Acfas : la science de Molière

Le Québec ne serait pas le même sans l’apport de cette organisation, unique au Canada, qui souligne cette année un siècle de savoirs scientifiques en français.

Microscope : Hein Nouwens / Getty Images ; éléments : DrAfter123 / Getty Images ; montage : L’actualité

Même si vous savez que Marie-Victorin n’est pas qu’un cégep, Édouard Montpetit, qu’une station de métro et Léo Pariseau, qu’une petite rue du Plateau-Mont-Royal, vous ferez des découvertes en lisant Pour l’avancement des sciences (Boréal), d’Yves Gingras, qui retrace l’histoire de l’Acfas, dont le premier siècle d’existence sera célébré le 15 juin.

À l’origine, ACFAS (en majuscules) était l’acronyme de l’Association canadienne-française pour l’avancement des sciences, un OSBL fondé à Montréal en 1923 — rebaptisé Association francophone pour le savoir, en 2001. Ses chefs de file historiques, le botaniste Conrad Kirouac (alias le frère Marie-Victorin), l’économiste Édouard Montpetit et le radiologiste Léo Pariseau, évoluaient dans un Québec alors dominé par un clergé qui enseignait plus volontiers le catéchisme et le latin que les maths et les sciences.

« Ils ont littéralement jeté les bases de la recherche en français au Québec et de la modernisation des universités et de l’enseignement », dit Yves Gingras, professeur de sociologie et d’histoire à l’UQAM et cofondateur de l’Observatoire des sciences et des technologies. Dès sa création, l’Acfas a œuvré au grand rattrapage scientifique du Québec en réclamant un renouveau du système éducatif et des matières enseignées.

En plus d’avoir réformé l’enseignement de la maternelle au doctorat, le Québec a désormais son scientifique en chef, qui conseille le gouvernement sur les politiques scientifiques et qui gère les Fonds de recherche du Québec. « On a même quelques chercheurs qui auraient le calibre pour un prix Nobel », soutient Yves Gingras. 

L’Acfas continue sa mission d’origine : promouvoir la recherche et susciter des vocations. Mais avec les moyens modernes : un congrès annuel très couru (6 500 participants et près de 3 500 exposés en 2022) ; des concours de jeunes chercheurs (Génies en affaires, La preuve par l’image, Ma thèse en 180 secondes) ; de la communication (le Magazine de l’Acfas, la plateforme RaccourSci, le bulletin Savoirs, la collection des Cahiers scientifiques, en plus de la première version du magazine Québec Science, devenu indépendant) ; et une présence constante dans les antichambres ministérielles.

Ce sont les Britanniques qui ont créé la première association vouée à la promotion de toutes les sciences auprès du grand public, dès 1831. Les Italiens, les Américains et les Français ont repris l’idée en 1839, 1848 et 1872 respectivement. « L’Acfas était la huitième organisation nationale du genre au monde. C’était très visionnaire », dit Yves Gingras. 

Même s’il admet que l’anglais a pénétré toute la communication scientifique, l’historien insiste sur la nécessité de contenir le phénomène dans la sphère de la connaissance abstraite. « Le plus important, c’est que l’enseignement, la vie de labo, la vulgarisation continuent de se faire en français au Québec. »

Les associations de ce type ont aussi une vocation de surveillance du discours antiscientifique et de la tentation de soumettre la recherche à des intérêts économiques. Car il y a une différence entre l’avancement de la connaissance et le concept à la mode d’« innovation », qui suppose que la recherche doit être source d’enrichissement, explique Yves Gingras. « Par exemple, le scientifique en chef du Québec est désormais sous l’autorité du ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie plutôt que sous celle de la ministre de l’Enseignement supérieur, souligne-t-il. Ça demande de la vigilance. Une chance qu’on a l’Acfas pour y voir. »

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