Messieurs, ne négligez pas votre risque d’ostéoporose

Environ 25 % des fractures dues à cet état que l’on associe spontanément aux femmes surviennent chez les hommes, et ceux-ci sont plus susceptibles d’en mourir ou de souffrir de complications.

vadimrysev / Freepik / montage : L’actualité

Les auteurs sont professeurs de biologie cellulaire et chercheurs principaux du groupe de physiopathologie de l’os à l’Université CEU San Pablo, à Madrid, en Espagne.

En vieillissant, tout le corps s’altère et le tissu osseux ne fait pas exception : il se détériore et perd en densité, ce qui le rend moins résistant. Le phénomène est bien connu sous le terme d’ostéoporose. Chez les femmes, cette baisse de la qualité osseuse devient particulièrement évidente après la ménopause, car l’œstrogène, une hormone sexuelle qui a un effet protecteur sur le squelette, est moins produit (notamment par les ovaires).

Ce qui est moins connu, malheureusement, c’est que les hommes sont eux aussi affectés.

Bien qu’ils ne subissent pas une perte brutale d’hormones sexuelles comme les femmes, ils peuvent également être frappés d’ostéoporose. Les fractures masculines sont ainsi bien plus nombreuses que ce que l’on croit.

Des os toujours plus fragiles

L’ostéoporose se caractérise par une diminution de la masse osseuse et une détérioration de la microarchitecture et de la qualité de l’os. Ces changements augmentent sa fragilité et entraînent par conséquent un risque accru de fracture. Certaines zones du squelette sont particulièrement vulnérables : hanches, colonne vertébrale et poignets.

On estime que la maladie provoque plus de 9 millions de fractures par an dans le monde, mais beaucoup plus de personnes seraient touchées — environ 200 millions. (NDLR : En France, près de 40 % des femmes de 65 ans et plus souffrent d’ostéoporose.) Leur état passe souvent inaperçu, car il s’agit d’une maladie qui progresse en silence et qui est asymptomatique… jusqu’à un certain point.

Puis, à un moment donné, la détérioration du squelette sera à l’origine d’une première fracture qu’aucun signe avant-coureur ne laissait présager. (NDLR : En France, plus de 370 000 fractures seraient dues à l’ostéoporose chaque année, dont 74 000 de la hanche.)

Mais pourquoi perdons-nous de la masse osseuse ? Tout au long de la vie, notre squelette connaît des cycles de renouvellement ou de remodelage au cours desquels le tissu osseux « ancien » est dégradé (par des cellules appelées ostéoclastes) et, dans le même temps, remplacé par de l’os neuf (par les ostéoblastes). Cette régénération permanente lui permet de continuer à résister aux défis parfois brutaux auxquels nous le soumettons au quotidien…

Le problème est qu’au fil des décennies, ce processus de remplacement se fait moins efficace. Les cellules responsables de la (re)formation de l’os ne sont alors plus en mesure de compenser la perte de matière qui, elle, se poursuit au même rythme. En conséquence, le bilan devient négatif. Nous perdons, à la fois en quantité et en qualité, du tissu osseux dans le cadre d’un processus naturel inhérent au vieillissement.

Le quart des fractures touchent des hommes

Le problème n’est pas seulement féminin. Il est vrai que chez les femmes, la perte de qualité osseuse est particulièrement évidente après la ménopause — une étape qui est marquée par une forte baisse de la production des hormones sexuelles féminines, les œstrogènes. Ces hormones exercent un effet protecteur majeur contre la perte osseuse, et leur déclin au début de la ménopause entraîne logiquement une forte baisse de la masse osseuse.

Cependant, environ 25 % des fractures ostéoporotiques surviennent chez les hommes.

Autre point important, les complications et la mortalité associées à ces fractures sont plus élevées chez les hommes que chez les femmes. En effet, on estime que parmi les hommes qui subissent une fracture de fragilité de la hanche, environ un sur trois en mourra au cours de l’année suivante et qu’une même proportion sera sujette à de nouvelles fractures.

Malgré ces chiffres, l’ostéoporose reste sous-diagnostiquée chez les hommes, et donc, dans de nombreux cas, non traitée. Les professionnels de la santé ne sont parfois pas suffisamment conscients du phénomène, ce qui contribue à retarder son diagnostic. Les hommes concernés et qui ignorent l’être ne sont donc pas incités à prendre les précautions adéquates.

Un risque qui augmente 10 ans après la femme

Garçon ou fille, le pic de la masse osseuse est atteint au cours de la troisième décennie de la vie, entre 20 et 30 ans. Ensuite, nous commençons tous à perdre du tissu osseux.

Courbe de l’évolution de la densité osseuse chez l’homme et la femme. (OpenStax, CC BY)

Toutefois, chez les hommes, ce pic survient un peu plus tard, car leur puberté débute plus tard et ils y restent plus longtemps que les femmes.

En outre, les androgènes, les hormones sexuelles masculines, augmentent l’épaisseur des os, ce qui constitue un avantage mécanique certain. Un autre facteur important est que, chez les hommes, il n’y a pas de perte brutale des hormones sexuelles, comme c’est le cas chez les femmes après la ménopause : le déclin hormonal masculin se produit progressivement à partir de la quatrième ou cinquième décennie de vie.

Tous ces facteurs font que les hommes sont atteints d’ostéoporose au moins une décennie plus tard que les femmes. L’incidence des fractures augmente ainsi fortement de 70 à 75 ans. Cela contribue à la hausse de la gravité des lésions et du risque de mortalité postfracture, notamment parce que le vieillissement produit également une situation d’inflammation chronique de faible intensité qui accélère le processus de dégradation osseuse — et donc accroît le risque de fracture.

Des facteurs aggravants… mais des pistes pour limiter les risques

La réparation du squelette se fait aussi plus difficilement. Avec l’âge, la vitamine D, essentielle à la minéralisation et à la qualité des os, est moins présente et la fonction musculaire est altérée.

Comme souvent, il existe des facteurs aggravants qui accélèrent ces différents processus. Les plus répandus sont l’abus d’alcool et de tabac, un traitement continu avec des glucocorticoïdes utilisés en tant qu’anti-inflammatoires ou immunosuppresseurs, une trop grande sédentarité ou une minceur excessive. Et, souci spécifiquement masculin, en cas d’hypogonadisme (état dans lequel les testicules des hommes ne produisent pas ou peu d’hormones sexuelles).

Comme nous venons de le voir, la qualité de nos os a un effet direct sur notre santé. Nous devrions donc tous, hommes et femmes, prendre soin de notre squelette. Principalement en restant actifs, en ayant une alimentation variée riche en calcium et en vitamine D, en limitant notre consommation d’alcool et en évitant de fumer.

Cet article est republié à partir de La Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

La Conversation

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Pour ajouter à l’article, chez l’homme, il se produit une baisse de la testostérone de 1% par an dès l’âge de 30 ans. La formation osseuse se fait par l’oestradiol (qui est convertie de la testostérone chez l’homme par une aromatase).
En même temps, l’hormone thyroïdienne T3 est aussi essentielle à l’action des ostéoblastes responsable de la formation osseuse. Or l’action des hormones thyroïdiennes tend à s’amenuiser aussi avec l’âge. Il y a 50 ans, le spécialiste de la thyroïde, le docteur Broda Barnes estimait à 40% l’incidence de l’hypothyroïdie. Avec le vieillissement de la population et les perturbateurs endocriniens toujours plus présents, on peut hausser le nombre à 50%.
(Pour la petite histoire, aujourd’hui, la moitié des Nord-Américains (hommes et femmes) ont des nodules thyroïdiens à l’âge de 60 ans, un indice d’une baisse de la fonction thyroïdienne.

La suggestion de l’OMS ou de la Société Canadienne d’Ostéoporose de dépister l’ostéoporose à 65 ans et plus semble un peu tardive considérant un si lent développement qui demande au contraire une approche plus préventive. Quand le mal est fait, les mesures de correction sont un peu futiles, les bisphosphonates changent la structure de l’os mais nuiraient à une guérison de fracture et même rendraient les os plus cassants.

L’approche plus préventive du côté thyroïdien pourrait être le dosage de la TSH, mais son interprétation simpliste pour 2.5% des cas les plus aigüs produit beaucoup de faux négatifs, et son utilisation pour titrer la médication l’est aussi. La simple et répandue carence en iode n’est pas relevée par ce test.

Du côté des hormones masculines ou féminines, à part quelques symptômes vedettes, le dépistage précoce est encore plus tardif…

Tout, incluant la prévention, semble, hélas, basé sur la sempiternelle « healthcare cost-effectiveness ».

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