L’auteur est urgentologue. Professeur titulaire à l’Université de Montréal, il enseigne, participe à des recherches en médecine d’urgence et intervient fréquemment sur les enjeux de santé. Il est aussi conseiller médical et scientifique à l’Institut de la pertinence des actes médicaux.
Bonne nouvelle, les autorités semblent maîtriser graduellement les feux de forêt en Alberta, où ils causent actuellement de sérieux ravages. On parle jusqu’ici d’un million d’hectares de bois brûlé, ce qui représente l’équivalent d’un carré de 100 km de côté.
Des dommages énormes aux forêts, bien entendu, mais aussi et surtout aux lieux habités, plus de 7 000 personnes faisant toujours l’objet d’un ordre d’évacuation au moment d’écrire ces lignes, à l’heure où 21 zones demeuraient en état d’urgence.
Ces 25 dernières années, plus de 7 000 incendies sont survenus annuellement au Canada, pour une superficie d’environ 2,5 millions d’hectares chaque année en moyenne, avec de grandes variations. C’est dire l’ampleur du problème.
Des effets néfastes sur la santé
Voilà quelques années, lors d’une autre période de feux intenses, j’avais pu observer de mon chalet, dans les Laurentides, le ciel jauni par les flammes au loin et sentir l’odeur irritante qui s’en dégageait. Je m’étais alors demandé quels étaient les effets néfastes de ces incendies sur la santé humaine à une telle distance.
C’est qu’il faut craindre la fumée s’échappant massivement de ces feux, chargée de nombre de substances toxiques nous affectant chacune à sa manière. Évidemment, les voies respiratoires et les poumons sont d’abord touchés par ces substances inspirées, mais bien peu inspirantes.
On y trouve des particules fines, des gaz irritants et des dizaines de produits chimiques, certains pouvant avoir des conséquences à long terme.
Pris ensemble, ces produits causent des symptômes parfois dérangeants, une exacerbation des problèmes pulmonaires, des visites à l’urgence, des hospitalisations et même des décès. Outre ces situations graves, on rencontre aussi des effets systémiques à plus long terme, des traumatismes psychologiques et certains risques particuliers pour les populations vulnérables. Les effets chroniques restent plus subtils et plus difficiles à quantifier, comme le montre le schéma suivant, tiré d’un texte sur le sujet publié sur le site de l’Observatoire de la prévention.

Les diverses répercussions de la fumée
Les substances toxiques libérées dans l’air sont formées de composés simples et complexes menant d’abord à une irritation des muqueuses, des yeux et des voies respiratoires supérieures, comme le nez, les sinus et la gorge.
Leur inhalation cause parfois aussi une inflammation des voies inférieures (la trachée, les bronches et les alvéoles pulmonaires), provoquant à des degrés variables de la toux et une difficulté à respirer. Elles entraînent également des maux de tête ainsi que des symptômes digestifs.
Les particules fines présentes dans la fumée, comme la suie, pénètrent profondément dans les poumons, où elles engendrent ou aggravent des problèmes respiratoires, comme l’asthme et la bronchite chronique.
Les feux dégagent en outre divers gaz irritants et toxiques, tels que le dioxyde de soufre, le dioxyde d’azote, le monoxyde de carbone, l’ozone et le CO2. Ils causent à faible dose des symptômes variables, tandis qu’à forte dose, par exemple lorsqu’on se trouve immédiatement à proximité, ils menacent parfois la vie.
Les incendies de forêt libèrent enfin de nombreux allergènes, tels que le pollen, les spores fongiques et les débris végétaux, qui peuvent déclencher des réactions allergiques chez les personnes sensibilisées, comme des éternuements, une congestion nasale, une toux et de l’essoufflement.
Il faut également penser à la santé cardiovasculaire, parce qu’en raison des effets inflammatoires prolongés, on observe une hausse des problèmes cardiaques dans les zones près des feux, comme on constate le même phénomène dans les contextes de pollution urbaine.
Sur un tout autre plan, chez les personnes plus directement touchées, les incendies de forêt causent aussi des traumatismes psychologiques importants, dont l’anxiété, la dépression et le stress post-traumatique, notamment chez les jeunes.
Quant à l’exposition prolongée ou récurrente, elle entraîne des répercussions à long terme, pouvant aller jusqu’à une hausse des cancers du poumon lorsqu’on habite à proximité de zones frappées. Certains produits chimiques, comme les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), cancérogènes, contribuent alors à ces risques.
À distance dans l’espace et le temps
Tous ces effets se manifestent de manière disproportionnée chez les groupes vulnérables, notamment les aînés et les enfants, d’autres personnes souffrant de maladies chroniques variées et celles à faible niveau socioéconomique. Plus fragiles, elles ont aussi souvent plus de difficulté à se protéger efficacement de la fumée elle-même.
Les conséquences sur la santé pulmonaire sont évidemment plus fortes à proximité immédiate de l’incendie, où la concentration de fumée et de polluants atmosphériques est élevée et où les particules fines, les gaz irritants et les produits chimiques ont une portée rapide.
Mais les effets se manifestent également sur de plus longues distances en fonction de divers facteurs, tels que la taille de l’incendie, la direction et l’intensité du vent, la topographie locale et la composition de la fumée.
Les particules fines, en particulier, sont parfois transportées sur plus de 1 000 km par les vents. Même dans les zones éloignées des feux, comme à mon chalet, il est donc possible d’observer une détérioration de la qualité de l’air et des conséquences bien concrètes sur la santé pulmonaire.
Mieux vaut prévenir
Une gestion appropriée des incendies de forêt, la sensibilisation du public et des mesures de protection individuelles restent essentielles pour réduire les effets néfastes sur la santé pulmonaire lors de ces catastrophes environnementales.
Devant de telles conséquences, il est fortement conseillé de suivre les directives en cas d’incendies de forêt. Pour éviter une exposition aigüe, il faut avant tout s’éloigner des régions à risque.
Si cela est impossible, il peut être utile de colmater portes et fenêtres en attendant l’arrivée des secours. De manière plus générale, l’usage de filtres aériens de qualité est recommandé dans les régions souvent exposées.
Les travailleurs qui luttent contre les incendies prennent quant à eux des mesures particulières, comme le port de masques N95 et d’appareils respiratoires, le cas échéant.
Comme les feux de forêt demeurent difficiles à prévenir et à combattre, bien en comprendre les effets est d’autant plus important que les climatologues prévoient une hausse de ces graves événements au cours des prochaines décennies.
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MERCI BEAUCOUP . C’EST TRÈS CLAIR ET PRÉCIS . Je demeure à Lévis et à deux rues de chez-moi il y a des gens qui font des feux l’été et depuis ce temps j’ai des problèmes aux poumons . À QUAND les villes font interdire ces feux .
Ah les feux! Cet article publié le 30 mai arrive deux jours avant le fatidique 1er juin alors que la foudre a allumé des douzaines de feux de forêts en Abitibi et dans les Hautes-Laurentides.
Mais, la foudre et la forêt ne sont pas les seules responsables et quand on va camper, on est toujours obligés de respirer la fumée des feux de camp; il arrive souvent qu’un camping soit complètement dans un brouillard de fumée de feux de camps. On associe trop le camping aux feux de camp et la vie d’autrefois n’est plus possible aujourd’hui surtout avec la concentration et la prolifération de gens qui se retrouvent dans ces campings en forêt ou ailleurs.
Ça suffit et il est temps de faire des zones de camping sans feux pour qu’au moins on puisse respirer de l’air potable quand on veut aller camper!