Mandela libéré

«Nelson Mandela, un des plus admirables combattants de la liberté de l’histoire, n’est plus. Il sera pleuré et regretté partout. Mais célébrons également une vie inspirée de bout en bout par la soif de justice et la primauté de la dignité humaine», dit le blogueur Alain Vadeboncœur.

Photo : Associated Press / Presse Canadienne
Photo : Associated Press / Presse Canadienne

Nelson Mandela, un des plus admirables combattants de la liberté de l’histoire, n’est plus. Il sera pleuré et regretté partout. Mais célébrons également une vie inspirée de bout en bout par la soif de justice et la primauté de la dignité humaine.

Et quelle vie remarquable. Dès la première moitié du vingtième siècle, alors que l’Afrique du Sud impose des lois de plus en plus dures pour asservir la majorité noire, ce destin hors du commun prend forme. Premier de sa famille à poursuivre ses études, son prénom anglais de Nelson, choisi selon la coutume par son institutrice, ne manque pas d’inspiration.

Mais il se prénomme en réalité Rolihlahla, signifiant  «fauteur de trouble». Ce prénom, reçu à Mvevo, village dont son père était le chef, Mandela le portera fort bien, puisqu’en effet il troublera, ébranlera et dérangera plus souvent qu’à son tour le dur régime politique de l’Afrique du Sud. Tant et si bien qu’il changera le cours de l’histoire, un combat souverainement mené par cet homme plus grand que nature.

Avocat brillant, pugnace et méthodique, Mandela devient vite une des principales cibles du régime de l’Apartheid. Mais après avoir longtemps lutté pacifiquement au sein du Congrès national africain (ANC), jusqu’à l’interdiction de 1960, cet adepte de la doctrine non violente de Gandhi finit par fonder en 1961 la branche armée de l’ANC, Umkhonto we Sizwe, à la suite du terrible massacre de Sharpeville.

Les actions qu’il dirige alors sans relâche visent des cibles économiques et symboliques, tout en cherchant à épargner les vies humaines. Elles conduisent à son arrestation en 1962, après 17 mois de clandestinité, la CIA ayant été impliquée dans le coup, semble-t-il.

En 1964, condamné à perpétuité, il échappe à la peine de mort, quand le juge rejette les allégations d’alliances étrangères dont est soupçonnée l’ANC. Et à cause des pressions internationales.

Si on ne peut d’abord l’éliminer sans risque, son intelligence et sa verve lui permettront ensuite de survivre en prison. Vinge-sept ans enfermé, dans des conditions très difficiles.

Comme le raconte Mandela dans son autobiographie Un long chemin vers le liberté, le gardien qui veut le rudoyer dès son arrivée à cause de ses cheveux longs fige net quand le plaideur lui répond, du tac eu tac :

«Quand il est arrivé à quelques centimètres de moi, j’ai dit, aussi fermement que j’ai pu : « Si vous portez simplement la main sur moi, je vous mènerai devant la plus haute cour de ce pays et quand j’en aurai fini avec vous, vous serez aussi pauvre qu’une souris d’église. » À l’instant où j’ai commencé à parler, il s’est arrêté, et à la fin de ma phrase, il me regardait étonné. J’étais surpris moi-même. J’avais eu peur et de n’avais pas parlé par courage mais un peu par bravade. Dans un moment semblable, il faut prendre un air audacieux malgré ce qu’on ressent au fond de soi.» 

Prisonnier politique n’ayant droit qu’à une visite et une lettre tous les six mois – souvent rendue illisible par le caviardage –, il trouve non seulement en lui la force de survivre physiquement et mentalement aux épreuves, mais il inspire et instruit les autres prisonniers, donnant la pleine mesure de son courage et de son humanité.

Il étudie même à l’Université de Londres par correspondance et, non content de décrocher un baccalauréat en droit, il est pressenti – toujours derrière les barreaux – pour le titre de chancelier universitaire !

Puis, au fil des années, la situation politique évolue et, à reculons, le régime finit par plier, à la suite des actions de l’ANC et de la pression internationale.

La réclusion de Mandela prend fin en 1990. Et le grand homme se hissera jusqu’à la présidence de son pays, à l’élection de 1994, dont il garde un souvenir ému :

«J’ai voté le 27 avril, le premier des quatre jours de scrutin. J’avais décidé de voter au Natal pour montrer aux gens que, dans cette province divisée, aller dans les bureaux de vote ne représentait aucun danger. J’ai voté au lycée Ohlange à Inanda, un township dans des collines verdoyantes, au nord de Durban, car c’était là que John Dube, le premier président de l’ANC, était enterré. Ce patriote africain avait participé à la fondation de l’organisation en 1912, et j’ai déposé mon bulletin dans l’urne près de sa tombe, fermant ainsi le cycle historique car la mission qu’il avait entamée 82 ans plus tôt était sur le point de s’achever. (…) J’ai fait une croix dans la case près des lettres ANC et glissé mon bulletin dans une simple caisse de bois; j’avais voté pour la première fois de ma vie.»

Son destin de combattant de la liberté se projette sur un demi-siècle, de son entrée à l’ANC jusqu’à ce vote historique.

Mandela fut d’abord le combattant, puis l’inspiration, puis l’architecte politique – avec ceux qui ont lutté à ses côtés, et certains de ses adversaires – de cette transformation du régime.

Savoir modeler les luttes politiques afin de tirer le meilleur parti des circonstances changeantes de l’histoire n’est pas donné à tous. Mandela restera résolument pragmatique : résistant de toujours, il orchestre ensuite la réconciliation et non une revanche, ce qui aurait pu plonger le pays dans la dérive.

Avec le président De Klerk, il impose, malgré la tourmente qui marque le début des années 1990, une vision politique et sociale égalitaire en plus d’être inclusive. Certains lui reprocheront de ne pas être allé assez loin, alors que de grandes inégalités sociales persistent aujourd’hui.

Naomi Klein, dans son essai The Shock Doctrine, soutient qu’en même temps que Mandela négociait la transition politique, son entourage sapait les bases sociales des réformes initialement proposées, ouvrant la porte à la privatisation et la dérégulation, éloignées des principes qui avaient jadis inspiré l’ANC.

Ces luttes ne sont jamais terminées, mais ce n’est plus son combat.

Alors simplement merci, pour tout, Rolihlahla Mandela

Merci pour votre courage, votre engagement sans équivoque, votre abnégation et votre probité.

Merci pour l’exemple.

Merci d’avoir été fauteur de trouble.

Universellement aimé, vous avez montré que les valeurs de tolérance, d’ouverture et de respect pouvaient encore secouer le monde.

Merci pour cette leçon de vie.

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À ceux qui voudraient mieux connaître Mandela, je ne peux que recommander son inspirante autobiographie : Un long chemin vers la liberté (Long Walk to Freedom), dont sont tirées les citations de ce texte. Manière de chef-d’oeuvre, Mandela y raconte en détails, avec une grande sensibilité, une modestie remarquable et un sens unique de l’histoire, son incroyable aventure humaine et politique.

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Si une image vaut mille mots, imaginez le poids de celle-ci: celle des tendances Twitter à 20h38 chez nous publiées par Trendsmap. Mandela est universellement salué dans le monde.

mandela
Source: https://trendsmap.com/ 20h38

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Nelson Mandela, un des plus admirables combattants de la liberté de l’histoire sera pleuré et regretté partout. Il a mené une vie inspirée de bout en bout par la soif de justice, de courrage et de la dignité humaine. Pour moi, il est au somment des hommes d’exception.