Le titre officiel de Frédéric Pelletier semble tout droit sorti d’un film de science-fiction : navigateur interplanétaire. Quand il ne travaille pas à déployer des satellites d’observation autour de la Terre pour l’entreprise montréalaise NorthStar, celui-ci dirige des sondes spatiales dans l’espace pour la NASA.
« J’ai toujours adoré l’espace », confie celui qui a complété ses études supérieures en génie aérospatial aux États-Unis spécialement dans le but d’accomplir son rêve. Depuis, il a notamment piloté la sonde Cassini autour de Saturne, il a participé à l’élaboration de la mission InSight vers Mars, il a mené la sonde New Horizons vers Pluton et il termine maintenant son approche vers Ultima Thulé.
Ultima Thulé, aussi connu sous la désignation 2014 MU69, est un objet d’une trentaine de kilomètres de diamètre situé dans la ceinture de Kuiper. Cette zone du système solaire au-delà de l’orbite de Neptune contiendrait plus de 70 000 corps de plus de 100 km de diamètre, dont l’un des plus grands — et certainement le plus connu — est Pluton.
Le périple de New Horizons vers Ultima Thulé en est un de longue haleine. La sonde a quitté la Terre en 2006, passé le système de Jupiter en 2007 et visité Pluton — sa mission principale — en 2015. Ce n’est qu’après avoir photographié la planète déchue que Frédéric Pelletier l’a redirigée vers Ultima Thulé, un objet découvert l’année précédente grâce au télescope Hubble. « Quand tu as un engin spatial comme New Horizons qui fonctionne encore bien, c’est certain que tu veux poursuivre sa mission pour l’utiliser au maximum », explique-t-il.
Au moment de cet entretien, au début décembre, il ne reste à la sonde « que » 33 millions de kilomètres à parcourir d’ici le 1er janvier 2019. Le vaisseau file dans l’espace à l’impressionnante vitesse de 14 km par seconde.
À son point le plus proche, New Horizons sera à 3 500 km d’Ultima Thulé, soit 100 fois plus près que la distance qui sépare la Terre de la Lune. La sonde sera tout de même assez loin pour lui permettre de prendre les images nécessaires de son sujet. « C’est comme si tu essaies de photographier un poteau de téléphone en voiture. Ça passe beaucoup trop vite. C’est plus facile de regarder une montagne au loin », illustre le navigateur interplanétaire.
La sonde prendra des photos, mais analysera aussi la composition d’Ultima Thulé avec ses différents capteurs. « C’est une sorte de voyage dans le temps, qui va nous permettre de voir comment étaient les objets spatiaux aux tout débuts du système solaire », explique Frédéric Pelletier.
La NASA devrait diffuser les premières images d’Ultima Thulé le 2 janvier, mais l’ensemble des données amassées par les instruments de New Horizons prendront 20 mois avant d’atteindre la Terre.
Comme c’est généralement le cas en exploration spatiale, on ignore encore les découvertes qui nous attendent. « Souvent, on arrive à un endroit et on en ressort avec plus de questions qu’avant », admet Frédéric Pelletier, avant d’ajouter en riant : « Mais je ne suis pas un scientifique, je ne suis que leur chauffeur ! »
Une fois que la NASA en connaîtra plus sur l’objet, l’organisme pourra aussi lui donner un nom officiel, puisque Ultima Thulé n’est qu’un surnom temporaire, choisi l’année dernière par un vote du public.
Un défi de navigation

Diriger New Horizons vers Ultima Thulé représente un défi immense.
« Nous ne savons pas précisément où est notre cible. Ce n’est pas comme se rendre sur Mars. Mars, on sait où elle est », souligne Frédéric Pelletier.
Avec son équipe, le navigateur analyse les images prises par New Horizons et raffine sa vitesse et sa direction en espérant croiser la trajectoire de l’objet. « Pour l’instant, ce n’est qu’un pixel de faible luminosité dans notre champ de vision, ce qui complique la tâche », dit-il. Ajoutons à cela que les commandes envoyées à la sonde prennent six heures pour se rendre de la Terre à New Horizons, puis qu’il faut attendre six heures supplémentaires pour recevoir une confirmation.
« Nous devons aussi être économes dans nos manœuvres. C’est coûteux de ralentir ou d’accélérer, ça utilise une grande quantité de ressources. Nous devons également budgéter notre carburant, qui est partagé entre la navigation et l’orientation des caméras », poursuit Frédéric Pelletier. L’équipe doit en plus préserver les ressources de New Horizons pour sa prochaine mission après l’approche d’Ultima Thulé, qui n’a pas encore été annoncée.
Un premier objet binaire observé de près ?
Ultima Thulé sera l’objet le plus éloigné jamais visité par l’humain, mais la mission pourrait aussi entrer dans les annales d’une autre façon : en permettant la première observation de près d’un corps binaire, où deux objets tournent autour d’eux-mêmes.
« On ne connaît pas beaucoup de choses sur Ultima Thulé, mais c’est une possibilité. Nous allons en savoir plus vers le 26 ou le 27 décembre », estime Frédéric Pelletier.
À l’heure actuelle, la NASA ne prévoit explorer qu’un seul objet binaire, avec la sonde Lucy, qui devrait décoller de la Terre en 2021, atteindre Jupiter en 2027 et visiter Patroclus-Menoetius en 2032. Ultima Thulé pourrait donc donner lieu à une telle observation près de 15 ans plus tôt.
Un objet binaire pourrait toutefois causer des problèmes supplémentaires pour la NASA, surtout si les deux corps sont assez éloignés lors du passage de New Horizons. « Il y a une chance que nos capteurs soient pointés entre les deux objets et qu’ils ne photographient rien », avoue Frédéric Pelletier. Des images prises par la sonde avant son approche devraient néanmoins permettre à ce dernier de prévoir la situation et de s’y adapter.
« C’est le cas le plus difficile pour nous, mais c’est aussi le plus tripant, ajoute le navigateur avec un enthousiasme contagieux. Mais on est prêts. C’est vraiment ce que je souhaite pour la mission. »
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imaginer si ces objets spacieux avaient une utilité humaine.
Imaginez si cet argent avait été dépensé à des fins utiles.
Probablement aucune, et ce serait une bonne chose…
… comme de développer nos connaissances, par exemple… et aider à développer notre intelligence?… Si ce n’est que cela, c’est déjà un petit début, n’est-ce pas?… Cela ne veut pas dire que l’espèce humaine n’ait pas des « priorités plus prioritaires », bien entendu… Mais chacun fait son petit effort, de son côté. Quant au partage des ressources, c’est vraiment… une problématique très très complexe…
En passant, j’adore votre humour involontaire ( les « objets spacieux » ). Sol aurait sûrement adoré « !
D’après ses dimensions il ne semble pas si spacieux que ça.