On aimerait pouvoir dire que certains combats sont derrière nous. Que les luttes féministes pour l’égalité ont porté leurs fruits. Qu’il serait aujourd’hui gênant, au Canada, de reprendre la discussion sur le droit des femmes à disposer librement de leur corps. Que notre « home sweet home » n’est pas comme l’Alabama, qui vient de bannir l’avortement sur son territoire, même en cas de viol ou d’inceste. Que notre Charte des droits et libertés est immuable et protectrice de ces droits essentiels.
Pourtant, le droit à l’avortement demeure soumis à la possibilité d’utilisation de la disposition de dérogation, quand d’autres droits (linguistiques notamment) ne le sont pas. Cette disposition, qui est d’ailleurs au cœur du projet de loi sur la laïcité actuellement débattu à l’Assemblée nationale, permet de soustraire une loi au contrôle judiciaire pour une durée de cinq ans, faisant prévaloir le politique sur le juridique.
En d’autres termes, un gouvernement élu au fédéral avec la promesse de criminaliser de nouveau l’avortement n’aurait qu’à invoquer la disposition de dérogation pour arriver à ses fins.
Sommes-nous si éloignés de ce scénario? La parole est aux politologues, mais les divers combats juridiques des dernières années nous laissent penser qu’il est encore essentiel de demeurer vigilant.
Petit retour en arrière. En 1988, c’est grâce à l’arrêt Morgentaler de la Cour suprême du Canada que l’avortement a été décriminalisé. Le Dr. Morgentaler, ainsi que quelques collègues de sa clinique d’avortement, étaient sous le coup d’accusation «de complot avec l’intention de procurer des avortements», infractions alors prévues au Code criminel. Si l’avortement est aujourd’hui légal, c’est parce que ces dispositions ont été invalidées en vertu de la Charte canadienne. Et bien que ce célèbre jugement ait maintenant plus de 30 ans, les groupes pro-vie continuent aujourd’hui d’être très actifs, et plusieurs embûches au droit à l’avortement perdurent au Canada.
Harcèlement contre liberté d’expression
En 2016, le Ministre de la Santé du Québec a soumis à l’Assemblée nationale une loi restreignant les manifestants pro-vie de faire valoir leurs positions à un minimum de 50 mètres de distance de toute clinique d’avortement. Cela faisait suite à plusieurs plaintes pour harcèlement de la part de patientes et d’employé(e)s de ces établissements.
Tout récemment, une médecin québécoise, accompagnée du groupe antiavortement, Campagne Québec-Vie, a cependant déposé une demande judiciaire visant à invalider cette loi, en plaidant la liberté d’expression des manifestants.
Pourtant, de telles lois existent ailleurs au pays. Un dossier similaire a été entendu devant la Cour d’appel de Colombie-Britannique en 2007, mais sans succès. La Loi sur l’accès aux services d’avortement de cette province est toujours en vigueur aujourd’hui. Les tribunaux font l’équilibre entre le droit à la liberté d’expression des manifestants pro-vie, et le droit à la sécurité et à la vie privée des femmes ayant recours aux services de ces cliniques. La Cour supérieure du Québec l’entendra-t-elle autrement? Il est permis d’en douter.
Un accès déficient
Si l’avortement est décriminalisé, il semble que son accès n’en est pas pour autant garanti dans certaines régions du pays. Jusqu’en 2016, les femmes n’avaient pas accès à des services d’avortement à l’Île-du-Prince-Édouard. Elles devaient se rendre au Nouveau-Brunswick ou en Nouvelle-Écosse pour en bénéficier. Une (autre) poursuite en vertu de la Charte canadienne contre ce gouvernement a forcé ce dernier à rendre disponible l’interruption volontaire de grossesse aux femmes de la province.
En passant, vous avez bien lu : 2016, soit 28 ans après la fin de la poursuite contre le Dr. Morgentaler.
Encore aujourd’hui, plusieurs communautés autochtones et plusieurs régions du Canada souffrent de ce manque d’accès à un service pourtant parfaitement légal au Canada, et censé être couvert par les différents régimes d’assurance-maladie. Bien que le Québec totalise pas moins de 50% des cliniques d’avortement au pays, la répartition de celles-ci demeure inégale selon les régions.
Au Nouveau-Brunswick, le financement de l’avortement n’est octroyé que dans les hôpitaux, alors que c’est l’universalité du système public de santé qui devrait être garantie par la Loi canadienne de la santé. Santé Canada trouvait d’ailleurs encore préoccupant l’accès à ce soin dans son rapport annuel 2016-2017 pour cette province. Jusqu’en 2014, les femmes devaient obtenir l’avis de deux médecins pour obtenir un avortement.
C’est donc dire que l’inquiétude des femmes est encore parfaitement justifiée et légitime, en 2019. Et ce n’est pas la déclaration d’un député conservateur ontarien qui souhaite faire de l’avortement une chose «impensable» au Canada, ou celle d’un député fédéral manitobain qui crie en pleine chambre que «l’avortement n’est pas un droit» ou encore, certains populistes qui voient un débat parlementaire sur la question comme un «beau risque», qui vont les rassurer.
Je ne pense pas qu’il y a question de criminaliser le droit à une femme d’assassiner l’enfant qui est dans son ventre. Il n’y aura pas de retour là dessus. Mais, je pense qu’il est grand temps que l’on remette officiellement les pendules à l’heure au sujet des droits des enfants non nés. Je pense que ces enfants ont droit de ne pas se faire traiter de déchet, qu’ils ont parfaitement, et légalement et officiellement le droit au statut d’être humain, non né. Je pense que c’est in minimum. …
La principale faille de cet article, et qui rend fausse toute la suite de l’argumentation, c’est que l’avortement n’est pas un « droit essentiel » (et ce je crois bien nulle part dans le monde). C’est un droit seulement dans le sens qu’il s’agit d’une activité qui, au Canada au contraire de presque tous les pays du monde, n’est pas interdite par la loi tant que l’enfant n’est pas sorti vivant du ventre de sa mère
M. Gauvreau, ce que vous dites est faux. La majorité des pays avancés acceptent l’avortement, au moins partiellement.
https://www.cairn.info/revue-population-2018-2-page-225.htm#
C’est triste qu’on doive encore expliquer que les gens et politiques anti-avortement ne sont PAS « pro-vie ». Au contraire, toutes les études sérieuses montrent qu’il y a plus de morts (mères et enfants confondus) lorsqu’on limite l’accès à l’avortement. Les anti-avortements ne semblent pas réaliser que les endroits qui veulent limiter l’avortement ont tendant à le faire par interdiction, en diminuant les droits des femmes à décider. On peut argumenter que l’avortement est un meurtre, si les femmes continuent de tomber enceintes sans avoir les moyens (pas juste financiers) de s’en occuper ensuite, depuis 2000 ans qu’elles ont recours à l’avortement. Ça ne changera pas avec une énième loi contre l’avortement.
Les interdictions ne réduisent pas le nombre d’avortements, ça ne réduit que la sécurité… Ce qui réduit le nombre d’avortement POUR DE VRAI : éducation sexuelle de qualité, filet social et accès à la contraception. Bizarrement, ceux qui sont contre l’avortement sont souvent contre l’éducation sexuelle et la contraception. Ce qui me fait dire qu’inconsciemment ou non, ils ne veulent pas vraiment sauver des vies d’une façon inappropriée, mais plutôt contrôler la sexualité, surtout celle des femmes.