D’autres virus viendront. D’autres catastrophes frapperont le Québec. Pas de sitôt, espère-t-on. Mais en tirant des leçons de la dernière — et éprouvante — année, il est possible d’être mieux préparés pour faire face au prochain coup dur qui ébranlera la province. Voici l’un des chantiers à mettre en œuvre afin de ne plus jamais vivre des temps aussi difficiles.
Doit-on laver les produits qu’on rapporte de l’épicerie ? Se faire vacciner ? Croire aux études prouvant l’utilité des masques ? L’importance d’une certaine culture scientifique dans la population est primordiale : grâce à une bonne base de connaissances, les gens comprennent mieux sur quoi reposent les consignes de santé publique, ils savent mieux interpréter le discours des experts et gardent un œil critique devant la désinformation.
De nombreuses institutions, au Québec et ailleurs dans le monde, se préoccupent de cet enjeu. Les progrès, dont je suis une témoin privilégiée depuis une vingtaine d’années, à la fois comme journaliste et communicatrice scientifique, sont trop lents. Mais les principaux obstacles sont déjà connus.
Tout commence à l’école, où les concepts scientifiques fondamentaux — comme le fonctionnement de l’immunité ou ce qu’est une molécule — sont enseignés dans l’espoir que cette base sera utile plus tard dans la vie des élèves. C’est essentiel, mais insuffisant, juge Patrice Potvin, professeur de didactique à l’UQAM, membre de l’Équipe de recherche en éducation scientifique et technologique et ancien enseignant de science au secondaire. « Il y a un tel décalage entre ces connaissances de base et les débats des experts d’aujourd’hui que même les articles vulgarisés peinent à toucher une bonne partie de la population ! »
Le problème, c’est que la science est enseignée comme s’il s’agissait d’une religion, avec un dogme qu’on pourrait résumer par « ça marche ainsi parce que ça a été prouvé, estime Patrice Potvin. On devrait plutôt inculquer que la science procède par une mise à l’épreuve d’hypothèses, parmi lesquelles ne sont retenues que celles dont on n’a pas pu prouver la fausseté ».
Mieux enseigner aux élèves les méthodes qui servent à crédibiliser les connaissances pourrait augmenter la confiance dans ce processus et aider les jeunes à juger par eux-mêmes de la validité d’une information, en distinguant plus facilement des faits établis scientifiquement d’une opinion ou d’un travail de recherche en cours. « On devrait savoir qu’il y a une démarche très précise à suivre pour vérifier si un vaccin est sûr ! » rappelle Patrice Potvin.
Pour Yves Gingras, directeur de l’Observatoire des sciences et des technologies à l’UQAM, accroître la confiance dans le processus scientifique est l’élément le plus important afin d’améliorer la culture scientifique de la population.
Les médias jouent un rôle majeur dans la culture scientifique des adultes. Selon une étude publiée fin 2020 par Yves Gingras et ses collègues, les journalistes font un travail plutôt correct à ce chapitre. « Ils ne sont ni des techno-jovialistes naïfs ni des techno-critiques radicaux », dit le chercheur, qui avoue avoir été assez surpris par la bonne compréhension qu’ont les journalistes de la science et de son fonctionnement — preuve que les impressions ne valent pas une démonstration ! « Mais il n’y a pas encore assez de science dans les médias. Nos diffuseurs publics devraient montrer l’exemple et présenter plus d’émissions scientifiques », croit Yves Gingras.
Par ailleurs, les scientifiques doivent aller à la rencontre de ceux que la science rebute a priori, là où ils se trouvent, pour leur parler de ce qui les intéresse. Le Centre Déclic, que j’ai mis sur pied en 2018 avec le soutien des Fonds de recherche du Québec, teste une formule originale qui suscite beaucoup d’intérêt : amener des chercheurs à donner des conférences participatives lors de manifestations culturelles ou commerciales — le Festival du bleuet ou le Salon de l’auto, par exemple — pour y raconter leurs recherches sur un sujet lié au thème de l’événement.
Après une cinquantaine de conférences, je reste épatée par la pertinence des questions et la richesse des échanges entre les chercheurs et le public. Bref, le terreau est fertile.
Cet article a été publié dans le numéro d’avril 2021 de L’actualité.
Malheureusement trop d’entreprises malfaisantes se servent du nom de scientifique peut scrupuleux pour mousser leur produit, pas toujours à la hauteur des attentes et même tout à fait insatisfaisant. Quand on voit les compagnies de tabac, ou la fameuse Monsanto avec le Rondup, etc. Aujourd’hui quand on entend un scientifique appuyer un produit ou un autre, on peut tout de suite penser à un avocat qui prend la défense de son client pas toujours crédible le monsieur.
Bien vu : plus la science sera démystifiée, plus les citoyens développeront leur »immunité collective » face à la désinformation. Parmi les moyens à utiliser, il y a les clubs scientifiques pour les jeunes tels que les Scientifines, les Débrouillards, les Clubs 4-H, les Jeunes astronomes, etc. Jouer est aussi une excellente méthode; vive les 100-Génies, pour tous les âges !
Texte très intéressant. Oui à la diffusion de la culture scientifique et merci aux journalistes scientifiques de le faire. Le plus grand défi semble de parvenir à convaincre, sinon du moins à intéresser, les personnes méfiantes devant tout ce qui provient de la science. Informer est une chose, faire changer les mentalités, une autre. Par ailleurs, certains abus d’entreprises facilement identifiées à la science (les pharmaceutiques, par exemple), confortent les personnes méfiantes. Il faudrait probablement rendre transparents ces abus et les discuter afin de les dissocier de la pratique scientifique.