Tester plus pour déconfiner sécuritairement

Le gouvernement lancera dès lundi sa nouvelle stratégie de dépistage de la COVID-19. Alain Vadeboncoeur nous en présente les grandes lignes et les enjeux.

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Le Dr Horacio Arruda a présenté la nouvelle stratégie de dépistage du gouvernement pour la COVID-19, dont le but est d’accompagner la phase de déconfinement qui s’en vient… si la situation le permet toujours. Disposer d’une large capacité de tests est essentiel avant de commencer toute stratégie de déconfinement.

L’objectif est de respecter une des six conditions proposées par l’Organisation mondiale de la santé pour déconfiner. Pouvoir tester largement permettra en effet de détecter, d’enquêter et d’intervenir auprès des nouveaux cas afin de limiter la propagation du coronavirus.

Jusqu’ici, il n’était toutefois pas possible de tester à grande échelle pour des raisons techniques : d’abord le manque de réactif, ensuite celui d’écouvillons grâce auxquels les prélèvements de nez et de gorge sont réalisés. Il est tout de même étonnant de constater que nos sociétés industrialisées ne peuvent y arriver, parce qu’elles dépendent de fournisseurs externes comme la Chine.

Les tests plafonnaient donc à environ 6 000 par jour, une limite qui a pu contribuer à aplanir les courbes de cas, parce qu’on ne pouvait tout simplement pas tester toutes les personnes qui manifestaient des symptômes. En se concentrant sur les patients hospitalisés et les travailleurs de la santé, on s’est alors assuré de bien utiliser les tests disponibles.

Viser 14 000 tests par jour

Si on a réalisé au Québec 220 000 tests depuis le début de la pandémie, en ciblant les tests ayant un impact clinique important pour la prise en charge de l’infection, le nouveau plan « agressif » qui doit être en fonction lundi a pour objectif de passer de 6 000 à 14 000 tests journaliers d’ici la fin de la semaine prochaine.

À une capacité de base dorénavant placée à 7 000 tests par jour pour les milieux de soins, on ajoute 6 000 tests COVID-19 pour la population générale (pour les personnes ayant des symptômes) et une réserve de 1 000 tests pour des situations spécifiques, indiquées par la santé publique, comme le suivi d’éclosions dans différents milieux. Ces tests ne seront pas répartis également entre les régions, mais bien selon l’évolution régionale de la pandémie.

Près de 100 000 tests par semaine, ce serait du jamais vu selon le Dr Horacio Arruda, qui a aussi demandé une période de grâce pendant que cette nouvelle approche sera appliquée. Certains se demandent même si le Québec va disposer des ressources humaines et matérielles pour y arriver. D’autant plus que le gouvernement souhaite ensuite monter graduellement jusqu’à 30 000 tests par jour, tel qu’annoncé plus tôt cette semaine, en ajoutant d’autres techniques actuellement en évaluation.

De nouveaux groupes visés

Deux groupes jusqu’ici non visés par le dépistage ont été ajoutés, soit les personnes symptomatiques dans la communauté (groupe 4) et les contacts de cas confirmés (groupe 6), la nouvelle liste étant la suivante :

  • Groupe 1 : patients symptomatiques à l’hôpital (pour déterminer quels sont les patients à traiter et contrôler l’infection)
  • Groupe 2 : les professionnels de la santé avec des symptômes (pour éviter la propagation dans les milieux de soins et faire retourner au travail ceux qui sont déclarés négatifs)
  • Groupe 3 : les usagers et le personnel dans les milieux d’hébergement
  • Groupe 4 : les personnes symptomatiques de toutes les communautés, incluant les milieux en réouverture comme les lieux de travail et les écoles (nouveau groupe)
  • Groupe 5 : les premiers répondants ou autres travailleurs fournissant des services essentiels
  • Groupe 6 : les contacts des cas confirmés, pour capter les chaînes de transmission, ou par exemple des groupes potentiellement touchés, pour faciliter les enquêtes de la santé publique (nouveau groupe)

Les personnes avec symptômes de la COVID-19 pourront téléphoner à une ligne réservée à cet usage (dont le numéro sera annoncé) et seront envoyées à un centre désigné de dépistage (CDD, pour un simple dépistage) ou à une clinique désignée d’évaluation (CDÉ, là où on fait l’évaluation plus complète des patients).

On élargira le dépistage pour mieux mesurer la transmission communautaire et aussi pour détecter rapidement toute éclosion qui pourrait survenir dans les milieux en déconfinement, afin d’enquêter plus en détail et de réagir adéquatement. On explorera aussi d’autres techniques que le prélèvement par écouvillons, par exemple un dépistage sur les crachats, qui doit encore être validé.

Une hausse prévisible des cas

Actuellement, le nombre de cas « infectés » que l’on évoque tous les jours dans les points de presse correspond au nombre de cas « détectés », sachant qu’il y a beaucoup plus de cas dans la population que ceux qui sont publiés (et c’est vrai partout dans le monde).

Mais si on teste plus, on va inévitablement trouver plus de cas positifs, du moins à court terme. Il faut en être averti : les courbes vont donc monter (du moins au début) en raison de l’augmentation des tests. Mais cela ne veut pas dire que, dans la réalité, le nombre de cas aura vraiment augmenté, une hausse pouvant être liée aux tests ou à une augmentation des cas réels.

À plus long terme, il faudra mettre en place des stratégies pour devenir plus autonomes dans notre capacité de tester largement. Cela nous aurait permis d’agir comme d’autres régions du monde, où le dépistage à grande échelle s’est imposé tôt pour mieux contrôler l’infection.

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Vous avez des questions sur la COVID-19 ? Consultez ce site Web du gouvernement du Québec consacré au coronavirus.

Vous avez des symptômes associés à la maladie ? Appelez au 1 877 644-4545 ou consultez un professionnel de la santé.

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Le déconfinement sans traitement, ça s’appelle: de la filature! Le Québec n’a plus rien à envier au NKVD et à la Guépéou, à leurs heures de plus grande gloire…

Si j’ai les symptôme liés au COVID-19, pourquoi ai-je besoin d’être testé ? Pourquoi ne pas me mettre en isolement pour 14 jours de toute façon ?
Ne devrait-on plutôt tester les gens qui n’ont pas de symptôme mais qui risque de contaminer un grand nombre de personnes: personnel médical, professeur, livreur, chauffeur d’autobus, agent de l’air….

Je vois deux raisons principales :
– si vos symptomes dégénèrent c’est bien d’être assuré que ca soit le covid et pas autre chose au moment d’être hospitalisé. On peut aussi vous suivre voir comment vous allez. Trop attendre avant d’intervenir peut agraver la malade
– si vous avez des symptomes très légers, genre petit mal de gorge, un peu de toux, mais pas de fièvre ou d’état grippal, ça peut etre un rhume, une allergie, ou un tas de chose, dans ce cas on veut éviter l’isolement de 15 jours si non-nécessaire.

Une récente étude (préliminaire) faite par le Centre National de Référence des virus respiratoires qui est à l’Institut Pasteur de Paris, sur le séquençage génétique de 97 souches virales, démontre qu’une large majorité des souches appartiennent au même groupe : le lignage G (clade G).

Alors que la crise commençait à prendre de l’ampleur au mois de mars. L’étude démontre que le virus circulait déjà dans la population dès le 12 janvier et que ce variant G, a été identifié pour la première fois en Europe le 19 février. Il est possible de considérer qu’entre le moment où le variant a été identifié et son implantation quelque part en Europe, un certain délai (deux semaines minimum) se soit produit entre la propagation et l’identification.

Les autorités françaises considèrent-elles (tout ceci est préliminaire, rappelons-le) que le virus circulait silencieusement dans la population. En d’autres termes, on aurait sous-évalué l’ampleur de la transmission communautaire.

Ceci est d’autant plus considéré que 95% des cas de SARS-CoV-2 qui circulent en France actuellement appartiennent bien au lignage G. L’identification de ce lignage en Europe établit qu’une part importante de la contamination ne s’est pas implantée directement depuis la Chine ou l’Iran, mais bien par l’entremise de porteurs paucisymptômatiques (peu de symptômes) ou asymptômatiques.

Des études comparables établies en Islande, en Italie et en Suisse notamment, tendent aux mêmes conclusions. J’aimerais préciser encore qu’aucune de ces études n’apportent des conclusions définitives ; il convient de rester prudent avec ces divulgations.

Quoique je n’aie pas d’objection avec le fait qu’on teste plus et surtout mieux. Ne devrions-nous pas tenir compte de ces études pour mieux cibler qui devrait être testé et comment ; à fin de mieux comprendre l’évolution de la maladie, son caractère furtif, pour s’assurer de conditions optimales au niveau du déconfinement ?

Également, déterminer la proportion de la population non testée qui aurait pu contracter le virus et en guérir naturellement tout comme de monitorer la qualité des anticorps secrétés à fin de voir si le virus après un certain temps est susceptible de perdre une grande partie de sa virulence ou bien pas.

Un autre élément à tester serait de savoir comment se combine le SARS-CoV-2 avec d’autres pathogènes. Ceci nous donnerait peut-être quelques indications sur de futures pandémies ou même de simples épidémies plus localisées.

Ne serait-il pas heureux d’établir une structure d’isolement plus performante (un peu comme en Corée du Sud) pour s’assurer que des personnes infectées (ou susceptibles de l’être) ne puissent propager le virus en raison des déficiences d’un confinement parfaitement étanche où que ce soit ?

C’est un très bon point. Si on envoyait dans des hotels toutes les personnes positives pour les isoler de leur famille, qu’on s’occupait de leur apporter a manger et surveiller leur état de santé, on freinerait de beaucoup la contagion.