À qui la «fôte» ?

Plus que jamais, il vaut mieux se relire deux fois. Car la technologie a ramené l’écriture dans l’art de la socialisation et plus que jamais nous parlons… à l’écrit. 

Illustration : Catherine Lepage
Illustration : Catherine Lepage

Pendant les Fêtes, le député français de l’UMP Frédéric Lefebvre souhaitait à tout Twitter « que le bonheur et la réussite vous sourisse », et le député conservateur Jacques Gourde semait dans Lotbinière–Chutes-de-la-Chaudière une carte de souhaits ornée de sept fautes. Le premier a crié au piratage informatique, et la secrétaire du second a d’abord pris la bourde sur son dos, avant de montrer du doigt l’ordinateur.

Plus que jamais, il vaut mieux se relire deux fois. Les personnalités l’apprennent à leurs dépens, surtout que le compte Twitter @Analphabete1 ne rate aucune occasion de « retweeter » les délinquants de l’orthographe. Chanteurs, humoristes et journalistes passent à la moulinette et ils ne sont qu’une poignée à apprendre de leurs erreurs. Pourtant, nous avons tous les outils en main, surtout depuis que les dictionnaires se sont déployés en applications mobiles.

Devant ses fautes, on a toujours trois options. Les assumer. « Siffler comme un épais », pour citer François Pérusse, qui a le don de cerner la complexité de l’être humain. Ou encore, accuser quelqu’un d’autre. Séduit par la troisième option ? Vous n’êtes pas seul.

Pour cette chronique, j’ai interrogé plusieurs ex-premiers de classe en français, inquiets du nombre de fautes bêtes dont ils tartinent désormais leurs écrits. Eux aussi suspectent des coupables externes. « Le français de mes élèves est si terrible que j’en perds ma langue ! » lance une prof de 5e secondaire. « Les logiciels d’autocorrection ajoutent des fautes dans mes textes ! » s’étonne un sous-titreur pour la télévision. Lorsqu’un lecteur de L’actualité m’a souligné une erreur de terminaison dans un échange de courriels (la faute d’Antidote… que j’avais omis d’utiliser), j’ai appelé André d’Orsonnens, Monsieur Antidote lui-même, pour mettre les points sur les « i » et les « ée » aux bons endroits.

« Les gens font plus de fautes, parce qu’ils n’ont jamais autant écrit », me rassure le pétulant PDG de Druide, entreprise à l’origine du logiciel québécois d’aide à la rédaction. « Dans cette optique, je ne pense pas que notre français se détériore. » L’homme, qui soumet ses statuts Facebook à l’autocorrecteur, estime toutefois que « si nous écrivons davantage, peut-être avons-nous besoin d’un peu plus d’aide ».

Car la technologie a ramené l’écriture dans l’art de la socialisation et plus que jamais nous parlons… à l’écrit. Une personne qui, il y a 20 ans, envoyait des cartes postales et quelques vœux par la poste détaille aujourd’hui sur Facebook l’épisode de gastro familiale, commente des recettes sur le Web avec une ponctuation approximative, et préfère le texto au téléphone pour les conversations informelles (20 % des utilisateurs canadiens de cellulaires ne parleront que trois minutes par jour dans leur combiné, avance le cabinet de conseil d’affaires Deloitte dans ses prévisions technologiques pour 2014). Nos doigts tapent plus vite que notre cerveau n’a le temps de réfléchir, et le correcteur de notre iPhone termine les phrases à notre place.

Les gens connaissent les règles de grammaire, mais ils ne les appliquent pas, font remarquer quelques réviseurs professionnels. Une question de paresse davantage que d’incompétence linguistique, selon eux. Car s’il est permis d’oublier ses notions de français, on a à tout le moins le devoir de faire l’effort de se relire… et de se corriger.

C’est le paradoxe avec l’orthographe. Écrire plus ne rend pas meilleur. Douter, par contre, si. Douter de ce qu’on écrit, de ce que proposent Antidote et Word, qui n’ont pas l’intelligence de comprendre le sens de nos écrits. Douter des dictionnaires. S’ils s’approchent de la perfection, le Multi, le Robert et le Larousse ne sont pas sans reproches. C’est normal, ils sont conçus par des humains !

Et comme l’humain est imparfait, il peut toujours faire mieux. De ça, impossible de douter.

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Verre « à vin » ou « de vin » ? Deux petites minutes par jour dans la Banque de dépannage linguistique, du site Web de l’Office québécois de la langue française, rafraîchissent d’un clic les connaissances en français. Méconnu et financé par nos impôts, voilà un outil à consommer sans modération.

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Je ne vois aucun commentaire au sujet du présent article. Il faut dire que la plupart des commentaires qui paraissent dans ces pages renferment des centaines de fautes… Vaut mieux se taire, je présume.