Quand le climat rend malade

Les soubresauts du mercure sont si fréquents que les responsables de la santé publique n’ont d’autre choix que d’en tenir compte. Pour sauver des vies… et épargner des sous.

(Photo : Getty Images)

Près de 30 millions de dollars : c’est la dépense qui pourrait être évitée par le système de santé québécois chaque fois qu’il y a une canicule. Pour cela, il suffirait d’avertir individuellement les personnes les plus susceptibles de souffrir d’un malaise grâce à un système téléphonique automatisé afin qu’elles s’hydratent et trouvent un endroit frais. Ce genre d’intervention ciblée diminue de moitié le recours à des services médicaux, ont découvert l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) et la Direction de santé publique de la Montérégie au cours d’une expérience récemment menée à Longueuil.

« Beaucoup de personnes vulnérables ne se sentent pas concernées lorsqu’on diffuse des messages de prévention à la population », dit le DPierre Gosselin, médecin-conseil au programme Climat et santé de l’INSPQ. Par contre, si leur propre téléphone sonne, le message leur semble beaucoup plus convaincant ! Dans les prochains mois, l’INSPQ prendra son bâton de pèlerin pour diffuser à la grandeur du Québec les résultats de cette étude — que L’actualité a obtenus en primeur —  et inciter les autorités locales à mettre en place de tels systèmes.

Les responsables de la santé publique n’ont plus le choix : ils doivent tenir compte de la météo en cette époque de changements climatiques. Ici comme ailleurs, ils sautent à pieds joints dans la biométéorologie, une science interdisciplinaire en plein essor qui étudie les effets de la météo sur la santé des humains et des autres êtres vivants. Le congrès 2017 de la Société internationale de biométéorologie, qui aura lieu en septembre à Durham, au Royaume-Uni, porte justement sur la gestion des risques liés aux changements climatiques. Des climatologues, météorologues, médecins, épidémiologistes et autres spécialistes discuteront de la façon dont les grandes organisations, notamment les systèmes de santé, doivent adapter leurs pratiques.

Des chercheurs de partout sur la planète tentent d’utiliser les prévisions de la météo afin d’adapter les ressources hospitalières en cas d’épisode de smog, par exemple, ou encore afin de planifier les interventions moins urgentes les jours où il fait beau. Au Royaume-Uni, le service de météo national fournit aux médecins de première ligne et à leurs patients les prévisions de conditions défavorables pouvant avoir un effet sur certaines maladies, comme la maladie pulmonaire obstructive chronique, pour prévenir les hospitalisations.

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Les liens entre les variations météorologiques et de nombreuses maladies sont de mieux en mieux démontrés. Le gris du ciel ne rend pas seulement certaines personnes moroses… Les chutes brutales de la pression barométrique font souffrir les gens atteints d’arthrite, la chaleur incommode ceux aux prises avec la sclérose en plaques dès que le mercure atteint 25 ℃, et le froid augmente les risques d’infarctus. « Pour ces maladies, les liens avec les variables météo sont bien documentés », dit le DPierre Gosselin. Pour d’autres, les preuves sont cependant moins solides. C’est notamment le cas de la migraine, qui pourrait, semble-t-il, être déclenchée par une forte variation de la pression barométrique, mais les études n’arrivent pas toutes à la même conclusion.

Les personnes atteintes d’une maladie chronique sont évidemment celles qui souffrent le plus quand le temps fait des siennes, car leur corps, déjà mal en point, s’adapte difficilement à ce stress physique supplémentaire. Mais elles ne sont pas les seules à craindre l’humidité ou une hausse du mercure.

« La chaleur a des effets sur beaucoup de monde dès l’âge de 40 ans et à des températures bien moindres que celles des grandes canicules. Elle en a même sur des gens qui ont une physiologie dans la moyenne », confirme le DGosselin. Les malaises et l’essoufflement sont alors au rendez-vous.

Le froid augmente pour sa part la viscosité du sang et la pression sanguine, ce qui explique en partie que les infarctus sont plus fréquents l’hiver. Il suffit qu’une importante chute de neige suive une vague de froid pour que des personnes sorties pelleter finissent à l’hôpital.

Les écarts de température, à la hausse ou à la baisse, sont en soi mauvais pour la santé. Une équipe internationale composée de chercheurs de 12 pays (dont l’Australie, le Brésil, le Japon, Taïwan et le Canada) a démontré une association entre la mortalité et les grandes variations de température dans une même journée ou d’une journée à l’autre. Ils ont compilé les décès non accidentels survenus pendant plus de 10 ans dans 372 villes du monde et les ont mis en relation avec les conditions météo (humidité relative, températures maximale et minimale) enregistrées le jour des décès. « Les résultats indiquent qu’une plus grande attention devrait être prêtée aux conditions météo instables, afin de protéger la santé humaine », conclut l’étude, publiée dans la revue scientifique Environmental Health Perspectives en octobre 2016.

L’équipe du DPierre Gosselin s’intéresse à plusieurs autres variables qui pourraient avoir un effet sur la santé de la population, dont les tempêtes hivernales et l’humidité. « Un automne plus humide qu’à l’habitude semble causer davantage de problèmes cardiovasculaires dans les mois suivants », dit le médecin.

La détresse psychologique engendrée par les événements météo extrêmes est également prise au sérieux. Il y a deux ans déjà, l’INSPQ a commencé à offrir des cours en ligne destinés aux médecins et infirmières pour les sensibiliser à la détresse vécue par des sinistrés après une inondation, soit bien avant celles de ce printemps. « Les inondations constituent les catastrophes les plus courantes au Québec, et leur récurrence augmente dans le contexte des changements climatiques », précise le DGosselin.

Tous ne sont pas égaux devant les soubresauts atmosphériques. Outre l’âge et l’état de santé, un tempérament nerveux semble rendre certaines personnes plus sensibles à l’état du ciel. Après avoir été météorologue pendant trois décennies à Environnement Canada, Gilles Brien s’intéresse aujourd’hui à ce champ d’études et a publié en 2015 le fruit de ses explorations dans un ouvrage, Les baromètres humains. Il rêve du jour où les bulletins météo offriront des indicateurs biométéorologiques pour mieux informer ces personnes sensibles. « Le facteur de refroidissement éolien et l’indice UV existent déjà. Je travaille à la création d’indicateurs pour les risques d’infarctus, les idées dépressives et plusieurs autres maladies », dit Gilles Brien. À quand un indice migraine sur MétéoMédia ?

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Vous me trouverez surment insensible, mais je me dis qu’il sA’git simplement de sélection naturelle. C’est ainsi que la nature « fait le ménage » dans ces espèces. Lors des changements de condition (météo, territoire, nourriture, etc) les plus fort ou les mieux adapter survive, créant parfois une nouvelle race ou un nouvelle branche biologique mieux adapter à la nouvelle condition. Un jour l’humanité tel qu’on la connait aurai fait son temps. La nature poursuit sont cours…

Réponse à Alain,

« Vous me trouverez sûrement insensible », dites-vous. Je dirais plutôt que vous êtes cynique. Et comme je le suis également, difficile pour moi de vous juger à cet égard.

Ce qui est vrai pour des espèces animales et végétales dans la nature n’est PLUS vrai chez l’humain dans nos sociétés modernes et développées. Il est vrai que certains facteurs, comme une canicule, tuent quelques personnes fragiles, même dans les sociétés riches, comme ici au Québec. Mais, pour la majorité des personnes fragiles, on réussit à les soigner, à coup de millions de dollars en soins de santé, en médicaments, etc. Des gens souffrant d’asthme (comme moi) ou d’autres maladies auront généralement eu le temps de procréer avant de trépasser (transmettant ainsi leurs gènes de génération en génération). Bref, pas besoin d’être le plus rapide ni le plus fort ni d’être en bonne santé ou très brillant pour survivre et procréer pour l’humain. À ce sujet, avez-vous des enfants ? C’est une farce !

Ainsi, la nature aura bien de la difficulté à suivre son cours et à « faire son ménage » (comme vous le dites), car nous continuerons à dépenser des millions, voire des milliards de dollars chaque année en soins de santé.

Bref, l’humain moderne continuera longtemps à fouler notre planète maganée. Et les compagnies pharmaceutiques continueront d’engranger des milliards en vendant leurs médicaments à fort prix pendant très très longtemps.

Oui, mais la sélection naturelle se fait après avoir passé à travers le filtre de l’intelligence humaine et de la médecine. Disons que c’est une étape de plus. Mais, vous avez raison, la nature fait son travail.

Malheureusement, il y a l’envers de la médaille aussi. Avec nos excellent programmes d’avortements et d’euthanasie humaine (on appelle ça de l’aide médical à mourir, comme si c’était plus beau), l’intelligence humaine et la médecine devance la nature pour tuer les gens. …

Félicitation au docteur Gosselin et à son équipe pour leurs très utiles travaux. Tout comme aux initiatives de Gilles Brien.

Dans un monde où à peu près toutes choses sont inter-reliées, il est bien de comprendre comment les climats et toutes sortes de variations ont une influence sur chacun d’entre nous. Ces aspects ne touchent pas seulement la santé, ce sont nos déplacements, notre nutrition, notre manière de travailler, etc. qui sont liés d’une manière ou d’une autre à la météo.

Je pense que c’est une bonne chose qu’il y ait des systèmes téléphoniques automatisés pour rappeler aux personnes plus vulnérables certaines consignes, telles que s’hydrater. Le mieux cependant serai un système personnalisé avec de vrais intervenants.

En 1998, j’étais au nombre des « chanceux » qui vivaient dans le triangle de glace suite à la tempête de verglas. À l’époque mon niveau d’irritabilité avait grimpé de façon fulgurante. Je n’étais pas un cas isolé, les querelles entre voisins étaient chose courante et même les cas de violence conjugale se sont multipliés, certains vieux couples sans histoire depuis des décennies pouvaient en cette période en arriver aux mains.

Cette tempête du siècle a été tellement marquante pour moi, qu’il y a un avant et un après 98. Comme si pendant 3 semaines j’étais sorti d’une manière ou d’une autre du caractère finalement parfaitement illusoire de n’importe qu’elle civilisation.

Sur un autre registre, je suis assez déçu de constater à la lecture d’un commentaire précédent, que la théorie de Darwin est toujours aussi mal comprise par bon nombre de nos concitoyens. Je n’entrerai pas trop le détail. Si ce n’est que je constate que dans ce domaine de l’évolution des espèces… comme dans tant d’autres domaines de la science… c’est encore la pédagogie qui manque le plus.

Aucune évolution ne peut se produire si elle n’est pas d’abord le fruit d’une certaine forme de collaboration de toutes les espèces. On ne peut donc pas survivre, si on n’aide pas les autres à survivre. L’extinction d’une espèce résulte plus d’une succession de facteurs qui inhibent ces formes de coopérations.

Ainsi par exemple, les abeilles collaborent de diverses façons avec nous. Leur extinction due aux méthodes culturales initiées par diverses multinationales… Pourraient tout aussi bien être précurseur de l’extinction de nombreuses plantes, puis ce faisant de diverses espèces animales incluant l’humain. — Ainsi, il est difficilement soutenable de parler du cours naturel des choses lorsque précisément ce cours naturel est inhibé, voire contrarié par diverses actions.

L’observation de la nature, incluant le climat nous aident à mieux vivre et par le fait même soutien globalement la plupart des formes d’évolutions qui requièrent une certaine durée pour pouvoir parvenir à maturité.

Ouffff… Merci M. Drouginsky, pour votre commentaire qui éclaire de manière juste la situation météorologique (n’en déplaise à M. Alain qui est tombé dans la facilité)…

Je ne pense pas qu’il y ait de l’aide entre les animaux de la nature comme vous dites. Dans la nature, chaque individu se bat constamment pour manger, se reproduire et ne pas se faire manger. Il n’y a pas grand chose de glorieux la dedans …

Comme il s’agit de santé publique, pourquoi ne pourrait-on pas utiliser le même système qui monopolise les ondes radios pour aviser les gens de risques de tornades ou d’orages violents. Il pourrait y avoir des messages de préventions en cas de canicules ou de toutes autres conditions pouvant être un risque pour la population…