Il y a 20 ans, les médecins recommandaient aux patients atteints d’un cancer de se reposer et de garder leurs forces pour leurs traitements. « En fait, on leur suggérait alors l’inverse de ce qu’il faut faire ! » dit le Dr Michel Pavic, chef du service d’hémato-oncologie du CIUSSS de l’Estrie – Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke.
L’oncologue reconnaît que prescrire de l’activité physique aux patients cancéreux peut sembler contre-intuitif. Pourtant, depuis une quinzaine d’années, de plus en plus de recherches en démontrent les bénéfices. L’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) publiera d’ailleurs un état des connaissances en avril prochain et le sujet fera aussi l’objet d’un colloque lors du congrès de l’ACFAS en mai.
L’activité physique diminuerait à long terme le risque de récidive. « La réduction du risque de rechute est d’environ 40 % pour le cancer du sein et du côlon », précise le Dr Pavic. Et ce n’est là qu’un des effets positifs observés par les malades qui pratiquent une activité sportive.
« L’activité aérobique la plus commune et la plus simple, c’est la marche, remarque le Dr Pavic. Il faut marcher assez rapidement pour commencer à transpirer, tout en étant toujours capable de parler. » Le vélo stationnaire à une intensité modérée est aussi une bonne option. Plusieurs études ont également démontré les bénéfices du yoga chez les patients cancéreux, ajoute l’oncologue.
L’exercice diminue la fatigue
Les bienfaits de l’exercice étant maintenant prouvés de façon convaincante, des experts réunis par le Collège américain de médecine sportive en 2018 ont élaboré des lignes directrices à l’intention des patients.
Même si tous les cancéreux éprouvent une certaine baisse d’énergie pendant les traitements, cette diminution sera moins grande chez ceux qui pratiquent une activité physique (peu importe qu’ils aient été sédentaires ou sportifs avant leur diagnostic). « L’activité physique permet de réduire la fatigue liée au cancer d’environ 20 % », souligne Eléonor Riesco, professeure titulaire à la Faculté des sciences de l’activité physique de l’Université de Sherbrooke.
« Pendant les traitements, être actif a des effets sur le bien-être et les symptômes anxieux ou dépressifs », ajoute la professeure. Bouger limite également la détérioration de la capacité physique, note le Dr Pavic : « Plus les patients se reposent, plus ils perdent l’habitude de faire des efforts. Leur masse musculaire diminue et ils ont de la difficulté à redevenir actifs par la suite. »
Les scientifiques cherchent maintenant à déterminer si l’exercice physique pendant les traitements pourrait favoriser la guérison du cancer. « Nous voulons voir par exemple si l’activité physique pratiquée la veille d’un traitement de chimiothérapie pourrait activer le système immunitaire et l’aider à se débarrasser du cancer », explique le Dr Pavic. Son équipe mène actuellement une étude sur ce sujet.
Quel genre d’activité : aérobique ou musculaire ?
« Nous avons des preuves solides qu’en combinant l’exercice aérobique et l’exercice musculaire, on diminue la fatigue liée au cancer, affirme Eléonor Riesco. Pour les symptômes dépressifs et anxieux, les études portent seulement sur l’exercice aérobique. »
L’essentiel est de trouver une activité qui procurera du plaisir au patient et qu’il aura envie de pratiquer à long terme. « Ce ne sont pas tous les patients qui ont le goût de fréquenter un centre d’entraînement », remarque le Dr Pavic.
Les deux experts insistent toutefois sur l’importance de bien encadrer les malades. « Les exercices supervisés apportent en effet des bénéfices plus grands », souligne Eléonor Riesco. Idéalement, les patients devraient être dirigés vers des centres avec des kinésiologues et des physiothérapeutes, ajoute le Dr Pavic : « Cela leur permettrait d’avoir un programme individualisé d’une durée de 6 à 12 semaines. Par la suite, le patient serait autonome pour continuer par lui-même. »
Avant de prescrire un programme d’entraînement, il faut toutefois évaluer le profil de santé du patient, insiste Eléonor Riesco. À cette étape, la collaboration entre le kinésiologue, le physiothérapeute et l’oncologue est essentielle.
« Les discussions avec l’équipe traitante permettent de prendre des décisions éclairées, et les oncologues peuvent lever un drapeau rouge s’il y a certaines problématiques dont il faut tenir compte », ajoute-t-elle. Il peut s’agir de complications comme une fragilité cardiaque ou une propagation du cancer aux os, qui pourrait augmenter le risque de fracture.
Toutefois, ce ne sont pas tous les kinésiologues qui ont l’expertise nécessaire pour superviser des patients cancéreux. « Nous commençons à avoir des formations particulières sur le cancer dans les programmes de kinésiologie, remarque le Dr Pavic. Cependant, c’est encore assez limité. » Eléonor Riesco élabore d’ailleurs présentement des formations basées sur les connaissances actuelles qui seront proposées aux kinésiologues souhaitant travailler avec cette clientèle.
En attendant, les patients peuvent consulter le site de la Fondation québécoise du cancer pour trouver les cliniques de physiothérapie et de kinésiologie de leur région qui offrent de tels services.
Les effets du cancer sur les performances sportives
Les patients avec un diagnostic de cancer ne doivent toutefois pas s’attendre à être aussi performants qu’avant la maladie, prévient le Dr Pavic. « Pour les gens qui étaient très actifs, cela peut être comme se heurter à un mur », corrobore Eléonor Riesco.
Certains patients remarqueront qu’ils n’arrivent pas toujours à atteindre leurs objectifs. Par exemple, être actif est généralement plus difficile dans les jours suivant un traitement de chimiothérapie. « Il faut alors accepter d’en faire moins tout en essayant de bouger quelques minutes quelques fois dans la journée. Toute activité est bonne », rappelle le Dr Pavic.
D’autres patients peuvent se décourager et penser qu’ils ne pourront pas se rendre au niveau d’activité qu’on leur suggère. « Cependant, quand on les encourage à le faire, ils se rendent compte qu’ils avaient surestimé l’intensité que cela représentait », nuance Eléonor Riesco. C’est pourquoi les malades doivent revoir leur perception de l’effort physique.
Ces derniers ont plus ou moins de pouvoir sur les tests et les traitements, mais ils en ont sur leur niveau d’activité. « En leur proposant de bonnes stratégies, on leur redonne le contrôle et on leur offre la possibilité d’influencer dans une certaine mesure le processus de traitement », ajoute la professeure. Et d’ainsi améliorer leur qualité de vie.