Pour vivre longtemps, mieux vaut adhérer aux grands principes d’une alimentation santé et s’y tenir jour après jour plutôt que de tenter à tout prix d’adopter le curcuma, le chou ou le dernier aliment à la mode. Et pas besoin de se casser la tête pour choisir entre le régime méditerranéen, le végétalisme et le guide alimentaire. Ces types d’alimentation sont tous associés à un risque faible de mourir de façon prématurée, selon une équipe de chercheurs de l’Université Harvard.
Les résultats de cette étude d’envergure — près de 120 000 personnes suivies pendant 36 ans — ont été publiés dans le Journal of American Medical Association (JAMA) Internal Medicine en janvier dernier. « Un des aspects intéressants de l’étude, c’est que les chercheurs ont évalué des profils alimentaires et non pas des aliments isolés », dit Benoit Arsenault, professeur à l’Université Laval et chercheur associé à l’Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels de la même université, à qui L’actualité a demandé de commenter l’étude.
Quatre profils alimentaires étudiés
Tous les quatre ans, les participants ont rempli un questionnaire sur leurs habitudes alimentaires, ce qui a permis aux chercheurs d’estimer à quel point elles correspondaient à l’un ou l’autre de quatre types d’alimentation santé : le régime méditerranéen, le végétalisme, le Guide alimentaire américain et l’Indice alternatif d’alimentation saine. Cet indice a été créé par des chercheurs de l’école de santé publique de Harvard pour refléter la présence au menu des aliments les plus solidement associés à l’absence de maladies chroniques (avoir des légumes au menu donne des points, alors que des boissons gazeuses et de la viande rouge en enlèvent, par exemple).
Ces divers profils alimentaires se rejoignent sur le fond, souligne Benoit Arsenault : « Ils consistent tous à consommer beaucoup de fibres et de produits à grains entiers, des protéines végétales, comme des légumineuses, beaucoup de fruits et légumes, et à éviter les boissons sucrées. »
Les différences sont à la marge : le régime méditerranéen se distingue par la présence de plus de gras mono et polyinsaturés provenant de poissons, de noix et de l’huile d’olive, entre autres.
L’alimentation végétalienne évite pour sa part les produits d’origine animale, dont les fromages et autres produits laitiers — il est à noter que les chercheurs ont évalué une alimentation végétalienne « santé », c’est-à-dire équilibrée (manger des tonnes de riz et zéro légume, c’est végé, mais pas équilibré) et le plus exempte possible d’aliments ultratransformés (comme des saucisses à hot-dog végés).
Quant au Guide alimentaire américain, c’est un proche cousin du Guide alimentaire canadien. Ce dernier, revu de fond en comble en 2019, après des années de discussions d’experts, reflète d’ailleurs bien les consensus actuels en matière de nutrition, fait remarquer le chercheur de l’Université Laval. Ce nouveau guide insiste un peu plus que l’ancien sur l’importance des végétaux dans l’assiette et conçoit que l’on peut vivre sans consommer de produits laitiers, entre autres choses. Il a cependant un angle mort : « Ses recommandations sont basées sur les préférences alimentaires des populations occidentales, note Benoit Arsenault. On dit à tout le monde comment manger, y compris à des populations immigrantes, sans tenir compte de la culture, des préférences et des habitudes. »
C’était d’ailleurs là un des buts principaux de l’étude des chercheurs de Harvard : démontrer que l’on peut vivre vieux et en santé avec différentes approches alimentaires. Un peu plus de noix, un peu moins de fromages, ce n’est pas ça qui changera vraiment les choses au bout du compte. Le plus important, c’est de bien choisir les aliments de base, ceux qui reviennent dans l’assiette à tous les repas, c’est-à-dire les fruits, les légumes, les grains, etc. « De nombreux modèles d’alimentation saine peuvent être adaptés aux traditions et aux préférences alimentaires de chacun », écrivent les chercheurs.
Les résultats sont sans équivoque : plus on adhère rigoureusement à l’un des quatre profils alimentaires étudiés (peu importe lequel), mieux on se porte. Au bout des 36 ans de suivi, les participants respectant le plus les principes de l’un ou l’autre des modèles avaient grosso modo un risque 20 % plus faible que les autres d’être décédés en cours de route d’une maladie chronique cardiovasculaire ou respiratoire, ou encore d’un cancer. Le régime méditerranéen et l’Indice alternatif d’alimentation saine étaient aussi associés à un risque plus faible de mourir d’une maladie neurodégénérative, comme l’alzheimer ou la maladie de Parkinson. Et ces résultats s’appliquaient à différents groupes ethniques.
Les bémols
Les études de ce genre n’établissent pas de liens de cause à effet entre l’alimentation et la santé. Il s’agit d’études d’association : les chercheurs observent la présence ou l’absence de maladies chroniques et de décès, puis ils notent si certains sous-groupes de participants en comptent davantage, en fonction de variables telles que l’alimentation. Mais il est impossible de savoir si c’est bel et bien le contenu de l’assiette qui a maintenu les gens en bonne santé. « C’est ce qu’on appelle un “biais de confusion” en recherche. Les personnes qui ont un score élevé d’alimentation saine diffèrent des gens qui ont un score plus faible par leur adhésion à une alimentation de qualité, bien sûr, mais pas seulement par cela », précise Benoit Arsenault.
Les chercheurs font des ajustements statistiques pour tenir compte, entre autres, de la consommation d’alcool, du tabagisme ou de l’activité physique. Néanmoins, cela peut occulter une partie de la réalité : la longévité s’explique notamment par le choix d’aliments que l’on met sur sa table au quotidien, mais également par une foule de facteurs socioéconomiques, comme les liens sociaux et les revenus… qui ont par la bande une influence sur l’alimentation, mentionne le chercheur.
« Chacun a un rôle individuel à jouer pour prévenir l’apparition de maladies chroniques et c’est important de dire aux gens d’adhérer aux recommandations nutritionnelles. Mais il faut aussi que, collectivement, on se donne les moyens d’améliorer l’accès à une alimentation de qualité, en diminuant le prix des fruits et des légumes et en s’attaquant aux déserts alimentaires. Il ne faut pas juste sermonner les gens sur leur alimentation », conclut-il.
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« Biais de confusion », je prends note.
Pour les décès dû à une maladie cardiovasculaire au Canada, au lieu de 183 décès / 100 000 h, une diminution de 20% serait de 146 décès / 100 000 h. On s’attendrait à beaucoup plus de réduction.
Pas très convainquant. Beaucoup de facteurs confondants en effet.
Toute nouvelle information sur la santé m’intéresse…je consomme « Local et Bio »
Merci!!