À ses amis se plaignant de ne jamais trouver l’inspiration, mon écrivain de père répondait qu’un écrivain, ça écrit. Dans cette optique, un médecin, ça soigne. C’est d’ailleurs ce que je fais de mon mieux depuis plus de 27 ans. Mais que fait diable un médecin dans un magazine ?
Quand L’actualité m’a proposé de participer à son renouvellement, je n’ai pourtant pas hésité une seconde. Peut-être parce que les métiers de journaliste et de médecin ont des points en commun : il faut être à l’écoute, recueillir l’information, émettre des hypothèses, dégager des constats. Je suis donc en terrain familier.
J’ai bien sûr beaucoup travaillé dans ma vie avec ces gens que j’admire et qui portent à bout de bras notre système de santé : médecins, infirmières, préposés, « paramédics », pharmaciens, technologues, commis, gestionnaires et j’en oublie, qui m’ont appris qu’on ne soigne bien qu’en équipe. J’ai également exploré mon métier en dirigeant deux services des urgences — où j’ai appris, durant 23 ans… à diriger deux services des urgences.
J’ai beaucoup enseigné, à l’hôpital ou à l’université, parce que j’adore l’acte passionnant de la passation du métier. Mes collaborations avec des chercheurs m’ont aussi permis de trouver des réponses aux défis que pose le système de santé. J’ai même lorgné du côté de l’informatique médicale, imaginez, appréciant la complexité de cet immense défi de l’informatisation des soins.
Et j’ai navigué avec des avocats lors de poursuites médicolégales, souvent du côté des patients, affrontant alors avec eux ma propre machine médicale, et parfois du côté des médecins.
Les syndicats, fréquentés lors d’actions portant sur des enjeux dans le domaine de la santé, me sont également familiers. Le militant que je suis a même cofondé Médecins québécois pour le régime public, regroupement qui se voue à la défense de notre système de santé: entouré de militants bien plus aguerris que moi, j’y ai approfondi les enjeux politiques et sociaux tout en prenant publiquement la parole. Et tant qu’à militer, j’ai fait un détour dans le syndicalisme médical, comme président de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec, au moment où ma spécialité était reconnue. J’y ai appris à négocier comme mon père, permanent à la CSN de 1950 à 1975.
Mais si je n’ai pas la prétention d’exercer d’autre métier que la médecine, j’ai parfois tendance à l’aborder de biais, par des chemins moins traditionnels, d’ailleurs chaque fois marqué par ces expériences. En 2008, par exemple, j’ai écrit une pièce de théâtre, dont l’action se déroulait… aux urgences, ce qui m’a permis de revisiter mon univers professionnel à travers les yeux attentifs du dramaturge Alexis Martin. Comme certains politiciens sont aussi de sacrés comédiens, cette formation sur le tas m’a été fort utile pour mieux apprécier leur jeu.
Moi qui craignais comme la peste les examens oraux du secondaire, j’ai vaincu ma phobie en apprivoisant peu à peu les médias, où j’ai appris à mieux communiquer, ce qui m’est tout aussi utile pour expliquer plus clairement les choses à mes patients. Et quant à mon blogue à L’actualité, il m’a permis d’apprendre à mieux informer. Ce qui nous ramène aux mots et à l’écriture.
J’ai publié deux livres pleins de ces mots chez Lux Éditeur, où l’on m’a formé à la dure au métier d’auteur. Le premier décrivait les enjeux du système de santé ; le deuxième racontait l’expérience intime et souvent douloureuse d’un médecin face à la mort ; le troisième, qui sortira bientôt, brassera la cage côté médical. Il est vrai que j’aime écrire, et davantage encore lorsque je sais que les mots aboutiront sur du vrai papier, avec l’odeur de l’encre pis toute. Je dois alors bien prendre mon temps pour peser le poids de chacun d’eux.
C’est justement le goût de ces mots qui m’a inspiré lorsque j’ai accepté d’embarquer dans ce pari à contre-courant de L’actualité : celui de se renouveler en misant sur l’imprimé, de favoriser l’analyse et la réflexion, d’approfondir les idées et de débattre des enjeux. Je tâcherai moi aussi de nager à contre-courant. Parce qu’il faut qu’on se parle et qu’on en parle mieux, comme chacun sait.
Voilà, vous connaissez maintenant un peu mieux celui qui vous écrira chaque mois. Un médecin d’urgences quelque peu dispersé, qui ouvrira un nouveau chapitre de sa vie, avant tout pour apprendre. Parce que pour moi, c’est aussi de la médecine. Et parce que l’essentiel pour un médecin, c’est de bien soigner — les maux comme les mots.
Cette chronique a été publiée dans le numéro d’octobre 2017 de L’actualité.
Mille mercis, cher docteur Vadeboncoeur,
J’aimerais bien vous rencontrer juste pour le plaisir de vous serrer la main de « bon cœur ». Je dis plaisir mais ce serait aussi pour vous manifester ma joie et vous exprimer le contentement que je ressens à vous lire. Vos blogues et les réactions de vos lecteurs aident à réfléchir sur la réalité des faits et à faire la part des choses dans le milieu des soins de santé. Ayant été infirmière, il me semble que j’aurais été heureuse de faire partie de votre équipe. Salutations chaleureuses.
Mais qui a dit qu’on devait n’avoir qu’une seule profession? Ceux qui sont encore coincés dans leur petit carré limité par leurs 4 coins j’imagine. On peut à la fois être médecin, écrivain, journaliste et même plus. De plus c’est le signe d’une grande intelligence, dont la vie vous à bien doté. Toutes mes félicitations.
Je vous félicite. J’aime votre intro et je suis certain que votre chronique sera ultra intéressante.