Combien de jours de canicule comptera cet été ? Peu importe la réponse, il est sûr que les conditions resteront endurables en comparaison de celles que vivent déjà bien des habitants de cette planète.
L’Asie du Sud vient de traverser la pire vague de chaleur de son histoire pour le mois d’avril. En Chine comme en Inde, un grand nombre de records ont été battus ; en Thaïlande, le mercure a dépassé les 45 °C, une première ; à Bangkok, la température ressentie a même atteint 54 °C. Vu la chaleur extrême et l’humidité qui se conjuguent dans cette partie du monde, certains scénarios publiés ces dernières années dans les revues scientifiques laissent présager que l’Asie du Sud sera une des premières régions potentiellement inhabitables d’ici la fin du siècle.
Une étude à laquelle fait écho la revue The Lancet vient par ailleurs d’analyser la surmortalité produite par les températures excessives dans 854 villes européennes depuis le début des années 2000. De 2000 à 2019, le froid a fait mourir 10 fois plus de gens que la chaleur, mais les spécialistes croient que la tendance va s’inverser. Et dans quelle ville du continent la chaleur cause-t-elle actuellement le plus de décès ? À Paris. D’où l’intérêt du nouveau plan d’urbanisme de la capitale française, qui place en priorité l’adaptation aux changements climatiques.
Il est donc prévu de créer une dizaine de parcs, de multiplier les îlots de verdure, de protéger les arbres existants et de poursuivre la végétalisation de l’ensemble des cours d’école d’ici 2050. Une approche qu’à mon avis, toutes les grandes villes devront finir par adopter.
L’idéal serait bien sûr de changer nos habitudes de consommation et nos modes de vie. Ah, fermer les commerces et les bureaux pour plonger dans une sieste méditerranéenne par un après-midi de chaleur intense ! Il semble toutefois qu’on aura davantage recours à la climatisation — ce qui ne fera qu’accentuer les dérèglements du climat.
Mais des chercheurs croient aussi que le corps humain développera son endurance. Une expérience particulière est en cours à ce sujet sous l’égide du Human Adaptation Institute (nom officiel d’un groupe de recherche bel et bien français !).
N’est-ce pas là le vrai secret de notre solidarité, qui a tant fait débat ce printemps quand le premier ministre François Legault l’a attribuée au catholicisme ?
Sur une durée de six mois, 20 Européens âgés de 25 à 52 ans et venant de différents milieux ont été envoyés dans trois régions aux températures extrêmes : forêt humide guyanaise, terres polaires de la Laponie, au nord de la Finlande, puis désert saoudien. Des expéditions de 40 jours dans chacun des endroits.
L’objectif de cette mission scientifique, appelée Deep Climate (soupir…), est de vérifier comment, physiquement et psychologiquement, des gens ordinaires arrivent à s’adapter à de telles variations climatiques. Jusqu’ici, des tests du genre avaient été conduits soit en laboratoire, soit auprès de groupes ciblés, comme des militaires ou des athlètes.
Les résultats seront connus à la fin 2024, mais le quotidien Libération a récemment consacré un intéressant reportage à cette expérience… qui m’a fait m’exclamer : on aurait pu mener cette enquête au Québec !
Ainsi, l’article évoque le « froid lapon très versatile », où la température varie entre – 10 °C et – 30 °C, avec des tempêtes soudaines. Je trouvais cet exotisme bien familier ! Et puis, je l’avoue, la crainte du froid exprimée par les membres de la mission m’a fait sourire.
En même temps, je comprenais mieux que si pester contre l’hiver est un sport national des Québécois et finit par nous faire rigoler, on oublie à quel point ce n’est pas banal du tout d’endurer tant de froidure et de neige.
Ça ne l’est pas non plus de plonger ensuite dans un printemps où on peut vivre toutes les saisons en une seule semaine — du verglas jusqu’aux grandes chaleurs, comme cette année ! Quant à l’été, il s’avère parfois aussi accablant que les pires moments de l’hiver.
Les blocs de 40 jours vécus par les participants de Deep Climate se succèdent année après année au Québec. Sommes-nous conscients de l’adaptation et de la résistance collectives que cela exige ? N’est-ce pas là le vrai secret de notre solidarité, qui a tant fait débat ce printemps quand le premier ministre François Legault l’a attribuée au catholicisme ?
La science donne du poids à mon hypothèse. En effet, l’expérience Deep Climate permet déjà de constater que lutter contre le froid rapproche les gens. Comme disait l’une des participantes, cela ravive « l’instinct primitif de survie de faire corps ». Plus qu’ailleurs, le séjour en Laponie a développé l’entraide au sein du groupe.
Ce n’est pas pour me vanter, mais j’avais souligné ce trait dès 2019 dans mon essai J’ai refait le plus beau voyage : l’hiver au Québec, c’est la solidarité ! C’est en « gang » qu’on pousse une voiture enlisée dans la neige. Cela se répercute sur toute notre manière de vivre.
Mesurons notre privilège d’être aussi aguerris pour affronter les perturbations de l’avenir.
Cette chronique a été publiée dans le numéro de juillet-août 2023 de L’actualité.
Texte bien pertinent comme vous savez les écrire et que j’apprécie. Il met en »lumière » qu’il est de très loin préférable de se pencher sur des causes réelles et naturelles plutôt que sur des croyances religieuses ou surnaturelles afin de tenter d’expliquer le monde dans lequel nous vivons… et cela jusqu’aux phénomènes de société.
C’est un beau clin d’oeil à notre climat. Cependant, j’ai le sentiment qu’il y a aussi un peu d’autres choses qui nous font être ce que nous sommes.
Belle réflexion mais au fond, que ce soit Dame Nature ou le Bon Dieu qui rende l’humain ce qu’il devient qu’est-ce que ça peut bien faire sur notre finalité et tout le tracée d’une vie entre la naissance et la mort?
La Vie comporte tellement de surprises qui nous arrivent de partout, du climat indomptable à l’accident bête, d’une naissance non désirée à l’arnaque fatale.
Solidaires? Humains avant tout, sciences ou non…
Quant à moi, tout ce qui nous entoure, sciences, politiques, biens de consommation ne sont qu’un habillement extérieur. L’intérieur de l’humain, sa conscience sociale innée sont le fondement de sa solidarité
Beau texte! Le franglais de nos cousins français (« Human Adaptation Institute », « Deep Climate ») pour faire « worldwide » et « branchés » me désespère. J’appréhende les « Paris 2024 Olympic games »…
Plus important, il faut éviter d’opposer réduction des émissions de GES et adaptation aux changements climatiques. Ce serait comme opposer prévention et soins dans le domaine de la santé. Il faut faire les deux.
Un peu de science… Basé sur la biochimie de son organisme, un être humain est adapté pour fonctionner avec une température interne constante de 37°C (±1°C). Si la température interne dépasse 40°C, pendant un temps qui dépend de l’état de santé général de l’organisme, sa survie est compromise.
Dès que la température extérieure dépasse 37°C, l’organisme réagit en tentant d’évacuer de la chaleur par évapotranspiration, car la sueur en s’évaporant retire de la chaleur. Pour y arriver, le rythme cardiaque, le débit sanguin cutané et l’activité des glandes sudoripares augmentent. Un être humain peut survivre même si la température externe atteint 50°C dans la mesure où il réussit à se refroidir par évapotranspiration. Pour cela il doit boire (jusqu’à 2 litres d’eau par heure ) et il faut de l’air sec pour que la transpiration puisse s’évaporer. Aussi, l’évaporation augmente avec la vitesse de déplacement de l’air à la surface de la peau (ventilateur). Par contre, si l’air est humide, l’évaporation diminue et cesse tout à fait quand l’air est saturé de vapeur d’eau. Source: https://bit.ly/46cxOQQ
Scientifiquement vôtre
Claude COULOMBE