La consultation sur la future stratégie scientifique fédérale lancée par Ottawa le 8 janvier dernier a toutes les apparences d’une coquille vide, dénonce la Fédération québécoise des professeurs et professeures d’universités.
De fait, on a rarement vu consultation plus expéditive et bâclée sur un sujet pourtant d’importance vitale pour un pays !
Les Canadiens ont jusqu’au 7 février pour se prononcer par courriel sur la future stratégie baptisée «Un moment à saisir pour le Canada».
La consultation a été annoncée le 8 janvier dernier par le ministre ministre d’État (Sciences et Technologie), Greg Rickford.
Le document de consultation fait cinq pages et ne laisse aucun doute sur les ambitions du gouvernement Harper, qui ne voit dans la recherche scientifique qu’une occasion d’affaires.
Tout un contraste avec les efforts que le Québec a mis dans sa dernière Politique de la recherche et de l’innovation, publiée en octobre dernier à l’issue d’un long processus de consultation et qui a fait la quasi-unanimité dans les milieux de la recherche !
Dès l’introduction, le document de consultation fédéral dévoile ses intentions :
Le Canada doit devenir un pays plus novateur ; autrement dit, il doit «créer de nouveaux produits ou procédés ou créer des produits ou des processus grandement améliorés et il doit modifier sa façon de faire des affaires».
Le moment à saisir, explique le document, c’est celui où les efforts en science rapportent enfin.
Cette vision extrêmement réductrice de la science transparaît tout particulièrement dans le paragraphe suivant, censé résumer en quoi le Canada est un grand pays de science.
Dans un environnement mondial très concurrentiel où l’innovation et la collaboration comptent, le Canada continue de se faire remarquer par le reste du monde. Notre pays est toujours en tête du G7 au chapitre des dépenses dans la R-D dans l’enseignement supérieur, et le Canada est le seul pays du G7 à avoir porté le nombre de ses articles scientifiques au-dessus de la moyenne mondiale au cours des dernières années. Le Canada possède un système d’éducation post-secondaire de renommée internationale qui s’appuie sur la collaboration du secteur privé et qui en tire parti, en particulier par l’entremise de réseaux de recherche. Une migration nette des chercheurs a également été observée au cours de la dernière décennie vers le Canada qui devient une destination de plus en plus prisée par certains des plus brillants cerveaux du monde.
En ce moment, M. Rickford, le Canada fait surtout parler de lui dans le monde de la science pour sa politique de destruction des archives scientifiques fédérales. Voyez cet article du magazine Nature de cette semaine.
Par ailleurs, si le Canada dépense beaucoup pour la recherche dans l’enseignement supérieur, c’est parce qu’il dépense traditionnellement très peu pour la recherche gouvernementale, bien moins en tout cas que plusieurs autres pays de l’OCDE.
Le seul chiffre qui compte, si l’on veut s’en tenir à des comparaisons économiques, est celui du ratio dépenses intérieures de recherche et développement (DIRD) sur PIB. Et en la matière, le Canada fait dur, avec seulement 1,73 % de son PIB consacré à la RD en 2012, ce qui le place en cinquième position parmi les pays du G7 — loin derrière le Japon (3,34 %) et d’autres pays qui ne font pas partie du G7, comme la Corée et les pays scandinaves.
Par ailleurs, comme tous les pays industrialisés, le Canada est une destination de plus en plus prisée par les étudiants chercheurs issus des pays émergents, et rien n’indique aujourd’hui qu’il en attire plus, qu’il les retient, et qu’ils sont plus brillants qu’ailleurs. Tout cela n’est que poudre aux yeux.
On aurait pu nous donner dans ce document des exemples de scientifiques canadiens qui se sont démarqués sur la scène internationale, ou dont les travaux ont marqué des avancées significatives dans l’accroissement des connaissances. Mais il faut croire que cela n’était pas pertinent.
La consultation porte sur trois points :
1. Innovation au sein des entreprises
2. Former des gens innovateurs et qui ont l’esprit d’entreprise
3. Excellence en recherche et développement dans les secteurs public et de l’éducation post-secondaire.
Dans ce dernier volet, on ne dit pas un mot de la recherche réalisée au sein du gouvernement, comme si elle avait été définitivement rayée de la carte avec les dernières coupures. On se félicite juste d’être déjà très bon, comme si tout nouvel investissement était probablement superflu.
Soyons clair : Ottawa ne veut vous entendre ni sur les domaines de recherche qui seraient à privilégier ni sur les besoins de la société (autre que celui des retombées économiques) que la recherche pourrait combler, tel que le développement durable. Pas plus sur comment on forme des esprits éclairés grâce à la science.
On veut juste savoir ce que vous pourriez faire de plus pour que l’industrie canadienne innove et en tire des bénéfices. Et vite !
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Bien envoyé! En faisant ainsi une consultation en douce, sans tambour ni trompettes, ce gouvernement pense pouvoir dire « nous avons consulté » et faire passer ce qu’il voudra comme « politique scientifique fédérale ». Une honte! Je pense qu’il faut quand même y participer et laisser entendre sans relâche notre indignation.