Si ce n’était la circulation sur le boulevard Raoul-Duchesne qui traverse le parc industriel de Bécancour, en face de l’usine d’Air Liquide, on pourrait se croire en plein couvre-feu en cet après-midi de printemps. Personne en vue, aucune odeur, quasiment aucun bruit. En écoutant le patron d’Air Liquide me raconter comment l’usine fonctionne, je pense à Cyrus Smith, l’ingénieur de L’île mystérieuse, roman de Jules Verne paru en 1875, expliquant au reporter Gédéon Spilett comment l’eau pourrait finir par remplacer le charbon comme source d’énergie. « Oui, mes amis, prédisait Cyrus Smith, je crois que l’eau sera un jour utilisée comme combustible, que l’hydrogène et l’oxygène qui la constituent fourniront une source de lumière et de chaleur inépuisables et d’une intensité que la houille ne saurait avoir… »
L’hydrogène, source inépuisable de lumière et de chaleur… C’est exactement ce à quoi travaille Air Liquide, m’explique Bertrand Masselot, un Français déménagé à Montréal en 2017 pour prendre la direction d’Air Liquide Canada. « Même s’il est incolore, cet hydrogène est dit vert, car sa production utilise de l’hydroélectricité, qui n’émet à peu près pas de gaz à effet de serre. »
Après un an de travaux réalisés en pleine pandémie, l’usine de Bécancour est devenue ce printemps la première dans le monde à fabriquer à grande échelle de l’hydrogène avec, comme seules matières premières, de l’eau et de l’électricité. Et elle pourrait représenter un jalon important de la transition énergétique nécessaire pour faire face aux changements climatiques.
Les experts sont formels : pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C, un seuil au-delà duquel la vie sur Terre serait profondément bouleversée, il faudra qu’en 2050 l’humanité n’émette plus aucun gaz à effet de serre. Pour cela, dit l’Agence internationale de l’énergie, on doit révolutionner la manière dont on produit et on consomme l’énergie, responsable des trois quarts des émissions de GES. L’électricité produite à partir de sources renouvelables ou non carbonées — l’hydroélectricité, les énergies solaire et éolienne, la biomasse, la géothermie et le nucléaire — doit remplacer la combustion des carburants fossiles pour se déplacer, se chauffer et alimenter les procédés industriels. Et, selon l’Agence, l’hydrogène vert est le complément indispensable de cette électrification massive.
Le XIXe siècle était celui du charbon, le XXe celui du pétrole. Le XXIe sera-t-il celui de l’hydrogène ?
C’est à voir. Car il faudra en fabriquer beaucoup : au moins 520 millions de tonnes par an d’hydrogène vert d’ici 2050… soit près de 180 000 fois ce que produit Air Liquide à Bécancour. Comme si la commande n’était pas déjà assez costaude, il faudra changer la façon d’en créer. Pour l’instant, 95 % de l’hydrogène fabriqué dans le monde, dont 97 % de celui produit au Québec, n’est pas « vert », mais « gris », ou plus rarement « bleu », selon deux procédés pas mal plus polluants.
Car, oui, il faut « produire » de l’hydrogène. Même s’il s’agit du gaz le plus abondant de l’Univers, on n’en trouve à peu près pas sur Terre, parce qu’il est trop léger pour y être retenu par la gravité. Il faut le fabriquer, à partir de matières qui contiennent des atomes d’hydrogène. (Vous vous souvenez du tableau périodique, du temps de vos études secondaires ? Le premier élément, H, c’est le symbole de l’hydrogène.)
Comment produit-on l’hydrogène (H2) ?

On peut créer de l’hydrogène à partir de l’eau (le H dans le symbole H2O), comme à Bécancour.
On peut aussi en créer à partir d’hydrocarbures, qui, comme leur nom l’indique, sont faits d’atomes d’hydrogène et d’atomes de carbone. C’est cet hydrogène-là que l’on dit « gris », car sa fabrication émet plus d’un milliard de tonnes de CO2 par an — environ 12 fois les émissions totales de GES du Québec ! L’hydrogène est dit « bleu » quand on capte le dioxyde de carbone émis lors de la production et qu’on le stocke dans d’anciennes poches de gaz ou de pétrole vides. C’est là un procédé moins polluant, mais dispendieux et encore expérimental.
L’hydrogène gris est, depuis des décennies, une matière première essentielle à de nombreuses industries. Il s’en produit déjà près de 130 millions de tonnes par an dans le monde, dont plus de la moitié sert au raffinage de produits pétroliers et à la fabrication d’engrais. Au Québec, par exemple, les raffineries de Valero, à Lévis, et de Suncor, à Montréal, en fabriquent des dizaines de tonnes par jour pour leurs propres besoins.
L’hydrogène a bien d’autres applications, du soudage à la fabrication de la margarine, du verre ou des circuits imprimés. Il sert aussi de carburant pour les fusées. Dans des régions très industrielles, comme la Ruhr, en Allemagne, ou le golfe du Mexique, il voyage même déjà par pipeline.
Bref, pour que l’hydrogène joue son rôle dans la transition énergétique, il va falloir changer la manière dont on le produit, quadrupler les quantités obtenues et développer toutes les applications où il peut diminuer les émissions de GES. Le défi est immense, risqué et peut-être même irréaliste, selon certains experts.
N’empêche, au Québec, l’hydroélectricité fait rêver au déploiement de cette nouvelle filière.
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En arrivant à l’usine d’Air Liquide, difficile de rater le poste électrique. Deux structures en bois, qui relient des câbles imposants, confèrent à ce coin un air de terrain de soccer abandonné, faute de géants pour garder les buts. À côté du poste, trois bâtisses basses peintes en bleu et quelques réservoirs blancs sont dispersés autour d’une grosse sphère reliée au reste des installations par des canalisations suspendues. Au milieu de tout ça, une station-service où trois camions-citernes, moteurs arrêtés, sont en cours de remplissage.
L’électrolyse, soit la décomposition chimique de l’eau à l’aide d’un courant électrique, a beaucoup progressé depuis son invention, en 1800. À Bécancour, quatre électrolyseurs, à peine plus gros que des réfrigérateurs, font le travail, abrités dans une des bâtisses bleues.

Chacun des électrolyseurs — un modèle dit « à membrane à protons » — a besoin de cinq mégawatts de puissance pour produire deux tonnes d’hydrogène par jour à partir de l’eau de la Ville de Bécancour, qu’Air Liquide traite pour retirer sels minéraux et impuretés. Lorsque cette eau ultrapure (H2O) est mise au contact du courant électrique, la décomposition s’opère. L’hydrogène gazeux (H2) s’en va d’un côté de la membrane du catalyseur, et l’oxygène gazeux (O2) de l’autre. Cet O2 est rejeté dans l’air par la cheminée de l’usine, car les quantités produites sont pour l’instant trop faibles pour qu’il soit rentable de l’utiliser.
Dans le bâtiment d’à côté, l’électricité sert cette fois à abaisser à –250 °C la température de l’hydrogène, qui devient alors liquide. Puis, l’hydrogène est stocké sous cette forme dans le gros réservoir sphérique blanc. De là, il est transféré dans les citernes des camions — certains le transportent aussi sous forme de gaz comprimé — afin d’être acheminé chez quelques dizaines de clients, principalement dans le nord-est des États-Unis.
Le tout nécessite de strictes conditions de sécurité : toute fuite d’hydrogène dans l’air est susceptible de provoquer une explosion, puisque le contact de l’hydrogène avec l’oxygène de l’air, qui redonne de l’eau, entraîne une réaction qui dégage beaucoup d’énergie. « Il n’y a pas de raison d’en avoir particulièrement peur : on n’est plus à l’époque du Hindenburg, le dirigeable à l’hydrogène qui a explosé en 1937 ! » explique Pierre Bénard, directeur de l’Institut de recherche sur l’hydrogène, à l’Université du Québec à Trois-Rivières.
L’industrie est déjà encadrée par de solides normes de sécurité, mises sur pied, entre autres, quand la NASA a commencé à utiliser massivement ce gaz, dans les années 1950, poursuit le chercheur, dont l’équipe a notamment travaillé avec le Bureau de normalisation du Québec pour élaborer le Code canadien d’installation de l’hydrogène. « Une des tâches les plus importantes des gouvernements va consister à établir des normes internationales communes pour l’hydrogène puisque, pour l’instant, elles varient d’un pays à un autre. »
L’usine de Bécancour ne sera pas la plus grosse durant bien longtemps, ni dans le monde ni au Québec, se réjouit le PDG d’Air Liquide, Bertrand Masselot. En Normandie, l’entreprise a déjà annoncé la construction d’une unité de 200 mégawatts, où 25 électrolyseurs devraient réussir à produire 28 000 tonnes d’hydrogène vert par an. Et d’autres entreprises prévoient construire des usines de taille similaire dans plusieurs pays.
Au Québec, Hydro-Québec est aussi entrée dans la course. Elle a entrepris à Varennes la construction d’une unité d’électrolyse de 88 mégawatts qui, à partir de 2023, alimentera en hydrogène une nouvelle bioraffinerie d’Enerkem destinée à transformer les déchets ménagers en biocarburants. « Il est certain que l’hydrogène a un rôle à jouer dans la transition énergétique en complément de l’électricité. Techniquement, développer cette filière est faisable, mais économiquement, c’est moins évident », dit Mathieu Johnson, directeur du développement, du partenariat et de la planification stratégique à Hydro-Québec. « Hydro-Québec entend donc d’abord s’impliquer dans des projets qui vont soutenir et fédérer les industriels intéressés. »
À Varennes toujours, Greenfield Global, le plus gros producteur d’éthanol au Canada, va aussi moderniser son usine pour y produire annuellement 9 600 tonnes d’hydrogène par électrolyse, à compter de 2025.
Normand Goyette, lui, vise une tout autre technologie. « Avec l’entreprise OMNI CT, d’Ottawa, on va produire du gaz naturel à partir de toutes sortes de déchets, qu’on va ensuite transformer en hydrogène par un procédé au plasma », explique l’entrepreneur novice dans ce secteur, qui a créé la société H2V Énergies avec l’ambition de construire une usine d’hydrogène vert d’un milliard de dollars à Bécancour. Il affirme que cette technologie, qui en est à ses débuts, consommera au moins cinq fois moins d’électricité que l’électrolyse. En mai, H2V a reçu 35 millions de dollars d’une société d’investissement, mais Normand Goyette, qui se fait conseiller, entre autres, par l’Institut de recherche sur l’hydrogène, croit que le tiers du financement de son projet devra venir des gouvernements. À voir.
D’autres voient beaucoup plus grand avec des installations pharaoniques censées démarrer d’ici 2030. Une vingtaine de giga-usines ayant sur papier des capacités d’électrolyse supérieures à un gigawatt (50 fois l’usine de Bécancour !) ont été annoncées dans le monde ces deux dernières années, principalement en Europe, en Chine et en Amérique latine. Le plus imposant projet, baptisé HyDeal Ambition, rassemble 30 producteurs d’énergie et vise à installer en Espagne, en France et en Allemagne des électrolyseurs alimentés par des centrales solaires et fournissant au total 67 gigawatts. C’est l’équivalent de près de deux fois la puissance de toutes les centrales d’Hydro-Québec réunies.
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Le Canada, comme bien d’autres, entend devenir un des leaders mondiaux, et vante ses atouts — une centaine d’entreprises actives dans les technologies de l’hydrogène ainsi qu’une importante production d’électricité d’origine renouvelable — dans la Stratégie canadienne pour l’hydrogène publiée en décembre 2020, assortie d’un budget de 1,5 milliard de dollars. Le Québec, qui publiera cet automne un document similaire, a déjà réservé 15 millions de dollars à l’hydrogène vert dans son dernier budget. Le Japon, les États-Unis, la Chine, la Corée du Sud, l’Allemagne, la France et l’Australie ont déjà publié leurs plans et annoncé des soutiens gouvernementaux de plusieurs milliards de dollars.
Ottawa entrevoit que les exportations pourraient rapporter pas moins de 50 milliards de dollars d’ici 2050. D’ici cette date, lit-on dans sa Stratégie, l’hydrogène fournira le tiers de l’énergie utilisée au pays, et cette production fera diminuer de 190 millions de tonnes les émissions de GES, soit environ le quart des émissions actuelles du Canada. Il va donc falloir bien d’autres solutions pour atteindre la carboneutralité.
D’autant que son plan mise surtout sur l’hydrogène bleu, qui, comme l’hydrogène gris, est principalement produit à partir de gaz naturel. À la différence qu’un procédé permet de capter le CO2 émis lors de la fabrication, puis de le stocker au lieu de l’évacuer dans la nature. C’est plus compliqué. Et cher.
Pour l’instant, une seule usine fonctionne sur ce principe au Canada : près d’Edmonton, Shell produit depuis 2015 de l’hydrogène bleu pour l’industrie pétrolière dans une installation baptisée Quest. L’usine capte 1,2 million de tonnes de CO2 par an, qui est envoyé par un pipeline de 65 km jusqu’à une formation géologique dans laquelle il est injecté à 2 km sous terre. Le gouvernement de l’Alberta croit que cette technologie pourrait faire de la province un acteur important de l’hydrogène « propre ».
Philippe Tanguy, professeur à Polytechnique Montréal et auteur d’une étude technico-économique sur la filière hydrogène commandée par le gouvernement du Québec en 2020, en doute. « Le procédé est coûteux en énergie et en eau, et pour séparer le CO2, on utilise des amines dont la production est très polluante. De plus, le nombre de sites géologiques pour stocker ce gaz est limité », prévient cet ancien du groupe pétrolier Total, devenu grand patron de Polytechnique Montréal.
L’ingénieur craint aussi qu’on sous-estime les difficultés à augmenter la production et à faire accepter des pipelines allant jusqu’à la côte du Pacifique pour pouvoir exporter l’hydrogène. « Juste pour stocker les quantités émises aujourd’hui par la production d’hydrogène gris au Canada, il faudrait 30 projets Quest ! Je veux bien qu’on développe l’hydrogène bleu, mais où va-t-on mettre tout le CO2 ? »
Ça vaut quand même la peine d’essayer, juge quant à lui Simon Dyer, directeur général de l’Institut Pembina, un groupe de réflexion sur l’énergie propre très actif dans l’Ouest. « L’Alberta doit faire partie de la solution, car elle a beaucoup d’expertise qui pourrait être valorisée dans cette filière. Elle pourrait produire plus d’hydrogène pour aider au déploiement des applications, quitte à ce que la fabrication du gaz ne soit pas, pour un temps, aussi propre qu’espéré », explique l’analyste.
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Lorsque j’ai contacté Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal, pour avoir son avis sur l’hydrogène, ses premiers mots ont sonné comme un avertissement. « Surtout, quand vous lisez des plans de déploiement, regardez bien les unités de mesure », m’a-t-il conseillé.
De fait, une fois démêlées les unités de puissance et de production électriques, de volume ou de masse d’hydrogène ou de GES, on se rend compte de ce que cela demandera pour réussir cette révolution : de quoi se donner un sérieux choc électrique !
Un exemple, calculé par Philippe Tanguy, de Polytechnique : pour convertir à l’hydrogène seulement 10 % des camions lourds immatriculés au Québec, il faudrait 30 usines comme celle d’Air Liquide à Bécancour et une quantité d’électricité de cinq térawattheures pour les alimenter… soit presque toute la production de l’énorme complexe hydroélectrique de la Romaine !
« C’est vrai que l’hydroélectricité du Québec constitue un avantage stratégique pour le déploiement de projets-pilotes pour l’hydrogène, mais si cette filière se développe, on va vite manquer de puissance », prévient le chercheur.
L’Europe, qui envisage d’avoir 100 000 camions à hydrogène d’ici 2030 — soit un trentième de son parc de camions —, devra quant à elle trouver l’équivalent de 15 centrales nucléaires ou couvrir de panneaux solaires l’équivalent de huit fois Paris pour générer assez de ce carburant.
Arriver à produire suffisamment d’énergie à la fois pour l’électrification et pour la fabrication d’hydrogène va représenter un défi colossal, voire insurmontable. « Même si des pays comme la Chine ou la Russie songent à développer leurs capacités nucléaires, il va falloir des quantités faramineuses de béton, entre autres, pour construire ces nouvelles centrales. Et avec quelle énergie va-t-on produire ce béton ? » se demande, en riant jaune, l’ingénieur Philippe Tanguy.
« Ça vaut quand même vraiment la peine de chercher à développer la filière hydrogène, avec des projets-pilotes bien conçus, pour savoir ce qui est le plus porteur. On ne peut pas se permettre de négliger cette piste », croit le chercheur.
Révolution ou pas, si l’humanité veut vivre sans gaz à effet de serre en 2050, le plus sûr moyen est encore de diminuer nettement la quantité totale d’énergie que l’on consomme, quelle qu’en soit l’origine. « Sinon, on n’y arrivera jamais », affirme Pierre-Olivier Pineau, de HEC. Avoir de plus petites voitures, utiliser davantage les transports en commun ou actifs, consommer moins, réutiliser et recycler, améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments… tout cela est bien moins vendeur que le rêve de l’ingénieur Cyrus Smith de L’île mystérieuse. Mais il ne faudrait pas l’oublier.
Plus d’énergie grâce à l’hydrogène ?
L’hydrogène peut être transformé en électricité par une pile à combustible. Mais quand on le met simplement en contact avec l’oxygène de l’air, cela entraîne une réaction qui dégage beaucoup d’énergie. Voilà pourquoi l’hydrogène pourrait aussi aider à décarboner la production d’énergie, en étant ajouté au gaz naturel ou à d’autres carburants fossiles dans les centrales thermiques ou les installations de chauffage.
Bon nombre d’entreprises ont commencé des tests pour injecter directement de 10 % à 20 % d’hydrogène dans les gazoducs. Le Japon, de son côté, veut massivement recourir à l’ammoniac, produit à partir de l’hydrogène et de l’azote, pour diminuer les GES de ses centrales thermiques. Reste à savoir comment traiter les oxydes d’azote qu’émettra le procédé. Même si ces gaz n’ont pas un impact considérable sur le climat, ils sont de grands responsables du smog, des pluies acides et de la destruction de la couche d’ozone.

L’hydrogène pourrait surtout aider à tirer bien plus d’énergie du soleil et du vent. Actuellement, les difficultés à stocker ces énergies intermittentes sont un des principaux freins qui empêchent de les exploiter davantage. On peut utiliser des batteries pour cela, mais leur faible capacité de stockage et leur usure rapide font qu’elles sont loin d’être idéales. Selon l’Agence internationale de l’énergie, installer des hydrolyseurs et des piles à combustible au pied des éoliennes et des panneaux solaires est une option plus prometteuse que les batteries.
Mais avant tout, installer seulement des hydrolyseurs dans les parcs d’éoliennes ou les centrales solaires permettrait de produire beaucoup d’hydrogène vert, pour l’envoyer ailleurs par pipeline ou par bateau afin de l’employer dans n’importe quelle application.
L’acier, carboneutre d’ici 2050 ?
L’hydrogène a beaucoup de potentiel dans l’industrie de la sidérurgie, responsable à elle seule de 4 % à 5 % des émissions mondiales de GES. Pour fabriquer de l’acier, il faut casser les molécules de minerai de fer, faites surtout d’atomes de fer et d’oxygène, en procédant à ce que les chimistes appellent une réaction de réduction. La méthode traditionnelle consiste à brûler du coke, un dérivé du charbon très riche en carbone, dans des hauts fourneaux, ou bien à utiliser du monoxyde de carbone, ce qui dégage d’énormes quantités de CO2. Or, au cours des dernières années, des chercheurs ont montré que l’hydrogène peut aussi jouer ce rôle d’élément réducteur, en transformant le minerai de fer en fer pur… et en eau. Des projets-pilotes d’usines dites de « réduction directe à hydrogène » viennent d’être lancés en Europe et au Japon par de grands industriels comme ArcelorMittal. Il faudra du temps pour convertir cette industrie lourde, mais les sidérurgistes ambitionnent de rendre leur industrie carboneutre avant 2050.
Cet article a été publié dans le numéro de septembre 2021 de L’actualité.
Faut-il avoir peur de l’Hydrogène?
Mme Borde n’avez-vous pas peur que de voir que ceux qui sont dans l’allégresse avec l’H soient les pollueurs de l’industrie du fossile, gaz et pétrole?
Et si elles font la promotion de l’H ce n’est sûrement pas pour faire couler moins de pétrole.
Sinon les pétroleux commanditeraient une Analyse du Cycle de Vie pour stigmatiser l’hydrogène par la CIRAIG,
comme ils ont fait pour stigmatiser le VE (Total, Arcelor)
Le gris et le bleu c’est certain que ça va faire couler plus de pétrole
alors que le vert, hmmm
n’avez-vous pas peur de faire confiance à l’industrie du fossile la plus corrompue au monde (OCDE) qui en font la promotion.
N’avez-vous pas peur de faire confiance aux EXXON de ce monde:
https://cleantechnica.com/2021/05/17/harvard-researchers-use-ai-to-document-exxon-climate-shaming-strategy/
https://www.rvhq.ca/lhydrogene-au-canada-un-nouveau-mythe-en-couleur/
https://lautjournal.info/20201203/le-leurre-hydrogene
Parmi les promoteurs sont les plus grands menteurs de l’auto, Dieselgate.
https://roulezelectrique.com/les-voitures-a-hydrogene-une-aberration/
https://insideevs.com/news/518469/oil-push-hydrogen-delay-evs/
https://cleantechnica.com/2021/07/30/toyota-actively-lobbying-to-slow-down-ev-revolution/
Un déversement d’énergie solaire ça s’apple une belle journée et c’est plein de vitamine D.
Comment Toyota sabote la mobilité électrique?
Faut-il avoir en avoir peur de ce soi-disant pionnier de l’électrification?
https://cleantechnica.com/2021/08/03/what-went-wrong-at-toyota-hybrid-electrification-pioneer-is-now-working-to-delay-electrification/
Un nouveau mythe
Je suis encore plus sceptique que le directeur de Polytechnique. L’hydrogène n’est pas une source d’énergie. Par électrolyse, il faut consommer plus d’électricité que ce que l’hydrogène pourra ensuite produire. Il faut aussi liquéfier ou comprimer l’hydrogène, ce qui demande encore de l’énergie qui sera perdue.
Et en le produisant à partir de combustibles, il y a émissions de polluants comme si ces combustibles étaient brûlés. Le stockage de ces polluants représente des défis et consomme là-aussi de l’énergie.
Le recours à l’énergie nucléaire est dangereux à très long terme. Les accidents sont toujours possibles, comme à Fukushima il y a dix ans.
L’objectif prioritaire est de cesser de brûler des combustibles fossiles. Or, pour y arriver, il faudrait produire de gigantesques quantités d’électricité autrement. Et l’hydrogène n’est pas une source d’énergie. L’augmentation de sa production ne ferait qu’accroître la demande d’électricité.
La filière hydrogène est actuellement en pleine effervescence. Beaucoup de recherches sont faites pour trouver la solution la moins coûteuse pour générer cette source potentielle d’énergie, le stocker et le transporter notamment de manière solide. Pas besoin de pipelines.
Actuellement comme le démontre Valérie Borde dans cet article bien documenté, c’est le procédé d’électrolyse de l’eau qui est le plus avancé. Ce procédé toutefois requière des quantités importantes d’électricité. Cependant, il est techniquement possible de produire de l’électricité par électrolyse. De sorte que l’électrolyseur pourrait produire assez d’électricité pour produire de l’hydrogène.
Le problème actuellement connu, c’est le coût de production de cette énergie qui est élevé, le rendement des piles à combustible est faible (ce n’est pas la panacée universelle), ce qui rend le coût de l’hydrogène produit par de tels procédés très élevé. Rien n’indique cependant que ces procédés ne puissent être améliorés. — Reste à savoir combien de temps cela prend-il pour que tout soit pleinement efficient.
Si les filières de production d’hydrogène par photosynthèse des plantes ou encore par procédés chimiques avec des enzymes reste encore expérimentales, elles sont selon moi prometteuses. Qui n’aimerait pas faire rouler son char à partir de l’hydrogène maison généré par nos ordures ménagères ? Cela ne rendrait-il pas le compostage pas mal excitant ?
Disons pragmatiquement qu’on n’est guère plus avancé que Jules Verne voici presque 150 ans pour faire d’un concept stimulant une tangible réalité. À une époque où le maître pouvait contempler les étoiles depuis son repère d’Eden-Roc (Cap d’Antibes), une résidence qui existe encore d’ailleurs.
Toujours est-il qu’il y a du mieux. Il reste probable qu’une combinaison de méthodes de productions énergétiques aient à cohabiter pour encore longtemps. La voie de la complémentarité n’est somme toute pas la pire qu’il soit. Écarter la filière hydrogénique sur une base idéologique serait selon une pendable erreur.
« Pour éviter la catastrophe climatique, gouvernements et entreprises investissent des milliards de dollars dans l’hydrogène, qui devra combler le quart de nos besoins énergétiques d’ici 2050, selon l’Agence internationale de l’énergie. Révolution en vue… ou utopie ? »
La réponse à la question est évidente : utopie. Tous les experts joints par Madame Borde vont dans ce sens. Quel gaspillage « d’investir » ainsi des milliards de dollars dans une telle utopie. Mais Madame Borde tente de nous convaincre du contraire, que c’est vraiment l’avenir énergétique de la planète qui se dessine sous nous yeux avec cette utopie.
En citant cette « prédiction » de l’AIE à l’effet que l’hydrogène « devra combler 25% de nos besoins énergétiques d’ici 2050 », la cheffe du bureau Science et santé du magazine L’Actualité réalise-t-elle qu’elle se fait ainsi le porte-voix d’une idéologie n’ayant aucun fondement scientifique ? Qu’elle trahit son devoir de journalise de nous donner une information scientifique crédible et honnête?
Sait-elle seulement d’où vient cette « prédiction » et dans quel but a-t-elle été promulguée ?
Il faut remonter à 2009 pour en voir l’origine. Après avoir répété ad nauseam, sans la moindre preuve, que l’accroissement de la teneur en CO2 de l’atmosphère résultant de l’usage des énergies fossiles était profondément nocif et qu’il fallait y mettre fin et comme nul ne pouvait imaginer qu’il soit possible de se passer de cette énergie, le GIEC a senti le besoin d’offrir une solution de remplacement. Il a alors lancé un vaste appel mondial à tous ceux qui voudraient communiquer leur propre scénario d’évolution dans le temps du rôle des énergies renouvelables au sein de la consommation énergétique de la planète. Le rapport correspondant porterait le nom de SRREN (Special Report on Renewable Energies and Mitigation of Climate Change). À l’issue des travaux, le GIEC ne retint pour sa communication qu’un seul des 164 scénarios qui lui avaient été soumis, le seul qui lui permettait d’affirmer contre toute vérité : « Les énergies renouvelables pourraient répondre en 2050 à près de 80% des besoins énergétiques de l’humanité ».
Or, il est facile de démontrer que les énergies renouvelables intermittentes que sont l’éolien et le solaire ne peuvent répondre tout au plus qu’à la moitié des besoins en électricité de tout pays du fait justement de leur intermittence, et l’électricité ne représente elle-même qu’environ un cinquième de la consommation énergétique totale, de sorte que les énergies renouvelables ne peuvent répondre en réalité qu’à 10% des besoins en énergie de la planète et non 80%! S’il est facile de transformer l’électricité en un produit comme l’hydrogène, il est économiquement impossible qu’il se substitue un jour au pétrole, au gaz naturel ou au charbon, qui resteront donc indispensables à l’humanité.
Qui est donc l’auteur du SEUL scénario retenu par le GIEC qui affirmait à l’encontre des 163 autres et contre toute vraisemblance que les énergies renouvelables pourraient répondre à 80% des besoins énergétiques de la planète ?
Son nom est Sven Teske, cofondateur de Greenpeace Energy et stipendié par le lobby allemand de l’industrie photovoltaïque. En 2012, il a été directeur de projet et principal auteur d’un rapport coécrit qui portait sur la « révolution énergétique », coécrit avec le Global Wind Energy Council (GWEC), la « voix de l’industrie de l’énergie éolienne mondiale », et l’European Renewable Energy Council (EREC), organisation parapluie de l’industrie des énergies renouvelables. Les écologistes sont très prompts à dénoncer l’ingérence des pétrolières, ils le sont moins quand ce sont les industriels du solaire et de l’éolien qui s’ingèrent dans le débat pour des raisons mercantiles qui n’ont rien à voir avec la science.
Alors Madame Borne, quand vous dites « Ottawa entrevoit (…) dans sa Stratégie canadienne pour l’hydrogène (que) l’hydrogène fournira le TIERS de l’énergie utilisée au pays, et (que) cette production fera diminuer de 190 millions de tonnes les émissions de GES, soit environ le quart des émissions actuelles du Canada », vous jouez encore le jeu de Greenpeace et des autres ONG écologistes. Vous donnez plus de crédibilité à cette « Stratégie » en la faisant passer comme si elle était la politique officielle du Canada. Avez-vous lu au moins l’avertissement qui apparaît au début du rapport ? Je vous le reproduis ici pour votre information :
« AVIS DE NON-RESPONSABILITÉ
La Stratégie canadienne pour l’hydrogène (la « stratégie ») présente le point de vue de nombreux intervenants de l’ensemble des gouvernements et de l’industrie, ainsi que d’organismes autochtones, d’organisations non gouvernementales et du milieu universitaire. Bien que le gouvernement du Canada en ait dirigé l’élaboration et ait mené de vastes consultations auprès de l’industrie, la stratégie – y compris les constatations et les recommandations – représente un amalgame de perspectives qui pourraient ne pas être approuvées à l’unanimité par tous les organismes participants et leurs employés. »
Relisez bien comme il faut : « …la stratégie — y compris les constatations et les recommandations — représente un amalgame de perspectives qui pourraient ne pas être approuvées… » On est loin d’une « Stratégie » officielle d’Ottawa.
Quand vous dites, citant ce rapport, que « Ottawa entrevoit (que) l’hydrogène FOURNIRA le TIERS de l’énergie utilisée au pays », en employant l’indicatif futur comme si c’était une prévision incontestable, ledit rapport est moins catégorique puisqu’il emploie plutôt le conditionnel : « Si le Canada saisit les occasions offertes par l’hydrogène, d’ici 2050, le pays POURRAIT réaliser ce qui suit : Jusqu’à 30 % de l’énergie canadienne fournie sous forme d’hydrogène. »
Quand vous dites, Madame Borde, que « le plus imposant projet (de production d’hydrogène), baptisé HyDeal Ambition (…) vise à installer en Espagne, en France et en Allemagne des électrolyseurs alimentés par des centrales solaires fournissant au total 67 gigawatts » et que vous ajoutez pour en montrer l’importance que « C’est l’équivalent de près de deux fois la puissance de toutes les centrales d’Hydro-Québec réunies. », vous trompez les lecteurs encore une fois. Une journaliste scientifique devrait savoir que ce n’est pas la puissance nominale qui permet de comparer adéquatement deux sources d’énergie quand l’une est continue et l’autre intermittente, mais l’énergie que chacune produit. Une centrale hydroélectrique fonctionne 24 heures par jour, 365 jours par année. L’énergie produite se mesure en Wh (watt-heure) et s’obtient en multipliant la puissance en watt par le nombre d’heures de production. En 2019, les centrales d’Hydro-Québec avaient une puissance de 37 GW (gigawatt) et ont produit durant l’année plus de 200 TWh (térawatt-heure) d’énergie. Une centrale solaire ne produit pas la nuit, produit moins ou pas quand c’est nuageux, ou le matin et le soir quand les rayons du soleil arrivent avec une incidence oblique par rapport aux panneaux solaires. Si bien qu’à puissances nominales égales une centrale solaire produira 5 à 10 fois moins d’énergie qu’une centrale hydroélectrique. La centrale solaire HyDeal Ambition, par exemple, malgré ses 67 GW de puissance crête, ne produira guère plus de 50 TWh d’énergie, ce qui est quatre fois moins que la production d’Hydro-Québec.
Des élections fédérales s’en viennent prochainement où les questions climatiques joueront un rôle de premier plan. En désinformant les électeurs sur ces questions, l’Actualité rend un très mauvais service à la démocratie.
Alain Bonnier, docteur en physique
@ Monsieur Alain Bonnier,
J’aimerais vous signaler que cette citation : « Pour éviter la catastrophe climatique, gouvernements et entreprises investissent des milliards de dollars dans l’hydrogène, qui devra combler le quart de nos besoins énergétiques d’ici 2050, selon l’Agence internationale de l’énergie. Révolution en vue… ou utopie ? » Que cette citation écrite en exergue de l’article de Valérie Borde, n’est pas le fait de la journaliste, c’est plutôt le texte d’introduction à l’article rédigé par la rédaction de L’actualité. Vous n’êtes pas tenu en effet de l’approuver.
Toutefois le propre des utopies n’est-il pas qu’elles finissent tôt ou tard par se réaliser ? Sans rêves toutes les sociétés meurent et disparaissent inéluctablement. Mais peut-être que la fin de l’humanité est proche et l’apocalypse est à notre portée. Pourquoi ne pas poursuivre en effet dans cette direction ? Remplaçons l’eau par le Champagne et profitons-en pendant qu’il en est encore temps.
Lorsque voici un peu plus de 1400 ans Platon dictait La République, il passait pour un doux rêveur. Pourtant ce sont aujourd’hui les républiques qui régissent le monde. C’est un livre précurseur.
Quand sont apparues les premières automobiles, bien peu de personnes croyaient dans ce moyen de locomotion fantaisiste. Pourtant avec l’arrivé de la Ford T, les choses allaient bien changer. Combien de véhicules sont immatriculés actuellement au Québec ?
Voici une trentaine d’années les économistes experts prévoyaient la mort imminente d’Apple. N’est-ce pas devenue l’entreprise la plus rentable au monde et son « cash flow » n’est-il pas phénoménal ?
Vous déplorez le manque de rendement des panneaux solaires comparé à l’hydro-électricité. Personne n’a jamais dit qu’il fallait se passer du jour au lendemain de toutes formes d’énergies en dehors du solaire. La technologie solaire évolue très vite maintenant, si on s’en était occupé voici plus de soixante ans elle serait plus évoluée.
L’avenir est aux cellules photovoltaïques qui fonctionnent 24h/24. Leur rendement moyen devrait atteindre les 50%. Sans oublier le stockage de l’énergie solaire qui permet un usage plus permanent. Pas d’énergie thermique sans stockage de pétrole. Pas d’énergie hydrique sans barrages pour stocker l’eau nécessaire aux turbines. Toutes les formes d’énergies peuvent être combinées, il n’y a aucune obligation de les employer isolément. Donc pas d’intermittence. Seulement des solutions adaptées à toutes les situations. C’est la politique d’Hydro-Québec qui soutient ce genre de solutions, combinées entre autre avec l’éolien.
Peu importe la date précise où l’hydrogène comblera 25% de nos besoins énergétiques. Cette filière va se développer. Contre cela vous ne pouvez absolument rien. Ceux qui voici encore un siècle n’en voyaient que par le charbon ont été confondus par l’industrie des hydrocarbures.
— En conclusion, je pense que vos réprimandes à l’encontre de madame Borde sont assez maladroitement justifiées, vous devriez considérer de vous excuser.
*** Erratum : La République de Platon datant du 4ième siècle vant JC. Sa rédaction remonte aux alentours de 2400 ans et non de 1400 comme écrit précédemment.
@ Serge Drouginsky
Cette déclaration, l’Actualité ne l’a quand même pas prise dans des « fortunes cookies ». Qui croyez-vous parmi les journalistes de l’Actualité est la mieux placée pour lire les rapports de l’AIE et d’avoir écrit le texte d’en-tête ?
Combien d’utopies sont restées des utopies ?
Quant à savoir si l’hydrogène a de l’avenir, misez donc sur les prix d’énergie bon marché déjà existant pour connaître le futur.
@ Serge Drouginsky
Vous dites que « le propre des utopies est qu’elles finissent tôt ou tard par se réaliser »? Dans ce cas, j’ai bien hâte de voir à quel moment, tôt ou tard, se réalisera l’utopie que vous venez de nous lancer à l’effet que « l’avenir est aux cellules photovoltaïques qui fonctionnent 24h/24 ». Bravo pour l’avenir! Il y a une question qui me chicote cependant : vous les éclairez comment vos cellules photovoltaïques la nuit pour qu’elles produisent de l’énergie 24h/24? Avec une lampe de poche? J’attends votre réponse impatiemment.
J’ai de la difficulté à vous suivre également quand vous dites que « la citation écrite en exergue de l’article de Valérie Borde n’est pas le fait de la journaliste, c’est plutôt le texte d’introduction à l’article rédigé par la rédaction de L’Actualité ». Vous dites ça comme pour disculper Madame Borne d’avoir écrit la sottise à l’effet que « pour éviter la catastrophe climatique, l’hydrogène (sous-entendu « vert », bien sûr) devra combler le QUART de nos besoins énergétiques d’ici 2050 ». C’est une sottise, je vous l’accorde. Nous sommes d’accord là-dessus, vous et moi. Mais alors, si c’est la rédaction de L’Actualité qui a commis une telle bourde, ce n’est guère plus rassurant. Aurait-elle inventé cette citation d’après vous ? Si c’est le cas, c’est grave, vous accusez L’Actualité de « fake news ». Vous devriez dès lors déposer une plainte à cet effet au Conseil de presse du Québec. Mais si la rédaction de L’Actualité vous répond que la citation qu’elle a rapportée provient bien textuellement de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), vous devriez bien admettre dans ce cas que c’est l’AIE qui est à l’origine de cette sottise. C’est exactement ce que je disais dans mon commentaire précédent! Vous voyez comme on finit par se comprendre!
Si ce n’est pas elle qui a écrit la sottise qui apparait en exergue de son article, Madame Borde ne s’en sort pas innocentée pour autant. C’est bien elle, je suppose, qui a écrit que «Ottawa entrevoit (…) dans sa Stratégie canadienne pour l’hydrogène (SCPH) que l’hydrogène fournira (d’ici 2050) le TIERS de l’énergie utilisée au pays, et (que) cette production fera diminuer de 190 millions de tonnes les émissions de GES, soit environ le quart des émissions actuelles du Canada». Bien sûr, ce n’est pas vraiment elle qui l’a écrit puisqu’elle cite le rapport de la SCPH. Mais elle a fait preuve d’un grand manque de jugement en ne voyant pas que ce qu’elle rapportait était aussi stupide que la déclaration de l’AIE. Et comme nous étions d’accord, vous et moi, Monsieur Drouginsky, pour dire que cette déclaration était stupide, nous sommes sûrement d’accord aussi pour dire que la dernière citation de la SCPH rapportée par Madame Borde l’est tout autant.
Mais au bénéfice de ceux qui n’auraient pas votre perspicacité, je vais essayer d’expliquer un peu plus en détail pourquoi cette dernière citation est vraiment stupide.
Premièrement (et malheureusement) parce que l’hydrogène n’est pas une source primaire d’énergie. L’hydrogène peut servir à stocker de l’énergie, bien sûr, mais on ne peut produire de l’énergie avec l’hydrogène si on n’a pas d’abord utilisé une source primaire d’énergie pour le créer. Cette source primaire peut être renouvelable comme l’éolien et le solaire, ou non renouvelable comme les produits fossiles et nucléaires. Mais si « on veut sauver la planète » selon la doctrine giecienne, il faut absolument éviter les produits fossiles qui ont le fâcheux défaut de dégager du CO2 avec toutes les catastrophes climatiques qui ne manqueront pas de s’en suivre. On sait que c’est maintenant sûr officiellement à 99%. Il n’est pas trop recommandé non plus d’utiliser l’énergie provenant de la fission nucléaire qui a le fâcheux défaut de laisser des résidus radioactifs pouvant durer des siècles, voire des millénaires. Remarquez, ce n’est pas trop grave si l’apocalypse a lieu dans vingt ans. Mais enfin, on sait jamais, des fois qu’on serait encore là après vingt ans. Restent finalement, comme toute source primaire acceptable, l’éolien et le solaire.
Deuxièment (et malheureusement), produire de l’énergie à partir du vent et du soleil, nous limite drôlement dans la capacité qu’on aurait à satisfaire aux besoins en énergie de l’humanité. D’abord parce que ce sont des sources intermittentes : les éoliennes sont en chômage quand le vent tombe, les panneaux solaires le sont tout autant quand la nuit tombe (oui, je sais, c’est en attendant bien sûr de disposer de vos cellules photovoltaïques, Monsieur Drouginsky, qui fonctionneront 24h/24, avec ou sans soleil).
Pour cette raison, les éoliennes produisent cinq fois moins d’énergie que les centrales hydrauliques de même puissance et les panneaux solaires, dix fois moins. Le projet de centrales solaires HyDeal Ambition, dont parlait Madame Borde dans son article, malgré ses 67 GW de puissance nominale, ne produira guère plus de 50 TWh d’énergie par année, ce qui est quatre fois moins que la production de 200 TWh d’Hydro-Québec avec son réseau de centrales hydroélectriques de 37 GW.
Troisièmement (et malheureusement), non seulement ces sources sont-elles intermittentes, mais en plus, contrairement aux sources fossiles et nucléaires, on ne dispose pas dans leur cas de réservoirs de vent ou de soleil dans lesquels ont pourrait puiser au besoin. Pour cette raison, il faut stocker cette énergie dans des piles ou dans des gaz (comme l’hydrogène) pour pouvoir en disposer de façon continue ou pour la transporter ailleurs, loin de son point de production. Or cette opération ne se fait pas sans une perte considérable d’énergie. Pour générer de l’hydrogène gazeux par l’électrolyse de l’eau, par exemple, il en coûte 20% de l’énergie ayant servi à le produire. C’est dire qu’avec le projet HyDeal Ambition et sa production d’énergie solaire de 50 TWh, il n’en restera plus que 40 TWh, une fois celle-ci stockée dans l’hydrogène gazeux.
Quatrièmement (et malheureusement), l’hydrogène gazeux occupe, à température et pression normale, un très très grand volume. Pour le stocker ou le transporter ailleurs il est nécessaire de le comprimer à très haute pression (200 à 700 bars) ou de le liquéfier à très basse température (-253°C). Cette opération ne se fait pas sans perte d’énergie non plus : au moins 30% de l’énergie déjà stockée sous forme d’hydrogène gazeux servira à le comprimer ou à le liquéfier. Pour le projet HyDeal Ambition, des 40 TWh stockés sous forme d’hydrogène gazeux, il n’en restera plus que 28 TWh sous forme d’hydrogène comprimé ou liquide.
Cinquièmement (et malheureusement), cette énergie sous forme d’hydrogène comprimé ou liquide ne sert à rien si on ne peut pas la reconvertir ensuite en énergie électrique pour l’utiliser dans le réseau électrique quand il n’y a ni vent ni soleil en quantité suffisante. Autre perte d’énergie importante encore dans cette opération : 50% au moins. Pour le projet de centrales solaires HyDeal Ambition, avec ses 67 GW de puissance, les 28 TWh stockés dans l’hydrogène liquide, donneront donc 14 TWh par année, une fois convertie finalement en énergie électrique. C’est 14 fois moins que la production hydroélectrique annuelle d’Hydro-Québec avec ses 37 GW de puissance installée. Avec un si faible rendement, on peut comprendre pourquoi en Allemagne où 40% de l’énergie électrique provient de l’éolien et du solaire, que le prix du kWh électrique soit maintenant rendu à 0,30€ (45¢). On apprécie d’autant le petit 7¢ du kWh que l’on paye au Québec…
Sixièmement (et malheureusement), cette faible productivité et son coût faramineux font en sorte qu’on voit mal comment on pourra construire suffisamment de centrales « pharaoniques » comme celles de HyDeal Ambition pour « fournir le TIERS de l’énergie utilisée au Canada à partir de l’hydrogène » comme nous le rapportait joyeusement Madame Borde en citant le rapport jovialiste de Stratégie canadienne pour l’hydrogène (SCPH).
Combien en faudrait-il, au fait ?
Selon l’Agence internationale de l’énergie (Eh oui, encore elle. Mais attention, l’AIE est un monstre à deux têtes. Il s’agit ici de la tête économique de l’AIE, celle qui tient des statistiques sérieuses sur l’énergie à travers le monde. À ne pas confondre avec sa tête folle, celle qu’on a chargée de dire des sottises pour faire accroire les délires du GIEC), le Canada, dis-je, consommait en 2018, 7,3 EJ d’énergie (EJ ou exajoule, c’est un milliard de milliards de joules ou un, suivi de 18 zéros). Selon les sages recommandations de la SCPH, le tiers de cette énergie, soit 2,4 EJ devrait être fournie par l’hydrogène en 2050. Le projet HyDeal Ambition, on l’a vu, produisait au bout du compte 14 TWh ou 50 PJ d’énergie (PJ ou petajoules, c’est un million de milliards de joules ou un, suivi de 15 zéros).
Le nombre de projets comme celui d’HyDeal Ambition qui serait nécessaire de construire pour fournir en 2050 le tiers de l’énergie consommée au Canada en 2018 s’obtient facilement en divisant 2,4 EJ par 50 PJ. Ça donne environ 50 projets. On ne dit pas combien coûtera le projet HyDeal Ambition, c’est un secret bien gardé pour ne pas effaroucher tout de suite les citoyens qui seront appelés à en payer le coût « pharaonique » avec leurs taxes et leurs impôts. Mais on peut facilement imaginer quelques dizaines de milliards de dollars. Tout ce que l’on sait, c’est que les 30 producteurs d’énergie qui construiront les installations en Espagne, en France et en Allemagne se donnent 8 ans pour entrer en activité en 2030. Ça m’étonnerait qu’ils y arrivent à temps. Mais, disons.
Alors, est-ce réaliste de penser que le Canada, avec une population 6 fois moindre, arrivera à construire 50 projets comparables d’ici 2050, au rythme d’environ 2 projets par année pendant 25 ans pour se retrouver à la fin avec un prix de l’énergie dix fois supérieur à celui qu’on aurait payé si on s’était abstenu « d’investir » mille milliards de dollars dans l’aventure ? Je vous laisse répondre maintenant que vous avez tous les éléments en main.
C’est ça une utopie, Monsieur Drouginsky.
Vous allez me dire : oui, mais si après ça on aura « sauvé la planète », ça en valait la peine, non?
Non pas, hélas. On n’aura rien sauvé du tout, mon bon Monsieur. En fait, la planète ne se rendra même pas compte qu’on l’a sauvée d’une catastrophe certaine! D’après les savants calculs de Stratégie canadienne pour l’hydrogène, si jamais on fournissait avec l’hydrogène le tiers de l’énergie consommée au Canada en 2050, cela réduirait de 190 millions de tonnes nos émissions de CO2. Un petit calcul montre, en supposant une sensibilité climatique de 3 degrés, qu’une telle réduction aura alors pour effet d’éviter en 2100 une augmentation de la température dans la basse atmosphère d’environ … UN MILLIÈME de degré. Personne ne s’en apercevra, évidemment. D’autant plus qu’au moment où j’écris ces lignes, la Chine émet, chaque seconde, 313 tonnes de CO2. À ce rythme, il ne lui faudra que 7 jours d’émission pour effacer d’avance notre réduction de 190 millions de tonnes de CO2 que nous aurons péniblement obtenue en 2050 au prix d’un effort colossal de 1000 milliards de dollars.
C’est ce que j’entendais au début quand je disais que la citation de l’Agence internationale de l’énergie, qui apparaît en exergue dans l’article de Madame Borde, est une pure sottise.
Mais comme vous dites si bien dans votre commentaire, levons quand même une coupe de champagne à notre avenir que j’entrevois radieux, enveloppé d’une douce chaleur.
Alain Bonnier, docteur en physique
@ Monsieur Alain Bonnier,
Vos commentaires du : 13 août 2021, 23 h 00 min
Merci pour ces très longs commentaires auxquels je vais m’efforcer de répondre avec simplicité. Je prends pour acquis que tout cela ne vous satisfera pas pleinement, à tout le moins aurais-je fait de mon mieux….
1— Pour répondre à votre question, une petite recherche dans un moteur, vous aurait certainement permis de vérifier par vous-même que des panneaux solaires 24h/24 ne sont pas une invention de mon imagination. Les références ne manquent pas. En voici une sérieuse :
https://www.sciencesetavenir.fr/fondamental/materiaux/photovoltaique-des-panneaux-solaires-qui-fonctionnent-la-nuit_141157
2— Ce que vous appelez une bourde, n’est pas à proprement parler une bourde. C’est une prévision basée sur des données compilées par l’AIE. Cela est dans la mesure des possibles considérés d’ici 2050, ce n’est pas un absolu. En économie quand une chose à le vent en poupe, il y a toujours un effet de levier, donc une accélération à un moment donné. En moins de 10 ans, une véritable industrie de l’énergie verte peut se déployer. La filière de l’hydrogène existe, il serait selon moi dommage de la négliger.
Vous m’accusez à tort d’accuser L’actualité de « fake news ». Vous cherchez à mettre sous mon clavier des termes que je n’ai jamais employés. D’usage j’exprime un point de vue, rien de plus, rien de moins. Vous devriez faire plus attention à ce que vous-même écrivez. Cela pourrait se retourner contre vous. Je pourrais sur cette base vous accuser de vous adonner à toute forme de libelle frauduleux.
3— Je pense que vous ne comprenez pas la stratégie qui sous-tend le passage à l’emploi d’autres énergies que les énergies fossiles. Si bien sûr des énergies renouvelables ont pour effet de diminuer le volume de dioxyde de carbone envoyé dans l’atmosphère. La vraie raison, c’est parce que l’économie commande cette transition. Ce sont les compagnies qui œuvrent dans l’énergie elles-mêmes qui la réclament. Pourquoi ? Parce que les énergies fossiles ne sont pas inépuisables. Parce qu’économiquement ont ne peut pas faire croitre indéfiniment la demande en hydrocarbures, maintenir qui plus est un prix abordable sans faire à un moment donné plonger tout le système.
Si on le voulait, le pétrole ne peut pas répondre à toute la demande énergétique de la planète. L’économie fonctionne sur des cycles. C’est ce qui est à la base de toutes révolutions.
4— Mêmes les énergies « dites » primaires passent par divers processus de transformation. Que je sache, vous ne faites pas marcher un avion à réaction directement avec des schistes bitumineux. S’il revient moins cher de produire une tonne d’hydrogène vert plutôt qu’une tonne de pétrole « raffinable », qu’est-ce que ça change qu’une source d’énergie soit primaire ou secondaire ?
5— Vous ne voulez pas comprendre que les besoins énergétiques sont variables et que chaque variable requière des solutions qui soient adaptées. Vous déplorez le caractère intermittent de certaines sources d’énergies, mais vous omettez de dire que ces sources d’énergies peuvent être de diverses manières stockées. Ainsi l’énergie stockée peut être employée de façon différée. Les surplus (quand il y en a) peuvent être redistribués sur divers réseaux.
6— Le Québec dispose en effet d’une électricité hydraulique plutôt abondante. Mais à l’échelle de la planète tout le monde ne peut pas construire des barrages. Cet or bleu a cependant un inconvénient, il requière de gros réseaux de distribution. La maintenance est coûteuse. En 1998, j’étais dans le « triangle de glace », j’ai une petite idée de ce qui se passe quand les réseaux de distribution primaires, secondaires et tertiaires sont tous par terre. Dans ce cas quelques petites éoliennes ici ou là n’auraient pas été du luxe si cela m’avait permis d’avoir quelques gallons d’eau chaude et pouvoir faire marcher une petite chaufferette dans un maison dont la température ambiante était largement en dessous de zéro.
Ainsi faut-il établir une distinction entre le volume de production et les besoins en termes d’usage. Produire moins n’est-il pas contraire à produire mieux.
7— Pour ce qui est de votre : « Quatrièmement (et malheureusement) » vous ne voyez dans l’hydrogène qu’une formule de stockage gazeux. Autant que je sache l’hydrogène produit par Air Liquide est stocké sous une forme liquéfiée, les pertes que vous considérez ne semblent pas trop les traumatiser. Donc ce n’est pas plus difficile à transporter que du propane (liquéfié) ou du pétrole ; plusieurs Universités travaillent actuellement sur un mode de stockage solide. Ben oui ! Ça semble possible. Donc le solide, c’est facile à distribuer et à transporter, c’est tout comme du charbon !
8— Pour ce qui est de votre : « Cinquièmement (et malheureusement) » l’hydrogène se transforme très bien en électricité avec une pile à combustible. Voir la Toyota Mirai notamment. L’hydrogène pourrait servir de carburant pour les avions et tout pareillement pour la marine marchande. C’est vous qui vous êtes mis dans la tête que l’hydrogène devrait servir uniquement à produire de l’électricité pour alimenter en substitution des grands réseaux comme ceux d’Hydro-Québec. C’est votre propre conception de l’usage qui est absurde (pour ne pas dire ici délirante).
9— Pour ce qui est de votre : « Sixièmement (et malheureusement) », je remarque que vous confondez les coûts de production et la « productivité », un bas coût de production n’est pas garant d’un niveau de productivité accru. C’est plutôt le ratio coût/bénéfices qui entre dans l’équation à condition que cela permette des réinvestissements (emplois et équipements).
10— Autant que je sache le projet « HyDeal Ambition » dont vous faites de multiples fois mention. C’est un projet Européen. Ce n’est encore qu’un projet expérimental dont les résultats devraient permettre d’envisager à plus grande échelle la production énergétique du futur. Ce genre de projets sont nécessaires pour faire progresser la science. Il n’y a pas d’obligation pour le Canada de devancer tout le monde en s’engageant à grande échelle dans cette direction.
11— Qui parle de sauver la planète ? Moi ???? Vous n’avez pas bien compris le sens du mot utopie. L’être humain est le fruit d’un rêve utopique. L’industrialisation est un rêve chimérique. — Et pourtant ils existent. Il est très improbable que les productions du futur soient d’ici une centaine d’années ce qu’elles sont maintenant. Ce qui vous semble aujourd’hui une utopie sera certainement déjà dépassé en 2121.
— En conclusion :
Vous voyez des sottises, là où il n’y en pas. Les internautes prennent rarement le temps de lire les articles dans leur intégralité. Le nombre de « clics » sur un mot, un slogan, une illustration, etc. servent au financement de vos médias favoris. Vous donnez trop d’importance à des choses qui selon moi n’en ont vraiment pas. Prenez tout cela moins à cœur, vous ne vous en porterez que mieux. Je respecte vos opinions et vos propos sont plutôt instructifs. Merci quand même.
@ Marc Sauvageau,
Vos commentaires du : 12 août 2021, 17 h 34 min
Je n’ai pas de réponse à votre première question. Je pense que vous auriez la meilleure réponse en vous adressant directement à la rédaction de L’actualité en leur demandant qui est le mieux placé pour lire les rapports de AIE pour fin de rédiger les textes de présentation. Peut-être que personne n’est bien placé. Allez don’ savoir !
À votre seconde question : Combien d’utopies sont restées des utopies ? Je peux répondre partiellement. Je n’ai pas la moindre idée du nombre d’utopies qui sont passées dans la tête de l’humanité depuis qu’elle dicte la marche du monde. Ce qui importe ici, c’est de savoir plutôt si ce qui semble utopique à un moment donné, peut devenir une réalité à un autre moment. Ce ne sont pas les exemples qui manquent d’utopies qui se soient effectivement réalisées. S’il fallait mettre aux vidanges tout projet qui peut sembler fou, irréaliste ou extravaguant. Il est fort à parier que nous n’aurions pas dépassé l’âge des cavernes en ce moment.
Le prix de l’énergie commande effectivement les orientations énergétiques. Pensez-vous que le prix du pétrole va baisser et couler abondamment indéfiniment ? Le coût de la production d’énergies alternatives et renouvelables baisse continuellement. Je ne vais pas vous apprendre comment fonctionne l’économie de marché. C’est le marché qui nous apprendra si l’hydrogène a de l’avenir ou bien pas.
Mais pourquoi n’en aurait-il pas ?
@Serge Drouginsky
Au sujet de l’utopie hydrogène
« Qui parle de sauver la planète ? », me demandez-vous dans votre dernier commentaire, comme si c’était moi qui vous avais entraîné sur cette voie. Mais mon bon Monsieur, n’avez-vous pas lu le titre de l’article qui demandait avec angoisse : « L’hydrogène sauvera-t-il la planète ? ». Dois-je vous relire également l’exergue à l’article qui commençait par « Pour éviter la catastrophe climatique (…) l’hydrogène devra combler le quart de nos besoins énergétiques d’ici 2050, selon l’Agence internationale de l’énergie. » Et qui demandait à la fin : « Révolution en vue… ou utopie ? »
Vous m’accusez de ne pas avoir bien compris le sens du mot utopie. Mais c’est de cette utopie-là que je parle, Monsieur Drouginsky. Celle qui prétend « sauver la planète » avec l’hydrogène. De quoi parliez-vous donc de votre côté ? Que l’hydrogène peut servir à autre chose qu’à « sauver la planète » ? Que ses nombreuses applications dans l’industrie métallurgique, les engrais pour l’agriculture, le bâtiment, le transport, la médecine ne sont pas des utopies ? Je suis bien d’accord avec ça ! Mais l’hydrogène pour « sauver la planète », ça, c’est une utopie. Est-ce qu’on s’entend là-dessus ?
Si vous voulez en savoir plus sur cette utopie, je vous recommande chaudement le dernier livre de l’ingénieur chimiste Samuel Forfari, intitulé fort justement : « L’utopie hydrogène ». Si vous aimez les experts, vous allez aimer Furfari qui a consacré, avec d’autres collègues, une trentaine d’années à la recherche sur cette molécule et son utilisation. Vous trouverez ce livre en vente chez Amazon, sur le site :
https://www.amazon.ca/Lutopie-hydrog%C3%A8ne-Samuel-Furfari/dp/B08GDKGDHL
(Non, je ne retire aucun revenu pour la promotion de ce livre!)
C’est ce livre que Madame Borde aurait dû consulter avant d’écrire son article, au lieu d’aller voir du côté de l’aile écologiste de l’Agence internationale de l’énergie ou dans le rapport intitulé « Stratégie canadienne pour l’hydrogène » pour aller y puiser la recommandation la plus insensée qui s’y trouvait et de nous la présenter comme si c’était la stratégie d’Ottawa, sans mentionner que le gouvernement canadien lui-même s’en désolidarisait.
La présentation du livre sur Amazon commence comme suit :
« L’avis des mouvements « écologistes » des rêveurs, ONG et similaires, ne sont pas crédibles contre les travaux de l’ingénieur chimiste Samuel Furfari qui a consacré avec d’autres collègues plusieurs années à la recherche sur cette molécule et son utilisation. »
« L’homme a besoin de rêve pour vivre. Mais si le rêve s’est révélé faux plusieurs fois, ce n’est plus du rêve, c’est de l’utopie. C’est ce que nous vivons avec l’hydrogène. Il est présenté comme étant une solution pour la transition énergétique. Or l’idée de le produire à partir d’éoliennes remonte à 1923. Il a été l’objet de nombreuses recherches depuis 1972, avant la première crise pétrolière. Sur la base de ce que j’ai appris en travaillant moi-même sur l’hydrogène, ce livre présente pourquoi cette molécule est si importante pour la chimie. En particulier elle est essentielle pour produire des engrais et donc soulager la faim dans le monde. Elle est tout aussi essentielle pour éviter la pollution par le soufre dans les carburants. Ainsi, la production mondiale ne cesse de croître et devra croître encore pendant des années du fait de la croissance de la population mondiale. De plus en plus recherchée pour un usage noble, elle ne sera pas utilisée pour un usage vil ― sa combustion. Or la politique propose de la brûler pour faire rouler des automobiles. L’électrification décarbonée et plus poussée de l’économie de l’UE exige que l’on produise plus d’énergies renouvelables intermittentes, mais celles-ci ne peuvent s’adapter à la demande de consommation. Elle doit donc pouvoir être stockée. Le rêve des batteries efficaces est encore très loin. Qu’à cela ne tienne, on propose de stocker l’électricité sous forme d’hydrogène et de transformer cette molécule chimique en électricité lorsque le besoin s’en fait sentir. Mais toute cette opération résulte en un rendement inférieur à 30 %. En outre, les installations éoliennes et solaires ne produisent que pendant l’équivalent de 11 semaines par an. Les lourds investissements à consentir pour électrolyser l’eau nécessaires à la production d’hydrogène ne fonctionneraient que 20 % du temps. C’est industriellement impossible. Ce dossier, également analysé sous d’autres aspects, ne peut conduire au même échec que ceux qui ont eu lieu avant cette nouvelle frénésie. L’hydrogène est indispensable à la vie d’une société moderne. Il n’est pas du tout nécessaire pour la politique énergétique. Il restera l’éternelle utopie. »
L’hydrogène pour produire de l’énergie, restera l’éternelle utopie…
C’est bien dit.
Alain Bonnier, docteur en physique
@Serge Drouginsky
Au sujet des cellules photovoltaïques qui fonctionnent 24h/24
Réglons maintenant, si vous le voulez bien, la question des cellules photovoltaïques que vous avez invoquées dans votre avant-dernier commentaire et qui fonctionneraient, selon vous, 24h/24. Ce qui permettrait par conséquent de produire de l’énergie électrique jour et nuit, soleil ou pas soleil. N’est-ce pas merveilleux ?
J’ai eu l’insolence de qualifier d’utopie cette idée saugrenue. J’ai même ri un peu de vous en vous demandant comment vous les éclaireriez la nuit vos cellules-photovoltaïques-qui-fonctionnent-24h/24. Avec une lampe de poche ?
Ça vous a piqué au vif, on dirait, parce que vous me revenez avec ça dans votre dernier courriel en disant : « une petite recherche dans un moteur, vous aurait certainement permis de vérifier par vous-même que des panneaux solaires 24h/24 ne sont pas une invention de mon imagination. Les références ne manquent pas. En voici une sérieuse :
https://www.sciencesetavenir.fr/fondamental/materiaux/photovoltaique-des-panneaux-solaires-qui-fonctionnent-la-nuit_141157 »
Que dire devant une telle réplique ?
D’abord, j’aimerais vous faire remarquer que le magazine Sciences & Avenir n’est pas ce qu’on pourrait appeler une « référence sérieuse » en matière de science. (Pas plus d’ailleurs que le magazine L’Actualité, soit dit en passant, quand on voit sa propre cheffe du bureau Science nous lancer que l’hydrogène « devra combler 25% de nos besoins énergétiques d’ici 2050 ».) Le magazine Sciences & Avenir, dis-je, n’est pas une « référence sérieuse » en matière de science, surtout quand il sort une « nouvelle » comme celle-là. Première petite-lumière-JAUNE qui clignote dans ma tête quand je vois une telle « nouvelle », je me dis en moi-même : « Si c’est trop beau pour être vrai, eh bien peut-être que ce n’est pas vrai, justement. »
Suivant votre invitation à le faire, je suis quand même allé googler sur internet « cellule photovoltaïque fonctionnant la nuit », et j’ai effectivement trouvé, comme vous dites, des tas de références qui disaient exactement la même chose. Je me suis dit « Wow ! C’est plus sérieux que je pensais. Comment ai-je pu manquer ça, moi qui prétends tout savoir en physique…» Mais j’ai une autre petite lumière JAUNE qui s’allume dans ma tête quand je vois comme ça la répétition d’une même nouvelle qui me semble douteuse au départ. Je me dis en moi-même : « Attention! Ce n’est pas parce que plusieurs personnes répètent la même chose que c’est ‘plusse’ vrai pour autant. » En science, en tout cas, on a d’autres critères de vérité. Une fausseté répétée ‘N’ fois ne devient jamais vérité, quelle que soit la valeur de ‘N’. Descartes avait une formule plus littéraire pour dire la même chose : « L’unanimité des opinions, disait-il, n’est preuve qui vaille ». (On aurait d’ailleurs intérêt à méditer cette sage maxime dans le domaine du climat en particulier quand vous entendez dire, par exemple, que « 97% des climatologues pensent que l’activité humaine est la principale responsable des changements climatiques… ». Mais ça, c’est une autre histoire. J’y reviendrai peut-être un jour dans un futur commentaire dans l’Actualité.)
Pour vérifier une allégation, il faut donc aller un peu plus loin et vérifier sur quelles observations ou sur quelles lois physiques déjà bien vérifiées elle s’appuie. « Assurons-nous bien du fait avant que de nous inquiéter de la cause. — disait déjà Fontenelle il y a très longtemps.— Il est vrai que cette méthode est bien lente pour la plupart des gens qui courent naturellement à la cause, et passent par-dessus la vérité du fait ; mais enfin nous éviterons le ridicule d’avoir trouvé la cause de ce qui n’est point. »
Je suis donc allé voir l’article de Sciences & Avenir dont vous me parliez. Après l’affichage du titre qui disait : « Pointés vers le ciel étoilé : une nouvelle piste de développement pour des panneaux photovoltaïques « nocturnes » ». Apparaît en même temps que le titre, une belle image de la Voie Lactée sous laquelle on disait encore plus explicitement : « Des cellules photovoltaïques permettraient de générer jusqu’à un quart de la production d’électricité de cellules solaires. ». Wow ! Ç’a l’air vrai ! Bien que l’emploi du conditionnel ‘permettraient’ donne à penser qu’on n’est pas encore très sûr. Mais on veut vraiment en savoir plus! Comment a-t-on réussi un tel miracle ? Soudain, une petite fenêtre s’ouvre à l’écran. Si on tient vraiment à en savoir plus, il faut donner son mot de passe d’abonné à Sciences & Avenir ou s’abonner tout simplement pour un certain montant. À défaut des deux, on peut quand même consulter l’article gratuitement, mais il faut d’abord accepter de regarder une vidéo publicitaire dont le revenu permettra à Sciences & Avenir de continuer à bien nous informer à l’abri des « fake news ». Fort bien. Je choisis cette option. Si on veut avoir du journalisme de qualité, il faut bien que les journalistes puissent vivre. Mais juste avant de cliquer, une autre petite lumière JAUNE se met encore à clignoter dans ma tête et me dit : « Tout à coup que toute cette histoire de panneaux-photovoltaïques-nocturnes-qui-pourraient-générer-jusqu’à-un-quart-de-la-production-d’électricité-de-cellules-solaires ne serait qu’un attrape-nigaud pour m’amener à cliquer sur une pub et qu’une fois que j’aurai gobé la pub, j’apprendrai finalement que c’était moi l’attrapé-nigaud. » Vous voyez, Monsieur Drouginsky, comme j’ai l’esprit mal tourné. Vous n’êtes pas comme ça, vous, je sais. Eh bien, j’ai cliqué quand même. Quitte à perdre ma belle réputation scientifique devant tout le monde.
Une fois gobée la pub, je peux enfin commencer à lire l’article. La journaliste « scientifique » Marine Benoit ne tarde pas à nous expliquer toute la problématique en jeu :
« Les panneaux solaires photovoltaïques, dit-elle, comptent aujourd’hui parmi les sources d’énergie électrique les plus propres jamais mises au point, …
—[ C’est vrai ça, elle a bien raison! ]—
…et ce même si leur fabrication génère inexorablement des émissions de CO2…
—[ Maudit CO2, il est vraiment partout! Et y a pas moyen de s’en débarrasser. ]—
…Mais la technologie sur laquelle ils reposent – la conversion du rayonnement solaire en électricité grâce à des cellules exploitant l’effet photovoltaïque – dépend d’une condition sine qua non pour fonctionner : la présence d’un rayonnement solaire suffisamment intense…
—[ Tout ça est parfaitement vrai. Je regrette nullement d’avoir cliqué sur la pub pour en apprendre autant. ]—
…Aujourd’hui, lorsqu’il pleut, un panneau solaire perd jusqu’à 90 % de son efficacité. Et à la nuit tombée, celle-ci est réduite à néant…
—[ C’est très ennuyeux en effet. Ce panneau qui ne sert à rien! Juste au moment, en plus, où on en aurait le plus grand besoin pour s’éclairer! ]—
…La problématique est donc simple : comment rendre une cellule solaire utile lorsque le Soleil n’éclaire justement plus sa surface ?…
—[Bonne question! Et je sens que Madame Benoit est sur le point de nous donner la réponse. Je trépigne d’impatience.]—
…Depuis plusieurs années, des équipes de chercheurs travaillent à résoudre ce casse-tête en exploitant un même principe : celui du rayonnement infrarouge émis par tout objet plus chaud que l’environnement dans lequel il se trouve…
—[Mais oui! Le rayonnement infrarouge émis par tout objet chaud! Comment n’y avais-je pas pensé avant! ]—
…En somme, il s’agit du même principe que celui sur lequel s’appuient les panneaux photovoltaïques classiques – des cellules, souvent à base de semiconducteurs en silicium, convertissent une partie du rayonnement solaire en énergie thermique ou électrique –, mais renversé : « Plutôt que d’être froids et pointés vers le Soleil chaud, les cellules de ces appareils sont chaudes et pointées vers quelque chose de plus froid, comme la simple température ambiante », explique à Sciences et Avenir Jeremy N. Munday, auteur principal d’une étude publiée le 29 janvier 2020 dans la revue ACS Photonics…
—[ C’est la même explication, mot pour mot, que j’ai trouvée un peu partout sur internet. C’est donc ce Jeremy Munday qui doit être à l’origine du communiqué de presse qui a été envoyé à tous les magazines de vulgarisation scientifique à travers le monde pour faire connaître sa brillante découverte. ]—
Madame Benoit ajoute maintenant quelques précisions supplémentaires pour bien faire comprendre qu’on a affaire ici à du sérieux : « Ce professeur au Département de génie électrique et informatique de l’Université de Californie…
—[ Ça m’inspire confiance, moi, ce titre de professeur universitaire. Pas vous? Là on voit bien que c’est sérieux, on n’a même pas besoin d’aller voir comment ça marche. On peut lui faire confiance les yeux fermés. Mais voyons quand même la suite…]—
…ce professeur, dit-elle, a mis au point un prototype de cellule photovoltaïque…
—[ Oups! Petite lumière JAUNE clignote encore dans ma tête. Petite ambiguïté ici : « …ce professeur a mis au point un prototype de cellule photovoltaïque… » Ce professeur a-t-il matériellement fabriqué ce prototype de cellule photovoltaïque afin de pouvoir le tester et le ‘mettre au point’ ou est-ce un prototype théorique qu’il a imaginé et qu’il est en train de peaufiner avant de le fabriquer et de le tester ? Je sais, pour un non scientifique la question peut paraître oiseuse, mais n’oubliez pas que la physique est une science expérimentale. On peut avoir une très bonne idée sur papier ou une très belle théorie, être un très grand professeur de génie électrique dans une très grande université, mais il faut tester son idée quand même dans la réalité avec un VRAI prototype pour voir si cette idée fonctionne réellement. Enfin, supposons que la chroniqueuse s’est mal exprimée et que Munday a réellement fabriqué un prototype.]—
… un prototype, enchaîne-t-elle, capable de générer jusqu’à 50 Watts d’énergie par mètre carré la nuit en conditions optimales, soit environ un quart de ce que peut produire en une journée un panneau solaire conventionnel. »
Oh là! Petite lumière ORANGE qui clignote maintenant : Je ne comprends pas trop. Je relis tranquillement : « (…) un prototype capable de générer jusqu’à 50 watts d’énergie par mètre carré la nuit (…) soit environ un quart de ce que peut produire en une journée un panneau solaire conventionnel. » J’ai beau relire la phrase, elle me semble toujours n’avoir aucun sens. D’abord, générer « 50 W/m2 la nuit », c’est beaucoup quand on sait que le flux solaire moyen annuel incident à Montréal, par exemple, est d’environ 200 W/m2 et que le rendement des panneaux solaires dépasse rarement les 20%. Ils ne peuvent donc générer beaucoup plus que 40 W/m2! Ça voudrait dire que les cellules photovoltaïques nocturnes de Munday produiraient plus de W/m2 la nuit que les meilleurs panneaux solaires le jour ? Curieux, non ? Le mystère s’épaissit davantage quand, après nous avoir parlé de l’étonnante puissance par mètre carré générée par les cellules Munday, Madame Benoit compare maintenant cette puissance « au quart de ce que peut produire en une journée un panneau solaire ». On retrouve la même confusion ici que dans l’article de Madame Borde, entre la notion de « puissance générée » et celle «d’énergie générée ». Je rappelle qu’il faut multiplier le flux d’énergie (qui s’exprime en W/m2) par le temps (en heure) durant lequel s’applique cette puissance (en watt) et par la surface réceptrice de la cellule (en mètre carré), pour connaître (en watt-heure) l’énergie produite. Si la puissance des cellules Mundy s’exerce durant une seconde (1/3600 d’heure), disons, et que leur surface est d’un centimètre carré (1/10000 de mètre carré), ça ne fait pas beaucoup de watt-heure d’énergie produite à la fin de la nuit, même si la puissance générée est de 50 watts par mètre carré, ce qui est déjà étonnant en partant. La dernière phrase n’a donc vraiment aucun sens et ne permet pas, à ce stade, de savoir si on a affaire à une véritable avancée technologique ou à un simple canular.
Mais Madame Benoit s’est peut-être mal exprimée. Voyons la suite : « Dans une cellule solaire, ajoute-t-elle, l’absorption de la lumière provoque l’apparition d’une tension à travers l’appareil et la circulation du courant. Dans la cellule thermoradiative, la lumière cette fois émise (et non plus reçue) génère aussi une tension et un courant, mais dans le sens opposé. « Le résultat est le même, car la physique est la même : vous obtenez une certaine quantité d’énergie. Il faut juste utiliser des matériaux différents », poursuit Jeremy Munday. Mais la journée ? L’appareil devient-il donc, à l’instar des panneaux solaires classiques, inutile 12 heures durant ? « Non, répond Munday. S’il est doté d’un dispositif pour bloquer la lumière directe du Soleil, il pourrait potentiellement fonctionner 24h/24. » »
Grosse lumière ROUGE clignotante. Relisez la dernière phrase : « Si la cellule photovoltaïque de Munday est dotée d’un dispositif pour bloquer la lumière directe du Soleil, elle pourrait potentiellement fonctionner 24h/24. » » Vous aviez raison, Monsieur Drouginsky! Non seulement, les cellules de Munday fonctionnent étonnamment bien la nuit — et ce, sans parler des cellules cérébrales de Monsieur Munday lui-même —, mais en plus elles fonctionnent tout aussi bien le jour, à condition de « bloquer la lumière directe du Soleil »!
Je mets au défi ici tout physicien de lire cette dernière phrase sans partir à rire. Je rappelle à ceux qui l’ignoreraient que le rayonnement solaire incident représente 99,9% de l’intrant énergétique de la Terre. Vouloir produire suffisamment d’énergie électrique pour remplacer les énergies fossiles en EXCLUANT — en BLOQUANT même!— le principal intrant énergétique de la Terre, me semble tout à fait insensé.
Mais enfin, me direz-vous, si le prototype existe, et s’il a déjà été testé, qui êtes-vous, Monsieur Bonnier, pour rire ainsi de cette grande découverte ?
Justement. Bonne question. Est-ce qu’il existe vraiment ce prototype de cellule photovoltaïque? Ailleurs, du moins, que dans les cellules cérébrales survoltées la nuit de Monsieur Munday?
La fin de l’article nous l’apprend enfin :
« Le chercheur admet que de la théorie à la pratique, il reste un fossé…
—[Tiens, tiens. Donc le prototype n’existe pas. On aurait pu nous le dire clairement dès le début, ça m’aurait évité d’écrire trois pages pour rien.]—
…Les obstacles à franchir avant d’arriver à rendre un tel dispositif viable et commercialisable sont d’ailleurs, de son propre aveu, encore nombreux…
—[On s’en doutait bien!]—
… le rendement de conversion n’est pas encore suffisamment rentable et enfin, les matériaux semi-conducteurs de haute qualité nécessaires à sa fabrication sont encore trop coûteux. »
En fait, non seulement les semiconducteurs nécessaires à la fabrication des cellules photovoltaïques — qui carburent, pourrait-on dire, la nuit au rayonnement infrarouge émis par la Terre — sont « encore trop coûteux », mais ils n’existent tout simplement pas! Et n’existeront probablement jamais non plus.
On commence à s’approcher d’une utopie, n’est-ce pas Monsieur Drouginsky ?
Et pourquoi ces matériaux n’existeront-ils jamais ?
Actuellement on réussit effectivement à fabriquer des cellules photovoltaïques qui transforment l’énergie du rayonnement infrarouge en énergie électrique. Ces cellules sont dites « thermovoltaïques » et sont décrites dans Wikipédia :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Cellule_thermophotovolta%C3%AFque
Voici ce qu’on y lit :
« Afin d’être efficace dans une application thermophotovoltaïque, un matériau semiconducteur doit avant tout être caractérisé par une largeur de bande interdite aussi faible que possible…
—[Pour ceux qui ne sont pas familiers avec la physique de l’état solide, une ‘largeur de bande interdite’ est la différence d’énergie entre la bande de valence où se trouvent les électrons liés à des atomes, et la bande de conduction où se trouvent les électrons qui peuvent circuler d’un atome à l’autre. Pour produire un courant électrique, il faut fournir aux électrons de valence une énergie supérieure à la largeur de bande interdite. On mesure cette énergie au niveau atomique en eV (électron-volt). ]—
…Les valeurs usuelles de largeurs de bandes interdites sont de 1,44 eV pour le tellurure de cadmium, 1,424 eV pour l’arséniure de gallium, ou encore 1,1 eV pour le silicium, ce qui est bien trop élevé pour l’infrarouge puisque la majeure partie du spectre infrarouge échappe à la conversion en électricité par ce type de matériaux. Des valeurs moitié moindres seraient nécessaires pour couvrir une fraction suffisante des longueurs d’onde infrarouges. »
Pour éjecter un électron de la bande de valence à la bande de conduction avec un photon incident et lui faire traverser la bande interdite, il faut donc que l’énergie de ce photon soit supérieure à la valeur de la bande interdite. Ce n’est pas un problème pour les photons de la partie visible du spectre solaire dont les énergies vont de 2 à 4 eV et pour lesquels on utilise un semiconducteur au silicium, par exemple, dont la largeur de bande interdite est d’environ 1 eV.
Actuellement on réussit quand même à fabriquer des semiconducteurs constitués d’un alliage Indium-Phosphore-Arsenic-Antimoine (InPAsSb) dont la largeur de la bande interdite est aussi faible que 0,3 eV. Ce type de semiconducteur peut donc transformer en énergie électrique l’énergie des photons infrarouges ayant de 0,3 eV à 1,8 eV (Au-delà de 1,8 eV, on entre dans la partie visible du spectre qui commence avec le rouge.)
Le problème avec les cellules thermovoltaïques de Monsieur Monday, c’est que celui-ci compte les utiliser pour convertir le rayonnement infrarouge émis dans l’espace par la Terre durant la nuit. C’est une idée amusante. Mais la température à la surface de la Terre étant en moyenne de 15°C, le spectre d’émission infrarouge de la Terre durant la nuit est centré suivant la distribution de Planck autour de 0,1 eV. Ce qui veut dire que la très très grande majorité des photons infrarouges émis par la Terre durant la nuit ont une énergie inférieure à 0,3 eV et ceux-là ne pourront pas produire un courant électrique à l’aide d’un semiconducteur comme le InPAsSb. En fait, la performance de ce type de semiconducteur est à peu près nulle si on veut s’en servir pour transformer en énergie électrique le rayonnement infrarouge nocturne de la Terre centré autour de 0,1 eV.
On augmenterait cette performance, bien sûr, si on pouvait développer des semiconducteurs dont la largeur de bande interdite était inférieure à 0,3 eV et qui se rapprocherait le plus possible de 0,1 eV et même en dessous. Malheureusement, on est limité pour ce faire par un effet quantique connu depuis déjà près d’un siècle, appelé la « recombinaison Auger ». Selon cet effet, plus la largeur de la bande interdite diminue, plus il est alors difficile d’extraire des électrons de la bande de valence pour les faire sauter dans la bande de conduction, parce que ceux-ci quittent alors rapidement la bande de conduction pour venir se recombiner spontanément dans la bande de valence. Résultat net : pratiquement aucun courant électrique significatif ne pourrait provenir sérieusement des photons infrarouges de 0,1 eV émis par la Terre durant la nuit.
Voilà pourquoi le dispositif de Monsieur Munday — de son propre aveu d’ailleurs! c’est au moins ça d’honnête! — a peu de chance de donner naissance un jour à une industrie de panneaux photovoltaïques qui produiraient de façon significative de l’électricité 24h/24 à partir du rayonnement infrarouge émis par la Terre.
Pourquoi Munday a-t-il émis un communiqué de presse laissant croire le contraire? Peut-être pour obtenir du financement pour sa recherche ou pour se donner une certaine notoriété. Difficile à dire, mais c’est fréquent dans le domaine des énergies renouvelables et de la climatologie de laisser miroiter des utopies dans le but d’être financé ou d’avoir des subventions. Il suffit de crier « énergie renouvelable!» ou « changement climatique! » pour que pleuvent aussitôt financement et subventions.
Pourquoi Sciences & Avenir (et bien d’autres magazines, bien sûr) ont-ils accepté de publier une telle « nouvelle » qui a toutes les apparences d’une ‘fake news »? Comme je disais au début, Sciences & Avenir n’est pas une revue scientifique à comité de lecture. Les chroniqueurs « scientifiques » qui travaillent pour ces revues de vulgarisation dite scientifique n’ont pas nécessairement la compétence scientifique pour comprendre les communiqués de presse qu’ils reçoivent ou pour les expliquer correctement. De toute façon, ce n’est pas ce que l’employeur leur demande de faire, parce qu’il faut bien vendre le magazine. Et c’est beaucoup plus vendeur en effet d’annoncer, avec une belle photo de la Voie Lactée à l’appui, que « des cellules photovoltaïques nocturnes permettraient de générer jusqu’à un quart de la production d’électricité de cellules solaires classiques » que d’expliquer longuement et platement, comme je viens de le faire!, que c’est un bobard.
C’est plus vendeur, mais ce n’est pas honnête.
Et c’est comme ça, Monsieur Drouginsky, que vous avez été amené — en toute bonne foi, j’en suis convaincu — à propager ce bobard auprès des lecteurs de L’Actualité. Continuez quand même d’alimenter votre belle curiosité scientifique. Mais essayez d’être un peu plus critique à l’avenir dans vos lectures scientifiques. À moins que vous préfériez continuer à rester dans le merveilleux monde de Disney.
Alain Bonnier, docteur en physique
Monsieur Bonnier
La journée où l’énergie solaire sera intermittente nous ne serons que de la poussière cosmique.
C’est un raisonnement simpliste colporté par les pétroleux pour retarder la transition vers les énergies propres.
Il y a 2 choses que les ‘Marchands de doute’ ne mentionnent jamais;
1. Le soleil fournit infiniment plus d’énergie que la terre entière a besoin.
Une heure d’énergie solaire sur une très petite surface (moins de 0.1% de la superficie de la province) est suffisante pour alimenter tout le QC pendant une année.
Il n’est donc pas nécessaire d’avoir du rayonnement 24h / 24h.
C’est un ‘argument d’homme de paille’ que de dire que pcq il n’y a pas de rayonnement 24h/24h c’est intermittent .
C’est aussi simpliste que de dire que l’hydroélectricité ne fonctionne que lorsqu’il pleut.
Il ne s’agit que de capter cette énergie en agrandissant les panneaux solaires et d’accumuler cette énergie et de l’utiliser 24h/24h
2. Cette énergie s’accumule, par le moyen le plus approprié selon la situation comme on accumule l’hydroélectricité dans un barrage. L’intermittence c’est pour ceux qui n’ont pas d’accumulateur ou qui n’ont pas assez de panneaux solaires.
Cette fausseté d’intermittence de l’énergie solaire vient du pays de la terre plate où les gens pensent que le soleil fait picabou à chaque matin.
L’énergie fossile est intermittente entre 2 guerres, entre 2 explosions, entre 2 marées noires, entre 2 déversements de pipelines ou de trains, entre 2 collisions ou échouement de pétroliers en mer…
Moi aussi j’aimais bien la physique et la thermodynamique à l’école.
@ Monsieur Drouginsky,
Trois chutes au plancher… c’est la fin ? D’après moi, vous n’êtes pas de taille mais vous ne le saviez pas, n’est-ce pas ? Alors bravo pour ce bel essai. Vous en ressortez enrichi avec une leçon de science : Science = rigueur
Pierre Cloutier