Science : le Canada sort de la noirceur

Le dernier budget fédéral annonce un réinvestissement considérable en recherche scientifique. Même s’il ne retrouvera pas sa place de leader, le Canada ne sera plus un cancre, explique Valérie Borde.

Photo: La Presse canadienne/Sean Kilpatrick

Le gouvernement fédéral n’y va pas de main morte pour faire mousser ses investissements en recherche, un gros morceau du budget annoncé hier : « Le Canada est un phare pour les chercheurs du monde entier », indiquent les documents présentés par le ministre Bill Morneau.

En réalité, même si le réinvestissement annoncé est considérable et applaudi par les acteurs du milieu, il ne fera pas du Canada un phare, mais une lumière qui va recommencer à briller parmi les autres. C’est déjà un énorme progrès, et un signe clair que le gouvernement croit aux vertus de la science.

En juin 2016, la ministre des Sciences, Kirsty Duncan, avait mandaté un groupe d’experts, présidé par David Naylor, ancien recteur de l’Université de Toronto, pour réexaminer le soutien fédéral à la recherche fondamentale, soit celle qui ne vise pas d’application immédiate.

Le rapport Naylor, rendu public en avril 2017, a mis en évidence ce que beaucoup soupçonnaient déjà : de coupes en non-renouvellements de programmes, le Canada avait accumulé au fil des dernières années un retard phénoménal dans son soutien à la recherche fondamentale, comparativement à des pays de taille et d’économie semblables. Il ne figure plus parmi les 30 pays du monde qui consacrent la plus grande part de leur produit intérieur brut à la science.

En quelques années, l’argent investi en recherche fondamentale a fondu au profit de programmes ciblés, dont on sait pourtant qu’ils sont moins porteurs d’innovations majeures. Ramenées au nombre d’habitants du Canada, les sommes allouées à la recherche fondamentale ont baissé de pas moins de 35 % depuis 2000 (en dollars constants).

Le rapport Naylor estimait qu’il serait nécessaire de réinvestir 1,3 milliard de dollars par an pour combler l’écart avec des pays comme l’Australie ou la Suisse.

Le budget Morneau prévoit un réinvestissement 3,8 milliards de dollars dans divers programmes d’encouragement de la science au cours des cinq prochaines années, ce qui représente donc un peu plus de la moitié de ce qu’envisageait le rapport Naylor. Ce réinvestissement est historique, puisqu’il permettra notamment d’accroître de 25 % les subventions allouées à la recherche fondamentale.

Le gouvernement crée également des programmes qui vont dans le sens des recommandations du rapport Naylor. Il accorde :

De plus, 210 millions de dollars sur cinq ans iront au Programme des chaires de recherche du Canada, principalement pour soutenir des chercheurs en début de carrière. Parce que le Canada n’a pas non plus de quoi pavoiser avec sa relève scientifique : il a glissé au 22e rang sur 35 parmi les pays de l’OCDE pour ce qui est du nombre de doctorats décernés par habitant.

Ottawa accorde aussi 231 millions de dollars sur cinq ans au Fonds de soutien à la recherche, qui permet aux universités de payer les frais indirects liés à la recherche qu’elles doivent soutenir et qui pèsent lourd dans leurs finances. Le rapport Naylor recommandait d’en ajouter plus du double… par année. On est donc très loin du compte.

En revanche, le gouvernement Trudeau suit la recommandation d’assurer des fonds plus pérennes à la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI), qui finance d’importantes infrastructures de recherche comme le brise-glace Amundsen. Au cours des années passées, de nombreux grands laboratoires et équipements avaient souffert du manque de continuité dans leurs programmes de financement.

Le budget de 763 millions sur cinq ans accordés à la FCI comprend 160 millions destinés à mieux soutenir les installations de recherche majeures. Un financement permanent de 462 millions de dollars par an doit en outre être établi pour la FCI à compter de 2023.

Finalement, le gouvernement entend « réinventer » le Conseil national de recherches du Canada en y réinvestissant 540 millions de dollars sur cinq ans. Ce labo fédéral, en manque de direction claire depuis que le gouvernement Harper l’avait mis au service des besoins à court terme de l’industrie, doit redevenir un véritable centre de recherche où les scientifiques pourront devancer les besoins de l’industrie, par des recherches de pointe audacieuses, plutôt que de simplement y répondre.

Bref, ce réinvestissement est un premier gros effort pour sortir le Canada de la noirceur en matière de science. Mais il en faudra d’autres pour en faire un véritable pays phare.

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