Pour la santé du cœur, faut-il se passer d’édulcorants ?

Consommer des édulcorants est associé à un risque plus élevé de maladies cardiovasculaires, montre une étude menée sur plus de 100 000 Français suivis pendant 12 ans. Faudrait-il bannir ces succédanés de sucre ? 

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Sucré sans sucre ! Le slogan publicitaire décrit bien les édulcorants : des substances qui donnent un goût sucré, mais qui ne sont pas du sucre. Exit les calories, bonjour la douceur ! Mais peut-être pas sans risque…

Des chercheuses et chercheurs membres de l’Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (EREN), un groupe français composé de collaborateurs de plusieurs organismes, dont l’Université de Paris, ont publié en décembre dernier une étude qui a fait grand bruit dans le milieu de la nutrition. Elle révèle que consommer des édulcorants sur une base régulière est associé à un risque plus élevé de maladies cardiovasculaires, comme les maladies coronariennes et les accidents vasculaires cérébraux.

Les résultats sont issus de l’étude NutriNet-Santé. Démarrée en 2009 pour mieux évaluer les relations entre la santé et la nutrition, elle compte maintenant plus de 170 000 volontaires français qui remplissent quelques fois par année des questionnaires poussés sur leur alimentation et l’évolution de leur état de santé. 

Les petits sachets jaunes, roses ou bleus qui trônent sur les tables des restaurants pour sucrer son café sans culpabilité, mais aussi les additifs de nombreux aliments transformés « allégés » ont retenu l’attention des chercheurs. L’actualité a demandé à Charlotte Debras, première auteure de l’étude, ce que l’équipe a observé.

Qu’avez-vous découvert, précisément ?

Nos analyses ont permis de trouver que chez les grands consommateurs d’édulcorants, les maladies cardiovasculaires sont 10 % plus fréquentes que chez ceux qui n’en consomment pas. Plus concrètement, parmi les gens qui n’en consomment pas, un problème cardiovasculaire apparaît chez 314 personnes sur 100 000 chaque année, alors que parmi ceux qui en consomment beaucoup, on note 346 cas pour 100 000 personnes chaque année. 

Le risque concerne surtout les maladies cérébrovasculaires. L’augmentation est de 30 % pour ces problèmes particuliers. 

Il existe plusieurs types d’édulcorants. Sont-ils égaux en matière de dangerosité ?

Les questionnaires que les volontaires remplissent permettent de connaître précisément les aliments consommés, les produits, l’entreprise qui les fabrique… ce qui nous renseigne sur les édulcorants effectivement avalés. Chacun semble lié à des problèmes particuliers. L’aspartame, par exemple, est associé à une hausse de 23 % des événements cérébrovasculaires chez les grands consommateurs, alors que l’association est à peu près nulle pour le sucralose. L’acésulfame de potassium et le sucralose, eux, sont associés à une augmentation de 68 % des maladies coronariennes, toujours chez les grands consommateurs, alors que l’aspartame ne semble pas lié à ces maladies.

Qu’entend-on par « grands consommateurs » ?

Dans notre étude, « grands consommateurs » désignait les hommes qui consommaient plus de 18,46 mg d’édulcorants par jour, et les femmes en consommant plus de 16,44 mg quotidiennement. En fait, dans ce groupe, la quantité moyenne d’édulcorants consommés était de 77,6 mg par jour. Pour donner une idée de grandeur, une seule petite canette de 250 ml de soda léger contient environ 200 mg d’aspartame. Les « faibles consommateurs » sont ceux qui consomment des édulcorants sur une base occasionnelle, par exemple une canette de soda léger par semaine.

A-t-on une idée du mécanisme par lequel les édulcorants pourraient entraîner des problèmes cardiovasculaires ?

Nous n’avons que des hypothèses pour le moment. C’est une étude prospective, c’est-à-dire qui commence avec des sujets sains et qui compile les statistiques de problèmes de santé qui apparaissent au fil du temps. Elle porte sur plus de 103 000 personnes suivies de 2009 à 2021, soit pendant 12 ans. Une telle étude est conçue pour repérer des associations, pas pour établir des liens directs de cause à effet.

Les mécanismes plausibles pourraient être liés à la prise de poids. En effet, plusieurs études ont indiqué des associations entre la consommation de boissons édulcorées et l’augmentation du surpoids et de l’obésité, parce que les gens, en s’habituant à des aliments au goût très sucré, développent un fort penchant pour le sucre et en mangent plus. Donc, une partie des associations entre édulcorants artificiels et maladies cardiovasculaires observées dans notre étude pourrait être liée au statut pondéral.

Mais plusieurs autres pistes sont étudiées, comme des mécanismes liés à l’inflammation.

Faudrait-il bannir les édulcorants ?

En tant que scientifiques, ce n’est pas notre rôle de dire ce qui doit être banni ou pas. Notre travail est de fournir aux décideurs les données les plus solides possibles. À eux d’en tenir compte à partir de cet éclairage.

Les édulcorants sont justement en cours de réévaluation par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et par d’autres agences de santé publique dans le monde. Notre analyse leur fournit matière à réflexion.

Mais une seule étude, aussi valable puisse-t-elle être, ce n’est pas suffisant. Il faudra qu’elle soit reproduite, que des études équivalentes soient menées ailleurs dans le monde pour voir si elles donnent des résultats similaires. Je sais que des cohortes du même genre sont constituées aux États-Unis, au Canada, au Brésil… D’ici quelques années, on verra si les résultats confortent les nôtres.

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Ce serait intéressant de savoir si le stévia a des effets nocifs. Je crois que le fait de garder ou nourrir le goût pour le sucré serait quand même là. Merci pour ces informations.

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