Les maires corrompus font les manchettes des journaux et les maires maladroits, les délices d’Infoman. Les maires compétents, eux, passent trop souvent inaperçus, mais ça pourrait bientôt changer.
Le Québec entre dans un petit âge d’or municipal. Les villes ont obtenu plus de pouvoirs en 2017 sous le gouvernement de Philippe Couillard. François Legault leur versera plus d’argent dès l’an prochain, provenant des revenus de la taxe de vente provinciale. Cette approche permet d’espérer une moins grande dépendance aux impôts fonciers, cette drogue responsable de tant de choix de développement mal avisés.
Les maires les plus innovateurs ont la voie libre pour faire leur marque, et ça tombe bien, car on a un grand besoin d’eux ! Il est loin le temps où les municipalités se contentaient de ramasser les déchets et d’éteindre les incendies. De nombreux dossiers s’invitent désormais dans les hôtels de ville : attraction des immigrants, guerre aux inégalités et lutte contre les changements climatiques, entre autres.
Le palmarès des villes où il fait bon vivre publié dans ce numéro donne un aperçu des talents de maestro nécessaires pour assurer le bonheur et la prospérité de sa ville. Beaucoup de maires se démarquent grâce au fort sentiment d’appartenance qu’ils ont su faire fleurir chez leurs concitoyens. Tout un exploit en ces temps où le moindre bout de rue mal déneigé peut créer une tempête sur les réseaux sociaux !
On constate aussi qu’il est maintenant temps d’en finir avec le cliché des banlieues-dortoirs. Bien des villes en périphérie des grands centres figurent en position très enviable, signe qu’il est plus facile qu’avant d’y trouver les ingrédients requis pour être heureux, que ce soit un emploi stimulant, des commerces branchés ou des pistes cyclables en abondance.
Malgré les trop nombreuses heures perdues dans les embouteillages, l’élan vers des coins de pelouse de plus en plus excentrés ne donne aucun signe d’essoufflement. Au contraire. Selon l’Institut de la statistique du Québec, c’est dans les Laurentides, la Montérégie et Lanaudière que l’on observera les hausses les plus importantes du nombre d’habitants d’ici 2041. La MRC de Mirabel verra même sa population exploser de 45 % !
Force est d’admettre que la conquête de nouveaux territoires où planter le bungalow n’est pas près de s’arrêter, malgré les problèmes bien connus créés par l’étalement urbain : disparition de milieux naturels et de terres agricoles, dégradation de la qualité de l’air, augmentation des ennuis de santé et du gaspillage d’énergie, etc. On peut espérer que tout le monde se convertisse aux charmes de la vie piétonne sur le Plateau, mais on ne peut pas empêcher les gens, quand vient le temps pour eux d’élire domicile, de voter avec leurs pieds et leur portefeuille.
C’est justement pour ça qu’on a besoin d’une nouvelle garde de maires visionnaires, convaincus de la nécessité d’innover pour changer le cours des choses, et appuyés par un gouvernement du Québec assez courageux pour mettre des balises claires concernant l’aménagement du territoire.
On voit d’ailleurs à l’œuvre de plus en plus de ces maires futés, comme Maxime Pedneaud-Jobin à Gatineau, soucieux de demander conseil aux universitaires pour réinventer efficacement les transports en commun. Ou comme Valérie Plante à Montréal, déterminée à forcer les grands promoteurs à inclure davantage de logements abordables dans leurs projets. Ou comme ces élus des Laurentides, unis dans leurs efforts pour attirer des employeurs d’envergure dans leur région et ajouter des emplois intéressants à proximité.
Même le gouvernement Legault montre des signes prometteurs, lui qui a réagi aux inondations du printemps dernier en prenant enfin des mesures pour décourager la construction en zone inondable. Bon, il continue certes de défendre la pertinence du troisième lien à Québec avec des arguments risibles. Mais il n’est pas trop tard pour rendre inutile la construction du quatrième lien…
Cet éditorial a été publié dans le numéro de décembre 2019 de L’actualité.