L’auteur est urgentologue, ex-chef du département de médecine d’urgence de l’Institut de cardiologie de Montréal. Professeur titulaire à l’Université de Montréal, il enseigne, participe à des recherches en médecine d’urgence et intervient fréquemment sur les enjeux de santé.
Tout le monde peut espérer que la première ligne de l’avenir ressemblera à une version améliorée de l’actuelle. Dans le contexte d’un manque relatif de médecins de famille, celle dont nous disposons en ce moment n’offre pas aux personnes qui souhaitent obtenir des soins et des services de santé un accès suffisamment rapide, coordonné et complet, en particulier dans les grands centres. Il est donc temps de la revamper. Mais à quoi devrait-elle et pourrait-elle ressembler dans 10 ou 15 ans ? Le sait-on seulement ?
Un tel exercice de projection n’a été réalisé que deux fois à ma connaissance. La première tentative a eu lieu au début des années 1970, avec la planification d’une première ligne intégrée dans les CLSC, une idée originale, intéressante et porteuse en soi, mais qui n’est jamais advenue, notamment en raison de la résistance de la profession médicale, et qui n’adviendra sans doute jamais.
La pratique de la médecine a aussi bien changé à cette époque. À partir de la mise en place de l’assurance maladie en 1970, on a fait du médecin de famille la pierre angulaire de tout un système, non seulement pour une foule de responsabilités importantes, mais également pour une panoplie d’interventions sans pertinence réelle ou qui seraient mieux accomplies par d’autres professionnels. Par exemple, un psychologue est mieux placé qu’un médecin pour traiter les personnes en épuisement professionnel ; une physiothérapeute, pour soigner les maux de dos courants ; une infirmière praticienne, pour assurer le suivi des enfants en bonne santé.
La seconde tentative de planification à long terme de la première ligne remonte au début des années 2000 avec la commission Clair, du nom de l’ancien ministre péquiste de la Santé qui l’a présidée, qui établissait les groupes de médecine de famille (GMF) au cœur d’une nouvelle approche. Nos gouvernements ont toutefois laissé un peu trop de latitude aux GMF, tout en ne leur fournissant pas les ressources professionnelles requises pour bien exécuter cette mission, ce qui a abouti à un système un peu bancal, aux résultats variables selon les régions.
En dehors des établissements de santé et des GMF, l’assurance publique cesse de jouer son rôle, abandonnant les patients aux aléas d’une offre disparate de services dont l’accessibilité dépend largement de leurs moyens.
Les questions à se poser pour planifier la suite sont simples, sans doute davantage que les réponses : qui doit faire quoi en première ligne ? Comment bien coordonner les soins ? Par quels mécanismes l’accès sera-t-il facilité ? Il faut y répondre maintenant, parce qu’on peut aussi changer bien des choses sans pour autant les améliorer.
Nous devons mettre en place une première ligne coordonnée, interdisciplinaire, accessible et, surtout, pertinente. Un bon exemple d’amélioration de la pertinence et de vraie coordination, c’est le fameux guichet d’accès de Rimouski, que le ministre Dubé essaie d’étendre à l’ensemble du Québec. Le bilan de la région est éclairant : un appel sur six pour obtenir un rendez-vous avec un médecin trouve sa réponse dans une simple conversation téléphonique avec une infirmière, et la moitié des appelants seulement sont orientés vers un médecin.
Il est clair que le médecin de famille devrait se concentrer sur la médecine familiale, c’est-à-dire soigner les gens de tous âges et états quand ils sont malades, ce qui paraît une évidence mais n’est pas toujours la réalité. Toutefois, bonifier la pertinence des actes médicaux suppose bien entendu que d’autres professionnels prennent en charge tous ces problèmes pour lesquels ils sont mieux placés que le médecin.
Toutes ces interventions doivent demeurer, ne l’oublions pas, couvertes par l’assurance publique si on veut avoir un système fonctionnel. C’est un enjeu crucial, parce qu’en dehors des établissements de santé et des GMF, pour les professionnels autres que les médecins, l’assurance publique cesse de jouer son rôle, sauf exception, abandonnant les patients aux aléas d’une offre disparate de services dont l’accessibilité dépend largement de leurs moyens.
D’autre part, multiplier les points d’entrée ne mènera pas nécessairement à une meilleure organisation des soins ni à une qualité optimale. Si on avance de manière non coordonnée, par exemple en créant de nouveaux points de service non liés à ceux des autres professionnels, on risque plutôt de compliquer les choses, notamment parce que bien que le patient connaisse ses besoins, il ignore la plupart du temps comment s’orienter dans le système.
Enfin, pour toutes les situations cliniques complexes, même si souvent il n’est pas le mieux placé pour pratiquer une intervention particulière, le médecin doit demeurer impliqué pour assurer, avec les autres professionnels, la continuité des soins et des services. Parce que cette continuité est un déterminant majeur de la santé pour les grands malades, en particulier les personnes âgées fragiles.
Voilà une petite partie de ce à quoi nous devons nous atteler pour les 10 ou 15 prochaines années. En y réfléchissant collectivement de notre mieux dès aujourd’hui.
Cette chronique a été publiée dans le numéro de janvier-février 2023 de L’actualité.
Je pense qu’on devrait former davantage de médecins et éliminer le contingentement dans les universités. Il faut tenir compte que bien des gens, incluant les médecins, veulent travailler à temps partiel. Avec un gros salaire comme celui des médecins, c’est très tentant pour certains d’entre eux. Avec davantage de médecins, il y en aura aussi davantage du côté du privé et on pourra aussi diminuer les temps d’attente.
Il faudrait aussi éliminer ou transférer les examens médicaux et formulaires demandés par des employeurs à des personnes qui ne sont pas payées par notre service public médical.
Finalement, avec le projet de Trudeau d’accueillir un nombre faramineux d’immigrants, il faudra aussi bien plus de médecins et d’hôpitaux pour donner des services à une population qui augmente en nombre, sans oublier qu’elle augmente aussi avec l’allongement de l’espérance de vie et que le pourcentage de personnes âgées et demandant davantage de soins augmente sans cesse.
Alors, je demeure très sceptique face aux supposées améliorations que le gouvernement voudrait faire et je pense que ça ne s’améliorera pas du tout, du moins pas assez vite pour faire face à l’augmentation de la population demandant des soins.
Le projet pilote a eu lieu à Rivière-du-Louo et non à Rimouski. Vous devriez échanger avec le docteur Éric Paradis, qui y fut impliqué fortement, pour voir comment la région en a fait un succès.
Incroyable de voir que la fameuse cellule de crise du ministre Dubé n’ait pas pensé au nombre d’infirmières qu’il faudrait pour répondre au téléphone de ce nouveau service qui allait sùrement être populaire. Tout est dans l’exécution, dans l’organisation. Mais la cellule de crise ne veut peut-être pas être efficace!
Madame Laberge: Rimouski, Rivière du Loup même combat. À mon humble avis, la bonne volonté du ministre Dubé ne fait pas de doute mais il se bute à un “cartel médical” qui a trop à perdre” (selon eux!) pour céder la moindre parcelle de terrain gagnée de longue date (et dont le Docteur Barrette a été le fer de lance durant de nombreuses années jusqu’à ce “qu’il foute lui-même le bordel” dans un système qui n’avait vraiment pas besoin de ça!) . Ces médecins maintiendraient “de facto” leurs nombreux avantages corporatistes pour autant qu’ils consentaient de bonne grâce à “lâcher du lest”! Pourquoi est-ce si difficile de faire preuve de bon sens? C’est pourtant si évident!
Voilà une opinion sensée et réaliste.
Le système ne pourra pas changer tant que les médecins eux-mêmes ne changeront pas de paradigme! Tant qu’ils ne céderont pas leurs pouvoirs omnipotents à d’autres intervenants mieux préparés aux interventions “plus sotf” propres au 21 ieme siècle!
Qu’ils acceptent de conserver les opérations “plus hard” pour lesquelles ils ont été formées, ils ne s’en porteront que mieux (et pourront aller jouer au golf, au squash, au tennis ou à “je ne sais quoi qui sied aux millionnaires”!).
Tout le monde conviendra que “les Patch Adams” ne courent pas les rues dans leur clan très fermé qui n’a rien à envier aux ateliers syndicaux fermés de la construction (on me permettra ce commentaire sur un système de relations de travail complètement dépassé depuis des de décennies au Québec!!!)
Il serait si facile d’écouter les judicieux conseils du “Bon Docteur Vadeboncoeur” (un nom prédestiné pour faire la promotion d’une démarche empreinte de bonne foi et volontaire, non?)
Que Dieu vous bénisse et vous donne bon vent (Godwind) en 2023 Cher Bon Docteur!
Souhaitons-nous de décrocher “des faux pouvoirs” des uns et des autres (les Poutine, Trump et Bolsonaro de ce monde!) et de promouvoir la nouvelle énergie au détriment des vieilles énergies complètement inadaptées aux nouveaux défis auxquels nous humains sommes confrontés en ce 21ieme siècle! (Parole d’Avatar de la planète Pandora, et si c’était vrai?)
Vraiment, merci beaucoup à vous de vous être donné la peine de partager avec nous votre expérience professionnelle de façon si positive!!!!! Bonne nouvelle Année à tous les gens positifs!!!!
Des voeux pieux, trop de gestionnaires pas assez d’indiens!