Pour des raisons de budget et de simplicité, la science-fiction se trouve souvent en porte-à-faux avec la science réelle, particulièrement au cinéma et au petit écran. Impossible de voyager à la vitesse de la lumière ? Star Trek invente le concept de la « propulsion exponentielle » permettant d’atteindre des vitesses supraluminiques en un clin d’œil. Tout vaisseau voyageant dans l’espace se trouve en microgravité ? Qu’importe, les passagers peuvent marcher normalement le long des corridors, même si le concept de haut et bas perd tout son sens dans l’espace.
Oh, et si jamais la Terre devenait inhabitable, on irait coloniser Mars !
En réalité, il est temps de prendre conscience que notre planète voisine n’est tout simplement pas habitable. Sa fine couche atmosphérique, d’une pression près de 100 fois moindre que celle de la Terre, est composée en presque totalité de dioxyde de carbone — un gaz qui, respiré en grande concentration, cause la mort en quelques secondes. En l’absence de végétation, et donc de photosynthèse, les humains sur Mars seraient constamment à la merci de filtres de CO2 et de la création d’oxygène par électrolyse de l’eau pour survivre.
De plus, Mars est une planète glaciale selon nos critères — non seulement en ce qui concerne notre confort, mais aussi notre survie. En été, près de l’équateur, la température ambiante avoisine un raisonnable 0 °C et peut parfois grimper jusqu’à 25 °C. Toutefois, une fois le soleil couché, elle chute abruptement à près de –80 °C. Par les nuits d’hiver, elle peut atteindre –125 °C, un froid tel que le dioxyde de carbone de l’atmosphère se solidifie et produit des dépôts givrés sur le sol martien.
Quelle serait notre source d’énergie sur Mars ? Il n’est pas garanti que nous pourrions extraire suffisamment d’éléments radioactifs de ses profondeurs pour assurer le fonctionnement de réacteurs nucléaires. Nous pourrions utiliser des panneaux solaires, comme l’ont fait les nombreux robots qui ont exploré la surface martienne dans les dernières décennies, mais seraient-ils assez efficaces pour alimenter la technologie nécessaire à nos besoins d’eau, d’oxygène, de chaleur et de nourriture ? Mars orbite autour du Soleil à une distance représentant environ 1,5 fois celle entre la Terre et le Soleil. Elle ne reçoit donc que 44 % du flux énergétique solaire total que nous recevons sur Terre. Même avec des capteurs solaires idéaux (qu’il faudrait constamment dégivrer et dépoussiérer), nous ne pourrions recueillir que 600 watts de puissance par mètre carré. Ce serait largement insuffisant pour réchauffer un vaste habitacle et le maintenir à une température confortable — surtout lorsque la température extérieure descend sous les –100 °C.
Un autre petit détail est fréquemment oublié dans la science-fiction : Mars est une planète géologiquement éteinte, et ne possède donc plus de champ magnétique global comme la Terre. Résultat : les particules du vent solaire qui bombardent les planètes sont libres de pénétrer l’atmosphère martienne. (Sur Terre, ce vent solaire est capté par la magnétosphère et ne pénètre l’atmosphère qu’au compte-gouttes près des pôles magnétiques, ce qui crée des aurores polaires.) Ces particules énergétiques sont aussi nocives pour la vie que peut l’être la radioactivité. Une longue exposition aux vents solaires peut causer des troubles de santé importants (comme des cancers) et, en doses élevées, la mort.
Pour survivre sur Mars, l’humain serait donc confiné la majeure partie du temps sous terre, à l’abri des radiations et du grand froid de la surface, à respirer de l’air recyclé et pressurisé, dont la qualité serait constamment dépendante de technologies avancées — qui elles-mêmes seraient continuellement mises à l’épreuve. Un simple bris de machinerie ou de la poussière sur les parois de portes hermétiques, et nous serions à quelques heures de l’extinction.
Et que dire de la pression exercée sur la santé mentale des astronautes par l’isolement prolongé et ces conditions de vie difficiles ?
Nous devons accepter cette triste réalité : Mars n’est tout simplement pas notre planète B.
Certes, la Terre elle-même pourrait devenir radicalement moins confortable pour la vie humaine dans le futur… Le réchauffement climatique qui s’amplifie ? Un hiver nucléaire à la suite d’un conflit mondial ? Une collision avec un astéroïde semblable à celui qui a frappé la péninsule du Yucatán il y a 66 millions d’années (et qui a notamment mis fin à l’ère des dinosaures) ? Dans chacun de ces scénarios apocalyptiques, des êtres humains pourraient survivre sur Terre (ou plutôt sous la terre) bien plus facilement que sur Mars ou n’importe où ailleurs dans le système solaire.
La planète rouge n’est pas notre planète B, alors concentrons nos efforts à prendre soin de la planète bleue.
Cette chronique a été publiée dans le numéro d’octobre 2020 de L’actualité.
Allez donc conter ça à Elon Musk !
On apprenait déjà ça à l’école dans les années 60 avec des bons profs de physique et chimie. Comment se fait-il qu’on ne sache plus ça en 2020 ? Oublie-t-on d’enseigner la base ?
Heureux de partager votre opinion Monsieur d’Anjou.
En effet, il est proprement loufoque de penser coloniser la planète mars dans les prochaines décennies. Les conditions de vie sur mars sont pires que les pires déserts terrestres. Impossible d’y voir un canot de sauvetage providentiel ou une planète B pour les 10 milliards d’humains qui peupleront la Terre vers 2050. Tout au plus, j’y vois le théâtre d’un suicide grandiose pour milliardaire en mal de gloire. Il n’y a pas de planète B, sauvons la Terre!
Scientifiquement vôtre
Claude COULOMBE
On a qu’une planète et on ne sait pas en prendre soin. C’est mal barré pour nous!
Prendre soin de notre planète ne garantie aucunement que nos efforts porteraient fruit . Je n’ai jamais cru a une planète B,perso ! Le livre d’Henri Laborit,Dieu ne joue pas aux dés, nous annonce qu’on ne l’a pas encore cette planète qui offre les conditions qu’il nous faudrait. Déja que même la planète A,soit la nôtre,n’a pas toujours offert des conditions propices a notre épanouissement. Planète A,B,ou C,à la fin ce n’est pas Ivan que l’on enverra de toutes façons.
Excusez mon ignorance, mais qui est cet ¨Ivan¨ dont vous parlez ? Je connais bien Ivan le Terrible; Ivan Rebroff le grand chanteur allemand, mais le vôtre, connais pas ! Éclairez ma lanterne s.v.p. Merci.