Que faire quand les cheveux ou les poils tombent d’un coup ?

L’Alopecia areata est l’une des formes les plus virulentes et déroutantes de la perte de cheveux. Un groupe de spécialistes propose les premières lignes directrices pour guider patients et médecins.

Violeta Stoimenova / Getty Images

Pour certaines personnes, cela commence par une sensation inattendue sur leur tête, un contact avec une petite région de peau dénudée là où ils auraient dû sentir une épaisse couche de cheveux. Pour d’autres, c’est le choc de voir tout un sourcil disparaître en quelques semaines. Dans les cas extrêmes, c’est l’ensemble de la pilosité du corps qui vient à tomber.

Cette chute de cheveux ou de poils pour le moins surprenante, c’est une pelade par plaques, également connue sous le nom d’Alopecia areata. De 1 % à 2 % des hommes et des femmes en subiront au moins un épisode au cours de leur vie.

Le phénomène peut survenir n’importe où sur le corps : cuir chevelu, mais aussi cils, barbe, bref toutes les régions où on trouve des follicules pileux. Son évolution est difficile à prévoir. Les plus chanceux n’en vivront qu’un seul épisode et les cheveux perdus repousseront d’eux-mêmes dans les mois suivant l’apparition des premiers symptômes. D’autres connaîtront de multiples cycles de perte puis de repousse de cheveux au cours d’une vie. Finalement, certains verront disparaître l’ensemble de leurs cheveux ou même de leur pilosité corporelle en quelques mois seulement.

On est donc très loin d’une calvitie classique, qui survient après la perte progressive des cheveux. « C’est une maladie auto-immune, explique le Dr Jeff Donovan, dermatologue spécialiste de la perte des cheveux, établi à Whistler, en Colombie-Britannique. Chez les personnes atteintes, le système immunitaire confond la base du follicule pileux, l’endroit où le cheveu est fabriqué, avec un corps étranger. Il y engendre une inflammation et, une fois endommagé, le cheveu tombe. »

Qu’est-ce qui pousse nos globules blancs à s’en prendre à nos poils ? On ne le sait pas encore. « Soixante-dix pour cent de la maladie peut être expliquée par la génétique d’une personne, précise le Dr Donovan. Entre 12 et 16 gènes augmentent fortement le risque d’être atteint de l’Alopecia areata. Mais la génétique n’est pas la seule responsable, on pense que d’autres facteurs peuvent aussi être en cause, comme le stress, des virus ou des bactéries. »

Comment reprendre du poil de la bête ?

Il est important de préciser que cette chute n’est pas permanente. Donc, si l’inflammation s’en va, le cheveu peut repousser en quelques mois ! Or, l’efficacité des traitements varie beaucoup selon la gravité des cas : une lésion de quelques centimètres se soigne facilement, alors que pour les patients chez qui une plus grande partie du corps est touchée, c’est beaucoup plus difficile.

« Au début, les personnes atteintes pensent souvent que leur perte de cheveux est due au stress, souligne le Dr Donovan. Elles tentent donc en premier lieu de retrouver le calme. Beaucoup de patients se tournent ainsi vers des techniques comme l’acupuncture ou la méditation. Or, le stress joue un rôle, mais seulement chez une petite minorité d’entre eux ! »

Une fois que le patient entre dans le monde médical, il existe des traitements. Par exemple, pour les formes plus légères de pelade, on propose des crèmes ou des injections localisées de corticostéroïdes, des traitements sûrs dont l’efficacité est bien documentée. « On sait que les corticostéroïdes diminuent les effets de l’inflammation, explique Jeff Donovan. Après quelques semaines d’utilisation quotidienne, ils donnent au cheveu une chance de repousser, mais seulement pour des pelades touchant des zones restreintes du corps. Ces traitements ne sont pas recommandés pour les formes très étendues de la maladie, contre lesquelles ils ont peu d’efficacité. »

C’est pour ces pelades étendues que les cartes se brouillent rapidement. « Environ 25 médicaments sont utilisés pour traiter cette maladie, précise Jeff Donovan. Parmi ceux-ci, on trouve des corticostéroïdes par voie orale ainsi qu’une vaste gamme d’immunosuppresseurs, des molécules qui réduisent l’activité du système immunitaire. Ces derniers sont toutefois employés en dehors des conditions pour lesquelles ils ont été mis en marché, et les études à leur sujet n’offrent pas toutes des résultats convaincants. » Cette confusion fait qu’encore aujourd’hui, il n’y a aucun médicament approuvé officiellement pour les cas graves d’Alopecia areata.

Un consensus d’experts

C’est pour réussir à départager ces traitements et à guider médecins et patients vers les bonnes ressources qu’une cinquantaine de spécialistes de cette maladie provenant de partout dans le monde, dont le Dr Donovan, se sont regroupés à l’été 2020 pour rédiger le premier consensus d’experts sur l’Alopecia areata.

« Cette idée de consensus est importante, car elle offre l’occasion de distinguer clairement les traitements qui peuvent aider de ceux qui ne seront pas utiles, assure le Dr Donovan. L’absence de lignes directrices fait que, jusqu’à maintenant, l’expérience de traitement variait énormément d’un médecin à l’autre. Certains pouvaient carrément employer des médicaments inappropriés pour le stade, la sévérité ou même l’âge du patient. »

Si le groupe maintient que les crèmes et injections locales de corticostéroïdes restent l’option de première ligne, il a aussi souligné l’importance de reconnaître et de mieux comprendre le potentiel de certaines molécules immunosuppressives dans le traitement de la pelade.

« Ces molécules sont plus efficaces que les crèmes quand vient le temps de soigner une pelade grave, mais elles ne sont pas parfaites. Certaines sont actuellement utilisées parce qu’elles sont abordables, mais elles peuvent affaiblir le système immunitaire et rendre les patients plus vulnérables à des infections. Il existe une nouvelle classe de ces molécules, qu’on appelle des inhibiteurs de JAK, qui non seulement semblent efficaces contre la pelade, mais qui provoqueraient aussi moins de ces effets secondaires problématiques. Ce médicament coûte toutefois très cher, plus de 1 000 dollars par mois, il est donc moins accessible. »

Le chercheur espère que ce consensus d’experts soulèvera de l’intérêt pour la recherche sur certains immunosuppresseurs contre la pelade par plaques. De nouvelles études pourraient favoriser leur approbation officielle contre cette maladie par la Food and Drug Administration américaine ou par Santé Canada, une condition essentielle pour qu’ils puissent être remboursés par les assureurs ! Ce n’est qu’une question de temps, selon le Dr Donovan, qui croit qu’on devrait avoir un traitement d’ici la fin de la décennie, peut-être même avant.

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