La crise de la COVID-19 monopolise l’attention des médias et du public depuis déjà plusieurs semaines. Une quantité phénoménale d’informations, d’images et d’analyses circulent un peu partout. Cette surabondance d’informations pousse certains producteurs de contenu à vouloir se démarquer pour augmenter leur auditoire et à tomber dans le sensationnalisme.
Pensons ici aux mots, aux images ou aux graphiques qui sont utilisés par différents médias pour parler de la crise actuelle, la montrer et la mettre en scène. Les médias sociaux, blogues et autres plateformes numériques ne sont pas en reste. Un tsunami d’informations y déferle, sans que l’on puisse prendre le recul nécessaire pour en faire l’analyse. On peut se demander si ces informations, en jouant sur le registre de nos émotions, tendent à amplifier la panique qui se répand dans la population.
En tant que sociologue et professeur de communication organisationnelle et de communication en santé, je m’intéresse aux enjeux posés par l’usage des technologies de l’information et de la communication du point de vue des pressions qu’elles induisent dans le quotidien des gens et des logiques de l’urgence qu’elles contribuent à mettre en place. La crise que nous vivons offre l’occasion d’observer quasi en direct l’effet pernicieux des nouvelles qui tournent en boucle sur la santé des populations.
Le danger des images virales
Les images de cadavres qui jonchent le sol en Chine ou ailleurs, d’aéroports assiégés, de villes désertées, de rayons d’épicerie vides, d’hôpitaux pleins à craquer, de mises en quarantaine et de confinement circulent en abondance sur Internet. Réelles ou non, ces images alimentent très certainement la peur.
Les titres qui coiffent les nouvelles qui courent sont à notre avis les plus pernicieux et les plus susceptibles d’entretenir le sentiment de panique que l’on peut observer chez beaucoup de personnes.
Les nombreuses rumeurs, croyances populaires et autres théories du complot partagées comme par contagion sur le Web n’aident en rien. Une étude portant sur l’influence des fausses nouvelles sur les épidémies a démontré que dans les réseaux sociaux, par exemple, les informations percutantes, sensationnalistes, à forte charge émotive circulent plus facilement et rapidement que les informations vérifiées et validées.
La peur est normale, pas l’obsession
Une question peut se poser : pourquoi avons-nous collectivement peur ? Cette peur serait-elle co-construite et alimentée par les uns et les autres, participant chacun à leur manière à la surenchère de « nouvelles » sur la COVID-19 ? Est-ce cette surenchère d’informations quotidiennes qui nous pousse à craindre la pénurie de biens essentiels comme le papier hygiénique, les lingettes antiseptiques et autres produits désinfectants ?
La peur est une émotion légitime et souhaitable dans certaines situations. Il s’agit d’un mécanisme de défense du cerveau qui évalue la probabilité que certains risques puissent réellement nous menacer.
Elle devient problématique lorsqu’elle perdure ou se transforme en angoisse. Et cela devient encore plus problématique lorsque l’objet de cette angoisse se transforme en obsession, qui monopolise toute notre attention en biaisant la perception que nous avons de ce qui nous entoure.
Des scénarios hollywoodiens
Certains concepteurs, influenceurs et relayeurs d’information se nourrissent de cette peur en nous rappelant combien nous sommes collectivement vulnérables face aux risques qui jalonnent notre existence. Ils créent les conditions propices à l’émergence d’une culture de la peur, symptomatique de sociétés qui cherchent à prévenir tous les risques susceptibles de compromettre notre mode de vie. Pour citer le sociologue Gérald Bronner, « la peur est un très bon produit sur le marché dérégulé de l’information ».
Dans les réseaux sociaux, on voit défiler des messages établissant des liens entre la propagation de la COVID-19 et les scénarios apocalyptiques des films de science-fiction ou d’horreur issus de notre « culture cinématographique occidentale ». On peut d’ailleurs s’interroger sur le fait que certains des films et séries les plus récemment regardés aient un lien avec les grandes pandémies, qu’on pense à Contagion ou à L’épidémie (Outbreak).
D’autres évoquent les similarités entre la propagation de la COVID-19 et les grandes épidémies qui ont fauché des millions de vies dans le passé, telles que la peste, le choléra, la variole, la grippe espagnole.
Le défi de trouver l’équilibre
Toutefois, l’heure est à la concertation. Les autorités gouvernementales doivent en ce moment relever un défi délicat : diffuser assez d’information, mais pas trop non plus. Les dirigeants ont pour mission de calmer la population, d’atténuer la peur, tout en diffusant des messages clés, simples à comprendre et qui apparaissent comme étant préventifs, en concordance avec des pays qui traversent une situation similaire.
Trop d’information nuit à l’information
La capacité de prendre des décisions rationnelles et réfléchies dans un tel contexte devient difficile, car trop d’information conduit à de la désinformation. Cette infodémie engendre du stress et une perte de sens. Cela est d’autant plus vrai quand il y a beaucoup d’inconnues et d’incertitudes, comme c’est le cas en ce moment.
Rappelons que, dans ce contexte, chaque personne a un rôle à jouer dans la manière de s’approprier l’information et, surtout, dans le choix de la relayer ou non dans les réseaux sociaux. Avant de diffuser certaines informations, des spécialistes de la communication recommandent d’identifier les sources, de lire les articles au complet (et non seulement les titres) et de vérifier le statut des experts qui y sont cités.
Il faut surtout se méfier de ses propres préjugés. Être conscient que la peur et la panique prennent racine dans l’ignorance, elle-même entretenue par le trop-plein d’informations ainsi que les fausses nouvelles qui circulent dans l’espace numérique.
Nous sommes tous responsables de la peur que nous pouvons alimenter chez les autres. Chacun a un rôle critique à jouer en ces temps de crise, non seulement sanitaire, mais aussi, et surtout, sociale.
La version originale de cet article a été publiée sur La Conversation.
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J’en ai par dessus la tête de la diffusion 24 7 sur le corrona virus. Pourquoi ne pas se limiter aux horaires des nouvelles et infos. Ça n’aide pas le moral des gens qui suivent les instructions depuis le tout début. Pour certains la tv est notre seule distraction
Très en accord, puisque nous sommes obligées d’éviter les lieux publiques, on reste devant la TV. De plus, il est parfois divertissant et même loufoque d’entendre certaines questions que posent certains journalistes à nos dirigeants.