Pourquoi la Conférence de Paris ne sera pas un échec

«Tant mieux si on peut établir une formule unique mondiale, mais il est plus réaliste de s’attendre à ce que chaque pays adopte la formule qui lui convient.»

Photo: Tarabiscuite/Pixabay
Photo: Tarabiscuite/Pixabay

Plus de 40 000 représentants, dont 147 chefs d’état, seront à Paris ce mois-ci pour la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques, qui se déroulera du 30 novembre au 11 décembre. L’objectif de la conférence est d’arriver à un accord entre les 195 pays-membres de l’ONU pour maintenir le réchauffement climatique en-dessous de 2°C d’ici 2100.

Marie-José Nadeau, ancienne vice-présidente à Hydro-Québec, est présidente du conseil d’administration du Conseil mondial de l’énergie depuis 2013. Cet organisme très influent, fondé en 1923 à Londres, réunit près de 3 000 entreprises, instituts de recherche et gouvernements de 99 pays, qui étudient les grands enjeux énergétiques de la planète pour toutes les formes d’énergie. L’actualité l’a rencontrée à son bureau de la Place Ville-Marie pour connaître sa vision d’un secteur en plein bouleversement.

Quelles sont vos attentes quant à la conférence de Paris?

Je pense que la COP21 aura accompli un grand pas si les différents pays adoptent un objectif national de réduction des gaz à effet de serre (GES) et s’ils respectent leurs engagements. Les modèles actuels ne répondent pas au défi. Il faudrait pouvoir limiter la hausse mondiale des températures à 2 °C. Au rythme où vont les choses, ce sera plutôt une hausse de 4,5 °C, voire 5 °C. On ne peut pas continuer comme si de rien n’était.

Mais advenant que les pays participants ne parviennent pas à s’entendre sur une formule commune, je serais déçue, personnellement et en tant que présidente du Conseil mondial de l’énergie, que l’on parle d’échec à Paris. Il faut être plus nuancé.

Pourquoi?

Parce qu’il est très difficile pour des pays aussi divers que la Chine, le Canada, la France, les États-Unis ou la Suisse de s’entendre sur une même formule, avec le même objectif, le même type d’engagement. Les Chinois sont très jaloux de leur autonomie et ne veulent pas de formule contraignante. Les Américains non plus. Il existe plusieurs mécanismes de tarification du carbone: taxe directe, quotas, droits d’émissions, bourse du carbone. Chacun a ses avantages et ses inconvénients.

Tant mieux si on peut établir une formule unique mondiale, mais il est plus réaliste de s’attendre à ce que chaque pays adopte la formule qui lui convient. Par exemple, les Chinois avancent très vite dans l’établissement d’un système de tarification du carbone — en fait, ils ont sept systèmes distincts. Ils le font pour des raisons qui sont les leurs, notamment pour réduire la pollution, mais ils agissent nettement plus vite que les Américains. Le danger, c’est d’essayer d’avoir un système unique mondial, «de la Molson pour tout le monde», comme on dit. Il faut se concentrer sur l’objectif premier qui n’est pas le mécanisme, mais le résultat visé: la réduction des émissions de GES.

On est surpris d’entendre les multinationales pétrolières et gazières réclamer un système de tarification des émissions de carbone. C’est de la poudre aux yeux?

Non, elles sont convaincues de la nécessité d’un tel système. Il y a 10 ans, tout le monde était dans le déni. Plus maintenant. Leur message est qu’il faut un incitatif afin de susciter un grand cycle de recherche et de développement en matière de réduction des émissions, de stockage, d’efficacité énergétique et d’énergies nouvelles. Cet incitatif, c’est un prix sur les émissions de carbone. Les entreprises sont conscientes qu’il ne se passe rien parce que tout le monde produit du CO2 sans en payer le prix. Et elles investissent beaucoup moins qu’elles le devraient, ou qu’elles le pourraient, parce qu’elles attendent de connaître le cadre réglementaire.

Êtes-vous optimiste quant à l’issue de la conférence de Paris?

Vous savez, les deux tiers des émissions de GES proviennent du secteur énergétique. Or, les ministres de l’Énergie n’avaient jamais été impliqués dans les discussions! Alors, je me réjouis du fait qu’ils participent désormais aux négociations. Le Conseil le réclamait depuis longtemps, et on commence enfin à nous entendre. Les environnementalistes ont fait avancer le débat, mais il y a un essoufflement réel en l’absence de résultats concrets. Il faut accueillir à la table les ministres de l’Énergie, les entreprises et les instituts de recherche pour tenir compte du réel, afin de proposer des solutions concrètes qui prennent en considération les autres grands défis énergétiques.

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Comment s’attaquer aux changements climatiques

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