Pourquoi les hommes ont-ils plus d’orgasmes que les femmes dans les relations hétérosexuelles ?

Une enquête pancanadienne montre que les couples s’adonnent peu à certaines pratiques sexuelles, bien qu’ils sachent que celles-ci peuvent faciliter l’atteinte de l’orgasme féminin.

S_Chum / Getty Images

L’auteure est chercheuse-analyste pour le projet Sex in Canada à l’Université McMaster et le projet SUMMIT du Centre de toxicomanie et de santé mentale, en Ontario.

Les chercheurs en sexualité constatent que les hommes ont davantage d’orgasmes que les femmes dans les rapports hétérosexuels.

C’est ce qu’on appelle l’écart entre les sexes en matière d’orgasmes, ou fossé orgasmique. Il existe de nombreux mythes et hypothèses sur ce qui explique cet écart. Parmi les plus répandus, citons le fait que les femmes mettraient trop de temps à atteindre l’orgasme, qu’elles ne tiendraient pas à avoir un orgasme, que les faire jouir demanderait plus de travail et qu’elles seraient plus difficiles à satisfaire.

Mais l’orgasme des femmes nécessite-t-il vraiment beaucoup d’efforts et, si ce n’est pas le cas, pourquoi cette croyance est-elle si répandue ?

Recherche sur la sexualité au Canada

J’ai publié récemment, en collaboration avec les sociologues Tina Fetner et Melanie Heath, une étude qui remet en question ces hypothèses sur la capacité et le désir des femmes d’atteindre l’orgasme.

Nous avons utilisé les données de notre enquête Sex in Canada, représentative à l’échelle nationale, pour établir qu’il existe un écart entre les sexes en matière d’orgasmes — 86 % des hommes cisgenres ont déclaré avoir eu un orgasme lors de leur dernier rapport hétérosexuel, contre 62 % des femmes cisgenres.

Qu’est-ce qui contribue à réduire l’écart dans notre échantillon ? Le sexe oral.

Le besoin des femmes d’avoir une stimulation du clitoris pour atteindre l’orgasme a été documenté par de nombreux chercheurs en sexualité, mais ce qui n’est pas clair, c’est pourquoi le fossé orgasmique persiste même si cette information est connue.

Pour mieux cerner la situation, nous avons mené des entretiens poussés avec des hommes et des femmes adultes des quatre coins du Canada dans le but d’examiner les croyances et les sentiments qui retiennent les couples de s’adonner aux types d’activités sexuelles qui permettraient aux femmes d’atteindre l’orgasme plus facilement.

L’essentialisme de genre

L’un des mythes dominants qui contribuent à maintenir le fossé orgasmique est qu’il existe des différences intrinsèques entre les hommes et les femmes quant à ce qu’ils cherchent dans les rapports sexuels. Les femmes désireraient par nature une connexion émotionnelle, et les hommes souhaiteraient une libération physique.

Ainsi, on considère que, pour une femme, se sentir émotionnellement lié à son partenaire et atteindre l’orgasme s’excluraient mutuellement, une vision qui est loin d’être nouvelle.

Cette perspective relève de ce que les spécialistes des sciences sociales appellent « l’essentialisme de genre », c’est-à-dire la croyance qu’il existe des différences naturelles, biologiques et physiques entre les hommes et les femmes.

Les croyances essentialistes ont servi à justifier diverses inégalités entre les hommes et les femmes, comme le fait de perpétuer la notion selon laquelle la place des femmes est au foyer et celle des hommes, au travail.

Si l’on prenait la vision essentialiste au pied de la lettre, on affirmerait que les femmes ne souhaitent pas atteindre l’orgasme, car elles accordent plus d’importance au lien émotionnel qu’au plaisir sexuel. Mais est-il vrai qu’elles ne veulent pas avoir d’orgasme quand elles ont un rapport sexuel avec un homme ?

Notre recherche semble montrer que les mythes sur l’orgasme au féminin ont moins à voir avec l’incapacité ou le manque de désir des femmes d’atteindre l’orgasme qu’avec la manière dont les normes de genre forment et limitent les attentes.

Le rôle de l’hétéronormativité

Le fossé orgasmique n’est pas seulement une question de sexe, mais aussi d’hétéronormativité. Nos participants ont défini une « relation sexuelle normale » comme étant une pénétration du vagin par le pénis, ce qui signifie que leur sexualité est centrée sur la stimulation du pénis plutôt que celle du clitoris.

Notre étude montre que la conception hétéronormative de la sexualité fait que les autres pratiques sexuelles qui privilégient la stimulation du clitoris — comme le sexe oral — sont considérées comme complémentaires à l’acte principal.

Cela signifie qu’elles sont perçues comme à part, nécessitant davantage d’efforts, de temps et représentant un défi, même si elles augmentent les chances qu’une femme atteigne l’orgasme.

Vision négative d’une sexualité qui serait satisfaisante pour les femmes

La croyance selon laquelle les rapports sexuels sont une question de « connexion émotionnelle » pour les femmes et la définition des « rapports sexuels » comme étant une pénétration du vagin par le pénis ont pour conséquence de limiter les pratiques sexuelles des femmes. Cela influence aussi leur perception des autres pratiques sexuelles.

À titre d’exemple, certaines des personnes interrogées ont décrit d’autres activités sexuelles, notamment le sexe oral, comme étant contre nature, mauvaises ou sales.

Voici ce qu’en a dit une de nos participantes, Kathy : « Je ne pratique pas le sexe oral. Ça peut être très agréable, mais ça ne me semble pas correct, je me sens sale. »

La réticence des femmes à avoir des pratiques sexuelles qui pourraient leur procurer davantage de plaisir physique montre la force du double standard en matière de sexualité qui fait qu’on juge plus sévèrement les femmes que les hommes et qu’on leur apprend à maîtriser leurs désirs et leurs comportements sexuels.

La sexualité à l’ordre du jour de la lutte pour l’égalité des sexes

Les croyances sur le corps des femmes, sur ce qu’elles attendent de la sexualité et même sur ce qu’est un rapport sexuel contribuent à justifier pourquoi les femmes n’atteignent pas l’orgasme lorsqu’elles ont un rapport sexuel avec un homme.

Les luttes pour l’égalité des sexes ont permis de combattre et de réfuter de nombreuses visions essentialistes. Pourtant, le fossé orgasmique qui perdure montre que les idées essentialistes influencent toujours le déroulement des rencontres sexuelles hétérosexuelles.

Le fossé orgasmique met en évidence la manière dont l’inégalité entre les sexes se manifeste même dans les moments les plus intimes et personnels des relations hétérosexuelles.

Comme pour les autres formes de disparités, il est important d’aller au-delà des explications individuelles pour comprendre que le fossé orgasmique constitue une forme d’inégalité entre les sexes.

La version originale de cet article provient du site La Conversation.

The Conversation

Si vous avez aimé cet article, pourquoi ne pas vous inscrire à notre infolettre santé ? Vous y lirez en primeur, tous les mardis, les explications toujours claires, détaillées et rigoureuses de notre équipe de journalistes et de professionnels de la santé. Il suffit d’entrer votre adresse courriel ci-dessous. 👇

Les commentaires sont fermés.

« Cette perspective relève de ce que les spécialistes des sciences sociales appellent « l’essentialisme de genre », c’est-à-dire la croyance qu’il existe des différences naturelles, biologiques et physiques entre les hommes et les femmes. »
Ce n’est pas une « croyance », c’est un fait scientifique: les femelles et les males, pas juste les femmes et les hommes, présentent bel et bien des différences naturelles, biologiques et physiques. On peut juste en observant le cerveau distinguer s’il s’agit d’un mâle ou d’une femelle. C’est bien documenté. Les gens des sciences sociales auraient intérêt à prendre des cours de biologie.
Les premiers organismes vivants sur Terre n’avaient qu’un seul sexe. Le sexe mâle est apparu quelques milliards d’années plus tard parce que deux sexes favorisaient la diversité des combinaisons génétiques et incidemment les chances de survie des meilleurs mutants de l’espèce..
C’est la notion de genre qui est une construction sociale, pas le sexe. Le genre est la liste des attributs qu’une cuture associe à un sexe. Le genre est donc subjectif et varie d’une culture et d’une époque à l’autre.
Il y a donc bel et bien deux et deux seuls sexes et cela n’a rien à voir avec l’essentialisme de Platon.