Notre collaborateur le Dr Alain Vadeboncœur, urgentologue et professeur titulaire à l’Université de Montréal, est conseiller médical pour l’équipe de l’émission STAT. Il s’inspire ici des intrigues de la série télévisée pour donner des renseignements plus approfondis sur certaines des maladies diagnostiquées à l’écran.
Alerte au divulgâcheur : ne lisez pas ce texte si vous n’avez pas encore regardé les épisodes de cette semaine de l’émission STAT !
Simple atome au rôle parfois méconnu, le potassium assure pourtant dans notre corps des fonctions vitales. Sans lui, nous n’existerions pas. En fait, un déséquilibre du niveau de potassium sanguin menace la vie.
Dans l’épisode du 28 mars, le cœur d’une jeune patiente a en effet gravement ralenti parce que son potassium était bien trop élevé, ce qui n’est jamais une bonne nouvelle.
L’injection rapide d’un antidote — le calcium — et la pose d’un cardiostimulateur externe ont redonné un peu de vie à son cœur et donc à elle-même. Mais voyons pourquoi c’est arrivé.
Conservé précieusement dans nos cellules
Le potassium joue une foule de rôles. Je me concentrerai sur le cœur, où le potassium est un acteur essentiel pour en permettre l’activité et où il peut aussi interrompre cette activité lorsque son niveau monte exagérément, alors qu’il peut précipiter des arythmies graves lorsque son niveau baisse indûment.
Le potassium sanguin ne représente qu’une fraction du potassium corporel total, plus de 90 % de ce dernier étant jalousement gardé à l’intérieur des 30 000 milliards de cellules qui nous composent. Le reste se retrouve en partie autour des cellules, et en partie dans le sang lui-même.
Il est seulement possible de mesurer, par prise de sang, la concentration de potassium dans le sang lui-même, ce qui laisse une part d’inconnu quant à ce qui se passe autour des cellules et dans les cellules elles-mêmes.
Des mécanismes puissants parviennent à maintenir cet équilibre complexe du potassium qui voyage entre le sang, le liquide entourant les cellules et les cellules elles-mêmes.
Des règles strictes régissent la liberté du potassium, appliquées par de microscopiques portiers situés à la surface des cellules, qui travaillent de concert à ramener sans relâche le potassium vers l’intérieur de ces cellules — en même temps, par un mécanisme d’échange, à maintenir la concentration du sodium bien plus élevée à l’extérieur.
À cette fin, les portiers font constamment sortir le sodium des cellules et entrer le potassium, dans un ratio 3 : 2. C’est tout un travail, parce que naturellement, le potassium très concentré dans les cellules tend à en sortir, et le sodium, à y entrer. Ce travail de porter implique une dépense d’énergie considérable.
Une montée de potassium
Lorsque ces portiers sont fatigués, le potassium sort « naturellement » des cellules, sa concentration dans le sang augmentant rapidement. Si par exemple nos tissus manquent d’oxygène, ils ralentissent leur cadence, ce qui laisse monter le potassium dans le sang. Dans cette situation, la quantité totale de potassium dans le corps n’est pas affectée, il est juste mal réparti.
Par contre, comme pour la patiente de l’émission, le potassium s’accumule dans le corps, à la fois dans les cellules et dans le sang, lorsque le corps n’arrive plus à s’en débarrasser. Le problème est alors généralisé et il faut une solution.
Cette situation survient surtout quand les reins, seules portes de sortie vraiment efficaces pour éliminer du potassium du corps, cessent de fonctionner normalement. S’ils interrompent leur activité, ne parvenant plus à expulser le potassium, le potassium total s’accumule donc dans le corps.
La toxicité du potassium
Peu importe que ce soit parce qu’il est mal réparti ou qu’il s’accumule globalement, la hausse rapide du potassium sanguin va compromettre plusieurs phénomènes vitaux. Le premier en cause et un des plus sensibles à ce problème est la propagation de l’électricité dans le cœur.
L’incessante activité du cœur repose en effet sur de minuscules courants électriques transmis dans toute sa structure, ce qui provoque la contraction ordonnée de ses parois musculaires et permet de propulser le sang — c’est le but, il ne s’agit pas d’allumer une ampoule.
Ces courants électriques, qui se propagent dans chaque cellule puis d’une cellule à l’autre, sont justement engendrés par le passage très rapide d’ions sodium et potassium à travers les membranes des cellules, dans un cycle qui correspond tout simplement à la fréquence des contractions du cœur.
Toute hausse importante du potassium compromet donc cette transmission électrique. C’est ce qui est arrivé à la patiente de l’émission, dont le pouls était devenu trop lent et n’assumait plus correctement la circulation sanguine au cerveau, d’où la perte de conscience.
Heureusement, une telle hausse de potassium — appelée hyperkaliémie — est facilement révélée par l’électrocardiogramme, dont le tracé représente directement la propagation de l’électricité à travers le cœur. Une fois le diagnostic posé, il reste à agir… en STAT !


Traiter la hausse de potassium
L’action immédiate à entreprendre est d’appliquer des électrodes sur le thorax afin de stimuler le cœur, en remplaçant l’électricité cardiaque interne par ce succédané externe. Ce qui fonctionne souvent assez bien, au prix de douleurs à chaque petite impulsion.
Le second traitement urgent consiste à tromper le cœur en injectant une solution de calcium, parce que ce calcium ressemble un peu au potassium, ce qui stabilise temporairement la situation.
Ensuite, il s’agit dans un premier temps de forcer les cellules à reprendre un peu du potassium sanguin. Pour y arriver, on injecte de l’insuline, ce qui le repousse temporairement à l’intérieur des cellules.
Éliminer le surplus de potassium
Une fois la situation stabilisée, il faut tout de même sortir le potassium accumulé dans tout le corps. Une façon simple est d’augmenter l’excrétion du potassium par les reins, en utilisant un médicament « diurétique » qui force la sortie d’eau, de sodium et de potassium dans l’urine.
Sauf que si le problème de base concerne justement les reins, on doit trouver une solution de rechange. Laquelle ? Remplacer la fonction ! En recourant dans certaines situations à la dialyse, technique spécialisée permettant de filtrer le sang, et d’en retirer dans ce cas le potassium souhaité.
On s’assurera aussi de prescrire une diète faible en potassium, qu’on retrouve en bonne quantité dans les aliments suivants : bananes, épinards, avocats, patates douces, haricots blancs, tomates, pois chiches, lentilles, oranges, dattes, noix et graines.
Prévenir
Dans la vie courante, si vous souffrez d’une des rares conditions où le potassium doit être restreint à plus long terme, vos médecins vous ont certainement déjà expliqué comment y arriver, et une nutritionniste, quels aliments éviter.
Mais si vous êtes en bonne santé, vous n’aurez aucune difficulté à prévenir les surplus de potassium, parce que vous disposez déjà de deux experts diplômés dans son ajustement : les reins. Vous n’avez donc aucune crainte à avoir de ce côté.
Enfin, le potassium essentiel étant raisonnablement réparti dans une foule d’aliments, il est difficile de manquer de potassium si on mange normalement — une bonne nouvelle pour notre cœur, qui continuera donc son important travail de pompage, destin monotone, mais primordial.
La version originale de cet article a été modifiée le 21 mars 2023 pour indiquer que le mécanisme d’échange visant à retenir le potassium dans les cellules fait sortir le sodium des cellules et entrer le potassium dans un ratio de 3 : 2 (et non de 1 : 1).
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Comment peut ton savoir si notre calcium est trop élevé ? à part d’un examen sanguin. Quels sont les symptômes. Merci
Bonne question. Je me permets de vous référer à ce texte, fort bien fait. https://www.merckmanuals.com/fr-ca/accueil/troubles-hormonaux-et-m%C3%A9taboliques/%C3%A9quilibre-%C3%A9lectrolytique/hypercalc%C3%A9mie-taux-%C3%A9lev%C3%A9-de-calcium-dans-le-sang?query=hypercalc%C3%A9mie
Bonjour. Est-il possible que suite à un effort, par exemple, il y aie une baisse de potassium? Car j’ai eu ce problème de potassium bas. Et j’ai eu des problèmes cardiaques entre 47 et 57 ans. Pour aucune raison et même parfois en dormant, mon coeur partait en peur. Je devais appeler l’ambulance, et même à l’hôpital ils avaient des difficultés à le stabiliser. Une fois, ils ont même dû le stopper complètement avec une injection! On m’a suggéré la chirurgie pour couper certains circuits électriques du coeur. J’ai refusé. On m’a proposé des Détails Bloquants. Finalement ça s’est passé après plusieurs années sur antidépresseurs! Se peut il qu’un potassium bas aie été le vrai et seul responsable de ces crises? Merci.
Je ne peux pas commenter pour votre situation précise, mais dans ce que vous décrivez, il y a de toute évidence un problème d’arythmie, donc d’accélération anormale du cœur. Dans ce contexte, de manière générale, la baisse du potassium n’est pas vraiment la cause directe, mais peut favoriser l’apparition d’une arythmie, parce que les cellules cardiaques sont plus excitables lorsque le potassium baisse. Pour ce qui est du potassium, son niveau peut varier assez facilement, en fonction d’une foule de facteurs, comme la déshydratation et la respiration. En général, ces variations sont sans conséquences, puisque le corps tend à ramener un niveau normal assez facilement. Bonne suite.
L’exposition chronique aux radiofréquences incluant les micro-ondes émises par les technologies sans fil affecte d’ailleurs les niveaux de potassium et de calcium cellulaire.
https://www.nature.com/articles/s41598-018-27630-8
https://www.spandidos-publications.com/ijo/59/5/92