Un guide pour affronter le cancer

Dans un livre touchant, Cancer : mode d’emploi, Sophie Marcotte raconte comment elle a traversé ses propres traitements. Un guide pratique pour ceux qui doivent passer par là.

Illustration : Agathe Bray-Bourret

Qu’est-ce qu’on met dans son sac avant d’aller passer l’après-midi en chimiothérapie ? Est-ce vrai qu’un appareil de résonance magnétique est si étroit qu’on risque la crise de panique une fois couché dedans ? Comment annoncer à ses proches qu’on a une saloperie logée dans un organe ? 

Ces questions et une myriade d’autres se sont mises à tourner dans la tête de Sophie Marcotte après son diagnostic de cancer du sein, en 2021, à l’âge de 43 ans. Et elle a trouvé bien peu de réponses. Elle a donc pris des notes, et une fois ses traitements terminés, cette fille qui jongle avec les mots depuis 20 ans — elle est journaliste indépendante, réviseure et éditrice — a décidé de les coucher sur le papier pour que d’autres puissent en bénéficier. 

Cancer : mode d’emploi — Un guide pour affronter la tourmente, tout juste publié chez Cardinal, raconte avec beaucoup d’empathie, une touche d’humour et des détails concrets l’aventure qui attend toute personne qui reçoit un tel diagnostic. 

Divisé en courts chapitres et magnifiquement illustré, le bouquin de 200 pages peut se lire en une journée, mais se dégustera tout aussi bien par petites bouchées. Car se concentrer est ardu lorsqu’on fait face à cette maladie, autant à cause de l’angoisse qu’en raison des médicaments, Sophie Marcotte le sait bien. « Dans mon cas, lire une recette de biscuits était aussi difficile que comprendre un film de Christopher Nolan », écrit-elle (quiconque a vu les énigmatiques Memento, Inception ou Tenet comprendra).

Sans rien cacher des moments pénibles que représente une telle épreuve, elle arrive à les nimber d’un peu de lumière et de douceur. L’actualité lui a demandé de se raconter.  

Avez-vous lu beaucoup de livres pendant votre maladie ? Vous n’avez pas trouvé ce que vous cherchiez ? 

J’ai beaucoup lu. Mais la plupart des livres sur le cancer sont soit des témoignages très personnels, soit des trucs médico-techniques. C’était intéressant, mais ça ne m’aidait pas à savoir comment j’allais faire pour vivre au quotidien. 

J’ai trouvé énormément d’info sur le site de la Société canadienne du cancer. Mais ça reste quand même un peu désincarné. Ce qui me faisait le plus de bien, c’était de parler à des femmes qui avaient déjà eu un cancer du sein et qui me racontaient comment elles l’avaient vécu. 

Le besoin d’écrire ce livre-là est venu d’un manque, celui de ne pas avoir trouvé ce qui m’aurait aidée. J’ai voulu écrire un livre contenant à la fois de l’information, quelques conseils et un peu de légèreté, même si le sujet n’est pas léger. Et je voulais que ce soit ancré dans la vie quotidienne. 

Le livre n’est pas que factuel. Vous y racontez les émotions que vous avez vécues à chacune des étapes et vous y présentez également les témoignages d’autres personnes. C’était important pour vous de ne pas imposer votre recette ?

Vraiment. Car je sais que tout le monde réagit différemment. Malgré des moments d’angoisse, j’ai quand même vécu tout ça avec optimisme. Et j’ai constaté que beaucoup de gens réussissent à traverser cette épreuve grâce à l’humour. Ça devient une soupape assez efficace. 

Mais je sais que certaines personnes prennent très mal un tel diagnostic et sont en colère. Je ne voulais pas les froisser. J’ai donc mis un avertissement au début du livre : « Si tu es vraiment déprimé·e ou fâché·e, ce serait préférable d’attendre de meilleures dispositions avant de lire ce livre. Son ton parfois léger pourrait te donner des envies de violence, je le sais. »

Vous le dites dès les premières pages : l’une des choses les plus difficiles avec cette maladie, c’est l’inconnu. On ne sait pas ce qui s’en vient. Est-ce que vous avez fini par dompter cette peur ? 

Oui, et c’est une des raisons pour lesquelles je me suis beaucoup documentée : pour faire diminuer mon anxiété ! Par ailleurs, quand on embarque dans l’engrenage des traitements, il y a tellement de gens autour de soi — le personnel soignant, l’infirmière-pivot, etc. — que ça crée des liens. Les infirmières de la salle de chimio, ce sont toujours les mêmes. On les voit toutes les semaines, on finit par les connaître. Aussi, une fois qu’on a passé plein de tests et de traitements désagréables, certains paraissent moins horribles ! Moi, j’ai eu droit à la totale : chimio, chirurgie, radiothérapie et hormonothérapie.

J’ai fini par avoir moins peur, même de la mort. Car forcément, on y pense. Plein de gens meurent du cancer… Mais c’est de moins en moins le cas. C’est d’ailleurs une des choses que je voulais faire avec ce livre : détacher le mot « cancer » de l’idée de la mort, à laquelle on pense presque automatiquement. 

Des conseils parsèment votre bouquin. Vous suggérez par exemple d’enregistrer avec son téléphone le premier rendez-vous avec l’oncologue (avec son accord). Avez-vous suivi vos propres recommandations ? 

Pas celle-là. Et je donne ce conseil justement parce que je ne me souvenais pas de la moitié de ce qu’elle m’avait dit, en raison du choc de l’annonce. C’était la même chose pour mon amoureux. Si la personne qui nous accompagne est quelqu’un de très proche, elle est tout aussi submergée par la nouvelle. 

Vous accordez beaucoup de place aux relations avec les proches tout au long de votre récit. Que voulez-vous qu’on en retienne ? 

Une des choses que j’ai trouvées les plus dures, c’est d’annoncer la nouvelle à mes parents. Je savais qu’ils allaient s’inquiéter de façon démesurée. C’est une situation étrange : on crève de peur, mais on doit rassurer nos proches. Si on a des enfants, les choses se corsent encore plus. J’ai demandé à deux de mes « amis de cancer », l’une avec un jeune enfant, l’autre avec des ados, de faire partager leur expérience et leurs conseils. 

Les proches occupent une très grande place dans ces moments, autant par l’aide qu’ils peuvent apporter que par leur présence. Ça donne des ailes. Quand j’ai commencé mes traitements, j’ai créé un groupe Facebook fermé où j’ai invité mes proches pour leur donner des nouvelles. Informer tout le monde individuellement, ça tire du jus. J’ai ainsi évité une fatigue inutile. Tout le monde a adoré. 

Le ton du livre est assez familier, il est écrit au « tu ». Pourquoi ?

Lors de mes traitements de chimio, il y avait beaucoup, beaucoup de filles de mon âge ou vraiment plus jeunes. Des filles dans la vingtaine ou la trentaine, une qui devait avoir 19 ans. Ça m’a frappée. 

À 43 ans, je m’attendais à être la plus jeune. Ce n’était vraiment pas le cas. En jasant avec quelques-unes de ces filles, j’ai compris qu’elles étaient tout aussi surprises que moi. Et qu’elles avaient également cherché des trucs sur Internet pour se rassurer. Quelque chose qui leur parle, à elles.

J’ai donc voulu m’adresser à un lectorat un peu plus jeune que celui qu’on pourrait généralement associer à un livre sur ce sujet. Même si tout le monde peut s’y reconnaître, peu importe l’âge et le type de cancer.

Cancer : mode d’emploi — Un guide pour affronter la tourmente

Éditions Cardinal, 208 p., 29,95 $. En librairie le 14 mars 2023.

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