Le succès de Loto-Méno, une minisérie documentaire de Véronique Cloutier, a montré à quel point les femmes sont mal outillées quand vient le temps de gérer les symptômes de la périménopause et de la ménopause. Parmi ces derniers, ceux qui touchent à la sphère intime (comme la sécheresse vaginale et l’incontinence) sont encore plus tabous que les bouffées de chaleur. Ils sont pourtant extrêmement répandus et peuvent être très pénibles. Mais les femmes connaissent mal les traitements offerts et, souvent, n’osent pas en parler à leur médecin.
Dans un tel contexte, cela peut être tentant d’obtenir, auprès d’une clinique médicale ou d’esthétique privée, un « rajeunissement vaginal » au laser, un traitement présenté comme sans danger et non invasif. En quelques séances, disent les cliniques, les femmes retrouveraient leur vagin d’avant la ménopause, une meilleure lubrification et une paroi vaginale plus tonique et moins sèche. Cela renforcerait aussi leur plancher pelvien, ce qui empêcherait les descentes d’organes et les débarrasserait des problèmes d’incontinence urinaire à l’effort. En plus de la clientèle ménopausée, les cliniques visent les femmes dont le plancher pelvien a été malmené par un accouchement. Quelques célébrités ont d’ailleurs reconnu y avoir eu recours, comme Kim Kardashian et l’actrice française Julie Delpy.
Attention, disent des experts
Il existe effectivement des appareils laser spécialement conçus pour être utilisés dans le vagin et approuvés par Santé Canada, par exemple le MonaLisa Touch, le diVa ou l’Intima, pour s’attaquer aux symptômes génitaux et urinaires de la ménopause. Mais le traitement proposé n’est pas dénué de risques et son efficacité n’est absolument pas garantie, préviennent les docteurs Blayne Welk et Erin Kelly dans un récent numéro du Canadian Medical Association Journal (CMAJ).
Pour l’instant, le laser endovaginal n’est recommandé que lorsque les autres traitements n’ont pas fonctionné ou ne conviennent pas aux principales intéressées, souligne la Dre Kelly, gynécologue à Edmonton.
La Société des obstétriciens et gynécologues du Canada préconise d’abord l’utilisation de lubrifiants et hydratants vaginaux en vente libre, qui peuvent suffire dans certains cas de sécheresse. Sinon, les femmes peuvent recourir à l’hormonothérapie orale ou encore locale, sous forme de crème, d’anneaux ou de capsules à insérer directement dans le vagin, qui maximisent l’action des hormones dans cette région du corps. Ces traitements locaux n’augmentent pas les risques de cancers ou de maladies cardiovasculaires, et les études à ce sujet sont blindées.
« C’est quand même intéressant d’avoir l’option du laser, qui pourrait aider des femmes qui ne voudraient ou ne pourraient pas prendre les autres traitements existants, nuance la Dre Kelly. Le problème, c’est que les preuves que cela fonctionne sont très minces. » Les études sont encore peu nombreuses et leurs résultats, en demi-teinte.
Aux États-Unis, la FDA a publié en 2018 une sérieuse mise en garde au sujet du rajeunissement vaginal après avoir reçu une pléthore de plaintes pour des brûlures internes, des cicatrices et des douleurs récurrentes occasionnées par ce traitement. Les fabricants ont été sommés d’arrêter de recourir à un marketing trompeur qui vise particulièrement les femmes craignant l’hormonothérapie.
Rien de tel au Canada, où les cliniques vantent les traitements comme bon leur semble, s’inquiètent les deux médecins spécialistes dans leur article. À leur avis, Santé Canada est trop laxiste : il laisse des entreprises offrir ce laser à toutes les femmes pour toutes sortes d’indications, alors qu’il a été conçu et approuvé pour traiter les symptômes génitaux liés à la ménopause.
Des effets limités, selon les études
La première licence pour un tel appareil a été accordée par Santé Canada en 2015. La sonde est introduite dans le vagin, et l’énergie absorbée par la muqueuse stimulerait la production de collagène, une protéine qui donne de l’élasticité, et celle de nouveaux petits vaisseaux sanguins. Après quelques traitements, les symptômes diminueraient.
Une revue de la littérature scientifique menée en 2021 par des chercheurs québécois et australiens a conclu que le laser pouvait améliorer certains symptômes, parfois autant que l’hormonothérapie vaginale. Mais seuls trois essais randomisés et contrôlés ont été faits sur un total de 179 femmes. Le reste de la littérature était constitué d’études de cas, pas mal moins fiables.
Plus tard en 2021, une étude à la méthodologie blindée a comparé sur 90 femmes l’efficacité du laser au CO2 (comme le MonaLisa Touch) à celle d’un traitement laser fictif ; elle a conclu que cette approche était inefficace. Les chercheurs ont comparé les biopsies prises dans le vagin des femmes des deux groupes et n’ont vu aucune différence. Ces résultats devront toutefois être confirmés auprès d’un plus grand nombre de femmes et avec d’autres types de laser.
Les résultats quant à l’effet du laser sur l’incontinence urinaire sont encore plus partagés. Même si des séries de cas ont révélé une légère efficacité, une étude très solide publiée en 2022 a conclu que le traitement ne changeait rien.
Bref, l’état actuel des connaissances porte à croire que le rajeunissement vaginal est une illusion. Selon la Dre Kelly, le traitement au laser ne devrait être envisagé — éventuellement — que pour espérer améliorer les symptômes au niveau vaginal seulement (c’est-à-dire la sécheresse, l’atrophie et la perte de tonus et de lubrification), lorsque toutes les autres solutions ont été testées, et à condition que les femmes aient été bien informées des réelles chances de succès et des risques. Rappelons la mise en garde de la FDA : même si, dans les études, les chercheurs n’ont pas trouvé d’effets nocifs au laser endovaginal, il a quand même le potentiel de causer des problèmes sérieux s’il est mal utilisé.
Précisons pour finir que le traitement coûte environ 1 000 dollars la séance, qu’il doit être répété plusieurs fois pour qu’on puisse espérer ressentir une amélioration, que son effet dure moins de 18 mois et qu’il n’est en général pas remboursé par les assurances privées.
« À ma connaissance, aucun système public de santé n’offre ce traitement », note la Dre Kelly.
Une réglementation à revoir
Santé Canada est laxiste dans sa réglementation entourant les instruments médicaux, affirment Blayne Welk et Erin Kelly dans leur article publié dans le Canadian Medical Association Journal. Pour un appareil comme le laser endovaginal, le ministère fédéral n’exige pas de preuves d’efficacité et de sécurité aussi solides que pour les médicaments, dénoncent-ils. Les spécialistes regrettent également que le ministère laisse des entreprises exploiter cet instrument avec des prétentions très différentes des indications pour lesquelles les licences de commercialisation ont été accordées. Le marketing de ces traitements ne sert pas les intérêts des patientes, disent-ils.
Santé Canada travaille depuis 2018 à un plan d’amélioration de la réglementation entourant les instruments médicaux pour mieux faire face à ce genre de dérive. Mais il n’est pas terminé.