Système immunitaire : mythes et réalités

Dans son essai L’immunité mystérieuse, en librairie à compter du 19 octobre, la microbiologiste et vulgarisatrice scientifique Audrey-Anne Leblanc déconstruit les mythes sur le système immunitaire. Un ouvrage éclairant, notamment lorsqu’elle y aborde le sujet de l’immunosuppression. Extrait.

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En médecine, les personnes immunosupprimées sont dans une classe à part. Elles sont affectées par deux types de déficits immunitaires : celui hérité de leurs parents et celui acquis de facteurs extérieurs. Que se passe-t-il dans leur organisme ? […]

Des gènes empoisonnés

Certaines personnes héritent d’une déficience immunitaire sans que des troubles de système immunitaire préexistent dans la famille. De fait, les gènes qui provoquent un déficit immunitaire sont souvent récessifs. Comme la moitié de l’ADN est hérité de la mère et l’autre moitié du père, même si l’une des moitiés contient un gène déficient, celle qui ne le porte pas supplée à ce gène trouble. Même si les parents portent un gène malade, leurs enfants peuvent être en bonne santé tout en conservant le gène fautif. Ils peuvent par contre transmettre à leur tour ce gène malsain à leurs enfants. Si un enfant reçoit deux copies malades de ses parents (pour cela, il faudrait que les deux soient porteurs du même gène défectueux), il ne disposera plus de gène pour corriger le problème et il subira une maladie génétique.

Les déficits immunitaires sont nombreux et très variés. Il en existe autant que de cellules immunitaires ! Pour qu’un patient soit considéré comme ayant un déficit immunitaire, il faut qu’il soit porteur d’une défaillance dans le fonctionnement d’un ou plusieurs types de cellules immunitaires, ou d’un défaut dans le nombre de ces cellules. Par exemple, la maladie de Bruton ou agammaglobulémie liée au sexe est due à un gène situé sur le chromosome X. Lorsque ce gène est déficient, il provoque une anomalie dans la production d’anticorps. Comme le gène est situé sur le chromosome X et que les hommes n’en possèdent qu’un, ils sont plus sujets à en être affectés que les femmes. S’ils héritent d’une copie de gène malade, ils développeront forcément la maladie alors que si une femme reçoit une copie du gène malade, elle peut espérer obtenir de son autre parent une copie saine du même gène, et ne pas développer la maladie.

Certains déficits immunitaires touchent les lymphocytes T régulateurs (Treg) dans leur fonction ou dans leur développement, ou encore dans les deux. Comme la fonction des cellules Treg est de contrôler les lymphocytes autoréactifs, la conséquence d’un déficit immunitaire en Treg est une maladie auto-immune, qui peut exiger la prise d’immunosuppresseurs. Les cellules auto-réactives n’ont plus de policiers pour les arrêter et elles peuvent attaquer les cellules du corps. Un déficit dans les cellules du système inné, soit les cellules phagocytaires ou encore les CPA, peut aussi se produire. Ces maladies se détectent à un jeune âge, sont difficiles à traiter ou requièrent des traitements lourds comme des greffes.

Acquérir un déficit immunitaire ?

Alors que certains ont un déficit immunitaire à la naissance, d’autres le développent plus tard. Si l’on ne peut pas renforcir son système immunitaire, on peut assurément l’affaiblir. Certains facteurs contribuent à diminuer l’immunité, comme certaines maladies, par exemple des cancers, qui sont tous différents, avec chacun leurs particularités. Dans plusieurs cas, les cellules cancéreuses manipulent les cellules immunitaires pour les rallier à leur dessein, en leur permettant de proliférer librement. Cela constitue un défaut de fonctionnement de ces cellules immunitaires, puisqu’elles n’effectuent plus leur travail correctement. Les leucémies, de leur côté, s’attaquent directement aux cellules souches du sang et empêchent le développement normal des cellules sanguines, dont des lymphocytes, entraînant un déficit immunitaire.

La malnutrition sévère est un autre facteur pouvant occasionner un déficit immunitaire. Lorsque les nutriments nécessaires au fonctionnement du système immunitaire ne lui sont pas fournis, il ne peut pas accomplir toutes les tâches qui lui sont dévolues. Si un enfant vit une période de malnutrition, ses organes qui participent au développement du système immunitaire, comme le thymus, peuvent être affectés et ne pas se construire parfaitement.

La prise de médicaments, comme les immunosuppresseurs, provoque volontairement un déficit immunitaire. La plupart du temps, l’arrêt de la prise de ces médicaments cesse leurs effets, mais certaines pathologies comme les maladies auto-immunes ne permettent pas de les supprimer. Les malades demeurent immunosupprimés en permanence.

Enfin, certaines infections peuvent affaiblir le système immunitaire. Par exemple, la rougeole entraîne une amnésie immunitaire, ce qui signifie que le système immunitaire est affaibli jusqu’à deux ans après l’avoir contractée. Le virus T-lymphotrope humain (HTVL-1) peut provoquer un type de leucémie ou un lymphome. Heureusement, il n’est pas très présent au Canada. En comparaison, le virus le plus connu provoquant une déficience immunitaire qui circule dans ce pays est le virus d’immunodéficience humaine (VIH), responsable du sida.

L’immunité mystérieuse, par Audrey-Anne Leblanc, Éditions MultiMondes, 176 p.

Extrait reproduit avec l’autorisation de l’éditeur.

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