L’auteur est un ancien coureur de fond de l’équipe nationale canadienne et un physicien postdoctoral. Il a écrit en 2018 le livre Endurance : L’esprit, le corps et les exceptionnelles limites extensibles de la performance humaine. Il collabore à la rédaction du Globe and Mail et du magazine Outside.
Une nouvelle étude des réseaux de signalisation du cerveau, publiée dans la revue Medicine & Science in Sports & Exercise, présente avec optimisme les possibilités d’apprendre à aimer l’exercice physique. Les résultats portent à croire que si vous persistez à en faire pendant les premières semaines désagréables, vous pourrez, vous aussi, apprendre à aimer la salle de sport, grâce aux adaptations à long terme de la façon dont votre cerveau traite les substances chimiques qui modifient l’humeur.
Des études antérieures ont montré que les personnes qui font régulièrement de l’exercice ont tendance à avoir des niveaux d’anxiété et de dépression plus faibles que les personnes moins actives, et qu’elles sont également de meilleure humeur après une seule séance d’entraînement. Il s’agit d’un cycle qui s’autoalimente : vous êtes plus susceptible d’être motivé pour votre prochain entraînement si le dernier vous a fait du bien.
Mais on ne sait pas exactement comment ce cycle se met en place ni quels changements dans la chimie du cerveau le rendent possible. Pour le découvrir, des chercheurs de l’Université de Turku, en Finlande, ont recruté 64 volontaires qui ont passé une série de tests d’exercice et répondu à des questionnaires. Les scientifiques ont utilisé une technique d’imagerie médicale appelée tomographie par émission de positons pour mesurer l’activité des récepteurs opioïdes mu, ou MOR, dans le cerveau.
Ces MOR réagissent à la présence d’opioïdes endogènes, la version de l’organisme des drogues opioïdes, et jouent un rôle dans le traitement de la récompense, de la douleur, de la motivation, du stress et des émotions.
« Il est possible que certaines personnes soient nées avec un système MOR plus réactif, ce qui les aiderait à tolérer et à aimer l’exercice. Cela expliquerait leur facilité à se lancer dans des exercices d’un niveau plus élevé », explique Tiina Saanijoki, auteure principale de l’étude. « Ou alors c’est l’inverse : un système MOR plus performant s’est développé grâce à des habitudes d’exercice régulier. »
Tiina Saanijoki a soumis ses volontaires à un test au cours duquel ils ont pédalé jusqu’à l’épuisement pour l’évaluation de leur aptitude aérobie. Un autre jour, certains d’entre eux ont fait une heure de vélo modéré en continu et d’autres ont fait une séance d’entraînement par intervalles à haute intensité sur le vélo, afin que l’on puisse déterminer comment les différents types d’exercice affectent la signalisation des opioïdes.
Bien entendu, les sujets les plus en forme (ce qui a été mesuré à la fois par le test cycliste et par les niveaux d’exercice hebdomadaire qu’ils ont déclarés) ont vu le plus grand changement dans l’activité MOR après l’entraînement modéré en continu. Il en est allé de même pour les personnes les plus actives après l’entraînement par intervalles à haute intensité. Il semble que plus l’exercice est intense, plus il est satisfaisant sur le plan neurochimique.
Cela ne prouve toujours pas que l’exercice régulier engendre une plus forte réactivité du système opioïde, et non l’inverse. Mais des études menées sur des rats tendent à pencher en faveur de la première explication. Par exemple, les rats qui font de l’exercice pendant de cinq à huit semaines présentent des niveaux plus élevés d’opioïdes endogènes tels que les endorphines circulant dans leur cerveau.
Une mise en garde importante s’impose ici. Le fait de parler d’opioïdes et d’endorphines peut laisser croire que l’exercice déclenche une sorte de béatitude euphorique. C’est l’impression qui s’est dégagée des premières recherches sur ce que l’on appelle le « runner’s high » dans les années 1970, mais des études ultérieures ont montré que ces expériences sont extrêmement rares.
« L’euphorie du coureur est une chose assez mythique, qui ne mérite peut-être pas que l’on s’y attarde trop », explique Tiina Saanijoki.
Les sensations et les émotions déclenchées par l’exercice ont plutôt tendance à être subtiles, parfois au-dessous du niveau de conscience, et sont probablement induites par divers ensembles de substances chimiques du cerveau en plus des opioïdes, dont les endocannabinoïdes, la version du cannabis propre au cerveau.
Néanmoins, les résultats révèlent deux points essentiels à retenir. Premièrement : si vous n’aimez pas l’exercice, cela ne signifie pas nécessairement que vous êtes dans l’erreur. « Je crois que nous devons reconnaître que ces réactions varient énormément d’une personne à l’autre et que tout le monde ne trouve pas l’exercice physique agréable ou gratifiant », explique Tiina Saanijoki.
Deuxièmement : cela peut changer. Quand votre corps s’adapte à un nouveau programme d’exercices, votre cerveau l’imite — et, si l’hypothèse de Saanijoki s’avère juste, vous finirez par vous demander comment vous avez pu vous en passer.
La version originale (en anglais) de cet article a été publiée par le Globe and Mail.
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