À peine 15 % des adultes canadiens pratiquent les 150 minutes par semaine d’activité physique modérée recommandées pour favoriser la bonne santé. Chez les jeunes, c’est pire: 7 % pratiquent les 60 minutes d’exercice suggérées.
Nous sommes donc très sédentaires. Ce qui n’a pas que des conséquences sur la santé: 2,4 milliards de dollars seraient annuellement dépensés pour les soins liés aux conséquences de l’inactivité physique, soit environ 3,7 % des coûts totaux en santé. De plus, la sédentarité ajouterait une facture de 4,3 milliards en perte de productivité (1).
Mais tout cela va changer, puisque les médecins vont bientôt vous prescrire des cubes d’énergie. Qui sait? Peut-être que ça pourra aider.
C’est beau, parler pour les autres, mais est-ce que, moi, je prescris de l’exercice à l’urgence? Vous pensez sûrement que non. Et pourtant. Pour beaucoup d’inquiets venant consulter pour des malaises sans gravité, c’est d’ailleurs la meilleure prescription possible. Je leur dis de marcher de 20 à 30 minutes, rapidement, plusieurs fois par semaine. Un excellent point de départ pour un sédentaire.
Il y a plein d’avantages. Non seulement c’est excellent pour la santé physique, mais c’est efficace aussi contre l’anxiété.
Généralement, le patient sera d’abord rassuré de voir son endurance s’améliorer au bout de quelques semaines et ses symptômes s’atténuer. Il constatera de plus que sa condition cardiovasculaire n’est pas si mauvaise. Une pierre, trois coups.
Les médecins prescriront dorénavant… des cubes d’énergie!
Les médécins de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) prescriront dorénavant des cubes d’énergie. Oui, les mêmes cubes que les élèves des écoles du Québec accumulent chaque année, vous en avez sûrement entendu parler. À la suite d’une entente avec le Grand défi Pierre Lavoie, ils ont reçu leurs tablettes permettant de prescrire des cubes de 15 minutes d’exercice.
Ce qui n’a pas manqué de réjouir l’athlète et mobilisateur: «Je suis fier de voir un groupe aussi influent que les médecins de famille prendre les devants pour amplifier le mouvement de prévention déjà bien amorcé dans nos écoles. C’est un engagement historique pour la promotion des saines habitudes et c’est extrêmement rassurant pour le Québec de demain.»
Tout cela a commencé au Lac-Saint-Jean, où un projet pilote similaire aurait été couronné de succès. Il s’agit maintenant de l’étendre au reste du Québec.
Je ne suis pas certain que les adultes vont embarquer. D’autant plus qu’on me dit que des parents en ont un peu soupé des cubes d’énergie à l’école. Mais bon, donnons la chance… au coureur.
Ces cubes d’énergie sont habituellement accumulés par les élèves du Québec, l’objectif étant d’en amasser le maximum. L’aspect compétitif dérange parfois certains patients. On m’a par exemple souligné que tous n’étaient pas égaux par rapport à l’exercice. Les élèves des quartiers défavorisés ont moins de chances de remporter la palme.
Plusieurs ont des réserves. Patrick Lagacé l’écrivait avant l’été: «Enfant, tu fais du sport, tu joues dans la ruelle parce que c’est l’fun. Pas pour gagner des cubes.» Plus récemment, Yves Boisvert exprimait ses réserves: il se dit «bien bien pour», mais qu’il «faut être rendu malade collectivement pour que le docteur nous prescrive de grouiller un minimum».
Une de mes connaissances a mentionné que si son médecin lui prescrivait des cubes d’énergie, elle aurait l’impression de se retrouver dans une émission de Passe-Partout. Quoi qu’il en soit, ce programme ayant permis à de nombreux élèves de renouer avec l’exercice, c’est déjà formidable.
Prescrire de l’exercice, ça fonctionne?
Au fait, la prescription d’exercice par le médecin favorise-t-elle vraiment l’exercice? Que dit la science? Alors qu’on sait que les conseils directs d’un médecin recommandant à son patient d’arrêter un comportement ont souvent du succès, il n’est pas certain que ce genre d’intervention (par un médecin ou un autre professionnel) fonctionne pour la prescription d’exercice.
Les patients ont peut-être tendance à faire un peu plus d’exercice après 12 mois quand on leur en a parlé, mais les études sont de pauvre qualité et ne parviennent pas à des conclusions solides.
Lorsqu’il s’agit précisément de s’attaquer au risque cardiovasculaire, les résultats sont aussi mitigés. On mentionne qu’il faudrait accorder plus d’attention aux barrières empêchant l’exercice.
Il serait pourtant intéressant que la prescription de cubes d’énergie augmente l’exercice réalisé, parce que… l’exercice, ça fonctionne.
L’exercice prolonge la vie
Je simplifie toujours la question ainsi: est-ce qu’on améliore avec l’exercice (ou tout autre traitement) la durée et/ou la qualité de vie? C’est un peu brutal, mais c’est la meilleure question à poser. Or, avec l’exercice, il est à peu près certain qu’on joue sur les deux aspects: de manière générale, la mortalité diminue (la vie s’allonge) et la qualité de vie augmente. Ce n’est pas rien, puisque, en comparaison, bien des traitements médicaux n’ont pas démontré d’effets similaires.
On prolonge donc la vie par l’exercice: entre 1,3 et 3,5 années. Et il s’agit d’années de vie en bonne santé. Ce n’est pas très surprenant, la mortalité humaine est largement cardiovasculaire et l’exercice agit sur les paramètres et facteurs de risque liés aux maladies cardiaques. On augmente en effet le bon cholestérol, diminue le mauvais et abaisse la tension artérielle tout comme la glycémie sanguine (diabète). Bref, on prévient ce qu’on appelle ce «syndrome métabolique» propice à causer les graves maladies de l’infarctus et de l’AVC et on diminue les infarctus (de 14 %).
L’exercice a fait depuis longtemps la preuve de ses effets bénéfiques sur les patients atteints d’une maladie cardiaque. On diminue aussi de 15 % à 25 % les réhospitalisations des cardiaques. Notons que cet effet bénéfique est constaté surtout pour les hommes, qui sont plus souvent étudiés que les femmes. Chez les patients souffrant d’insuffisance cardiaque, on observe aussi des gains concernant les admissions à l’hôpital et à la qualité de vie, sans toutefois influer nettement sur la mortalité.
L’exercice diminue également le risque des cancers les plus courants : de 20 % à 40 %, ce qui en fait un outil de prévention très efficace. Par ailleurs, il a des effets favorables sur la fatigue des cancéreux de même que sur les symptômes venant soit du cancer ou de la chimiothérapie.
D’autres maladies peuvent être soignées
Même si les études sur les répercussions de l’exercice sur beaucoup d’autres maladies sont souvent fragmentaires, de faible qualité ou de petite taille, il reste que l’exercice semble jouer un rôle favorable dans un grand nombre de problèmes de santé.
Pour les symptômes causés par l’arthrose (vieillissement accéléré des cartilages articulaires), l’exercice est très important: il permet de diminuer la douleur d’environ 25 %, améliore en même temps l’autonomie fonctionnelle et rehausse la qualité de vie. Pour les maux de dos du vieillissement et les maux de cou, souvent de même origine, les effets sont aussi très significatifs.
Les symptômes de fibromyalgie semblent également s’améliorer avec l’exercice, puisqu’on constate une diminution des douleurs et une amélioration du bien-être et de la forme physique.
Il aurait également des effets favorables sur la dépression, au moins supérieurs au placébo et probablement comparables à ceux des médicaments et de la psychothérapie pour les cas légers. Ils ne seraient toutefois pas supérieurs aux antidépresseurs. Mais si on peut éviter un médicament, tant mieux.
Si on parle beaucoup de l’exercice dans la prévention de la démence, ses répercussions sur les fonctions mentales des personnes âgées sont moins certaines que je ne l’avais pensé.
Toutefois, les personnes atteintes de démence semblent au moins plus fonctionnelles si elles en font.
Un remède universel
En permettant de diminuer la mortalité, d’allonger la vie, d’améliorer la qualité de vie, de diminuer l’incidence des grands tueurs que sont les maladies cardiovasculaires et les cancers, d’augmenter le niveau fonctionnel des gens atteints d’une variété de maladies, de soigner les douleurs, l’exercice apparaît comme un remède quasi universel, souvent bien supérieur à celui des médicaments.
Il n’y a aucun doute que les gens qui font plus d’exercice sont plus en santé, vivent plus longtemps et sont plus fonctionnels.
Reste à voir si la prescription médicale, telle que proposée par la FMOQ et le Grand défi Pierre Lavoie, saura améliorer l’adhésion à l’exercice et contribuer au mieux-être de la population. C’est ce que je souhaite.
Pour ma part, j’ai commencé une expérience de prescription massive d’exercice sur Facebook, dont je vous reparlerai. En attendant, allez marcher!
(1) Dans une version précédente du texte, j’avais inclus par erreur les deux sommes dans les dépenses. Merci à Sylvain Martel pour l’avoir remarqué.
Merci pour cet article et pour le lien vers l’article sur l’arthrose. Justement je rentre d’une marche avec mon chien et je souffre d’arthrose aux genoux. C’est très dur de marcher quand on souffre mais c’est très bénéfique aussi!