Comment passer à travers un événement difficile — comme une séparation, une faillite ou une agression — sans en garder trop de séquelles ? Vaut-il mieux miser sur la gestion de ses émotions ou être tourné vers l’action ? Les psychologues et chercheurs en psychologie s’intéressent depuis longtemps aux stratégies d’adaptation au stress (aussi appelée coping). Ils ont découvert que certaines sont meilleures que d’autres… et surtout, que les gens qui s’en sortent le mieux savent naviguer d’une stratégie à l’autre.
La clé consiste donc à être capable de choisir la bonne façon de réagir, en fonction de la nature de l’épreuve à surmonter ou du stress à gérer, « mais aussi à apprendre à modifier son approche au fur et à mesure que la situation évolue », dit Maryse Arcand, doctorante et assistante de recherche au Centre de recherche de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal (CR-IUSMM), au laboratoire de Marie-France Marin, spécialiste des mémoires traumatiques. Ce que démontrent de nombreuses recherches faites au Québec et ailleurs.
Les psychologues classent les stratégies d’adaptation en trois grandes catégories : celles axées sur le problème (ou l’événement), celles axées sur les émotions, et les stratégies d’évitement.
S’attaquer à la situation
La première catégorie englobe tout ce qu’on peut faire pour agir sur la difficulté. « La personne va être active, elle va chercher des solutions pour résoudre le problème ou vivre avec la situation », illustre Maryse Arcand. Cela passe aussi bien par des gestes concrets que par l’analyse des faits et la planification de la suite des choses. Même lorsqu’on n’a aucune prise sur les événements, on peut s’efforcer de comprendre ce qui nous arrive ou faire un travail intellectuel pour tenter de voir les choses de façon moins dramatique.
Ces stratégies se révèlent souvent de bonnes manières de réagir, mais il faut être capable d’en doser l’intensité. Écumer le Web pour se renseigner sur une maladie incurable après le diagnostic d’un proche, c’est bien ; le faire jusqu’au petit matin et rogner sur ses heures de sommeil, ça l’est moins.
Se concentrer sur les émotions
Plutôt que de s’attaquer aux retombées de l’épreuve, on peut chercher à gérer les émotions qui en résultent. « La personne tente alors de réduire sa détresse de différentes façons », explique Maryse Arcand. Elle peut par exemple utiliser l’humour et l’autodérision, obtenir du soutien émotionnel de proches ou d’un professionnel, ou faire le travail intérieur nécessaire pour accepter le drame qui l’afflige.
Se plaindre, se blâmer ou rejeter la faute sur les autres sont également des réactions centrées sur les émotions, moins efficaces toutefois. « Ces stratégies sont associées à davantage de symptômes d’anxiété et de dépression », note Maryse Arcand.
Éviter de penser
L’évitement consiste pour sa part à détourner son attention de la source de stress. Cela passe aussi bien par le déni ou la minimisation du problème que par toutes les formes de distraction possibles, positives ou non (aller magasiner, regarder une série, etc.), ainsi que par l’abus de substances diverses, illustre la chercheuse.
Passer d’une méthode à une autre
Aucune stratégie n’est en soi bonne ou mauvaise, tient à souligner Maryse Arcand.
De façon générale, celles qui s’attaquent à la difficulté semblent les plus efficaces pour retrouver rapidement un état de bien-être psychologique. « Elles sont associées à une meilleure santé mentale », note-t-elle.
Même l’évitement, qui paraît à première vue peu efficace, peut s’avérer salutaire dans certaines circonstances. Face à un événement que l’on ne maîtrise pas — comme le décès d’un proche ou l’annonce d’une maladie —, s’acharner à tenter de trouver des solutions devient frustrant et épuisant. Dans ce cas, être en déni pendant quelques jours ou fuir sa souffrance en s’enfilant la saison entière d’une série peut être une manière adéquate de réagir à court terme. Cela permet de ne pas être submergé par la détresse, le temps de faire le travail psychique requis pour progressivement évaluer la situation de façon plus réaliste et de mettre en place des stratégies d’affrontement.
L’important, encore une fois, est d’être capable de passer à une autre stratégie si nécessaire, dit la chercheuse. Un exemple : au cours d’une séparation houleuse, il peut être bénéfique de trouver du réconfort auprès de ses proches, mais cette démarche a ses limites. À un certain moment, il pourra être plus salutaire encore de prendre le taureau par les cornes et de recourir à un médiateur ou une médiatrice pour améliorer son sort.
« Ceux qui s’en tirent moins bien sur le plan psychologique sont ceux qui s’en tiennent à un seul style de coping, qui sont rigides dans leur type de stratégie. Ils ont plus de mal à s’adapter », dit Maryse Arcand. Ce serait le cas d’une personne qui veut toujours tout contrôler par exemple, ou d’une autre qui est continuellement dans l’évitement.
Les professionnels de la santé mentale disposent de questionnaires pour déterminer le style adaptatif susceptible d’être adopté le plus spontanément par une personne. « Ils peuvent ensuite l’aider à élargir son coffre à outils », souligne Maryse Arcand.
Car il faut tôt ou tard être capable de braver la tempête. Et accepter de chevaucher la vague, aussi forte et imprévisible soit-elle.
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