénurie de médecins spécialiste dans plusieurs régions du Québec sera chose du passée. Tant mieux si vous avez raison, mais permettez-moi d’en douter.
Voici un article concernant ma région :
Pénurie de médecins spécialistes : l’Outaouais toujours en queue de peloton
Publié le : septembre 30, 2015 Auteur : Krystel Dubé
Nouvelle donnée plus ou moins surprenante dévoilée hier par l’Institut canadien d’information sur la santé.
La pénurie de médecins spécialistes est toujours aussi critique et l’Outaouais demeure une des pires régions de la province.
Selon l’ICIS, en 2014, la région comptait 67 médecins spécialistes par 100 000 habitants. C’est environ la moitié moins
que la moyenne québécoise qui est de 121 médecins spécialistes par 100 000 habitants.
Ainsi, nous serons probablement heureux d’accueillir ici (en Outaouais) ces deux spécialistes à leur départ de la vie politique.
Mais encore, Philippe Couillard, est neurochirurgien. Voici un paragraphe d’un texte provenant de cyberpresse :
Le Québec vit présentement une importante pénurie de neurochirurgiens. La situation est si grave à Montréal, que
certains hôpitaux n’ont qu’un seul neurochirurgien qui est obligé d’être de garde 24 heures sur 24, sept jours sur sept.
Une situation intenable pour ces médecins qui sont à bout de souffle.
C’est le cas à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont (HMR) et à l’Hôpital général juif de Montréal.
J’imagine que ces centres hospitaliers et plusieurs autres dans la province seraient heureux d’accueillir le Dr. Couillard lorsqu’il quittera le monde de la politique.
Quant à Gaëtan Barrette, il est radiologiste. Voici un texte tiré d’un texte d’Olivier Bachand sur le site de la SRC :
Pénurie de radiologistes à Mont-Laurier
Publié le mardi 22 mars 2016 | Mis à jour le mercredi 23 mars 2016
Les résidents de Mont-Laurier, dans les Hautes-Laurentides, doivent parcourir de longues distances pour avoir accès à
des services de radiologie. Depuis août, aucun radiologiste ne pratique dans la région et des milliers de radiographies
attendent d’être analysées. La situation est à ce point critique qu’un groupe de médecins de famille a décidé de sonner
l’alarme.
Ainsi, il serait surprenant que les gens de la région de Mont-Laurier refusent d’accueillir le Dr. Barrette dans leur beau coin de pays après sa retraite de la vie politique.
Ceci étant dit, M. Wenthworth, malgré les doutes que je soulève, je souhaite vivement que ce soit vous qui ayez raison à la fin.
Faites-moi rire, mon cher ! Tous les médecins ne font pas preuve de la même abnégation, du même dévouement envers les malades et les personnes dans le besoin, dans l’exercice de leur profession… Si nos deux « premiers ministres associés » préfèrent sévir dans le domaine politique, plutôt que celui de la santé, tout simplement, c’est qu’il y a une raison ( pas vraiment « cachée » ) à ce choix. S’ils choisissent éventuellement un jour de « retourner à la pratique » pour laquelle ils ont été formés, ils n’auront certainement aune espèce de misère à le faire, et à se trouver illico une place n’importe où, clinique privée, hôpital, CLSC, centre de recherche, poste d’enseignant universitaire, voire conférencier grassement rémunéré….
Mais pourquoi donc le feraient-ils, je vous le demande? S’ils ont choisi la voie du pouvoir sur leurs concitoyens et la société qui les entoure ( et les adule sans aucune retenue ), ce n’est certes pas « pour quelques dollars de plus »… Et je vois mal pour quelle bonne raison ils feraient soudain un autre choix que celui qu’ils ont fait, lorsqu’ils se sont lancés en politique… FORE ! Pour ce qui est de la riposte alléguée si rapide de cette meute de citoyens qui les entoure, les emmitoufle, les soutient encore et toujours, contre vents et marées, au-delà des scandales, des révélations croustillantes, des simples « apparences de conflits d’intérêt »…. la simple expérience nous démontre la force et l’attrait irrésistible sur eux du Castor, de la Reine d’Angleterre, de la Maple Leaf, des produits fossiles et des montagnes de « notre ouest usque ad mare »…. L’exercice du pouvoir corrompt, certes, à la longue, mais pas seulement les hauts dirigeants qui l’exercent plus directement, mais aussi accessoirement la frange de la population qui les entretient « au sommet », coup après coup, comme aveuglément, et sans se poser les questions les plus légitimes…. POURQUOI ? Il doit bien y avoir d’autres raisons que la simple distraction, l’oubli, la naïveté, que sais-je? Cherchez l’intérêt, et vous trouverez la raison.
Pourquoi les gouvernements doivent être « rappelés à la raison », pour simplement faire appliquer leurs propres lois? Il y a certainement une question d’intérêt(s) là-dedans… Y’a des fois qu’ils sont diablement plus rapides que ça !
Pauvre Guillaume ! Car vous êtes vraiment pauvre en arguments pour avancer des insignifiances comme cela ; c’ est que vous n’ avez aucune mais aucune psychologie et aucun respect des électeurs !!! N’ oubliez pas que nous avons les gouvernements que l’ on mérite ! Ce sont les électeurs qui votent !