Ça doit changer

La rentrée scolaire houleuse laisse entendre que l’éducation n’est pas importante au Québec. La réforme Drainville doit être l’occasion de casser le moule qui ne fonctionne plus.

Photo : Christian Blais pour L’actualité

Le jour où mon aînée a commencé la maternelle, nous étions toutes deux fébriles. La grande aventure scolaire débutait ! Mais notre enthousiasme a rapidement été douché par les premiers mots de l’enseignante qui nous a accueillies en classe : « J’ai su seulement hier soir que j’avais ce poste, je n’ai jamais travaillé dans cette école et je n’ai jamais enseigné en maternelle. Alors, si vous avez des questions, je ne pourrai pas y répondre. » Après quelques secondes de silence, elle a baissé les yeux vers la vingtaine de petits visages qui l’observaient, la mine déconfite : « Mais ne vous en faites pas, les enfants, tout va bien aller ! »

J’ignore comment s’est terminée cette année-là pour elle ; deux semaines plus tard, elle a été mutée dans une autre école. 

Mais j’ai repensé à cette jeune enseignante en voyant le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, tenter d’expliquer pourquoi les centres de services scolaires étaient encore en train de chercher des profs alors qu’une bonne partie des parents avaient déjà fini d’étiqueter les fournitures de leurs enfants. La promesse qu’il a lancée, « Il y aura un adulte dans chaque classe ! », semblait autant relever de l’impuissance que le laïus qui a marqué le début de ma vie de mère d’écoliers. 

Chaque Québécois devrait être indigné par l’état de notre système scolaire. Nous y consacrons collectivement 20 milliards de dollars par année. C’est le deuxième poste budgétaire en importance du gouvernement, après celui de la santé. Sa mission est cruciale pour l’avenir de notre société : le dynamisme du Québec de demain est directement lié à ce qui se passe dans les classes aujourd’hui. Pour conserver nos acquis et améliorer notre qualité de vie, il faut former des citoyens instruits, compétents et épanouis. 

Sachant les coûts sociaux qu’entraîne le décrochage et les bénéfices que représente une forte diplomation, il serait logique de mettre le paquet sur le réseau scolaire : bâtiments impeccables et adaptés aux besoins éducatifs ; enseignants bien formés, valorisés et payés à leur juste valeur ; dépistage systématique et prise en charge précoce des difficultés d’apprentissage ; recherche constante des meilleures pratiques pédagogiques et évaluation continue des résultats obtenus. L’objectif de la société entière (et non seulement de l’école) devrait être de tout mettre en œuvre pour ne pas échapper un seul enfant. 

Comparer cette liste avec la réalité donne envie de pleurer. Plus de 60 % des écoles sont en mauvais état. Des élèves attendent des mois pour recevoir des services spécialisés comme l’orthophonie. Le ministère peine à obtenir du réseau des informations de base tel le nombre de postes vacants. La création d’un institut voué à recenser la recherche sur les méthodes d’enseignement suscite une levée de boucliers jusque dans les facultés des sciences de l’éducation (comment des universitaires peuvent-ils être contre le partage de connaissances ?). Avec ses trois vitesses (public, programmes particuliers au public et privé), le système scolaire engendre une iniquité croissante. Et bien sûr, les enseignants écœurés par des conditions de travail désastreuses quittent le réseau à pleines portes, ce qui mène à la situation actuelle : un ministre qui ne peut pas promettre que chaque enfant aura un prof. 

Après cette rentrée houleuse, l’éducation demeurera au cœur des débats avec les discussions entourant l’adoption du projet de loi 23, qui donnera plus de pouvoirs au ministre de l’Éducation. En même temps se poursuivent les négociations pour le renouvellement des conventions collectives du secteur public, dont celles des enseignants. 

Sur les deux fronts, on entend depuis le printemps les échos d’un même message émanant de divers horizons : « Le statu quo est intenable… mais il ne faudrait surtout rien changer ! » Forcément, si des façons de faire se sont cristallisées ainsi pendant des années, c’est qu’elles font l’affaire de certains. Il faut casser ce réflexe du « pas de changement dans ma cour ». La situation actuelle nuit aux élèves, aux enseignants, au personnel des écoles et au Québec en entier. Elle doit changer. 

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Dans cet éditorial, madame St-Germain nous parle du piteux état du monde de l’école tant au sens propre qu’au sens figuré. Elle parle au nom des enfants, aspire au meilleur pour eux, demande et exige des changements, souhaite implicitement que soit brisée la structure actuelle pour parvenir aux objectifs louables d’offrir une éducation de qualité.

En principe on ne devrait être qu’entièrement d’accord avec cela. — Pourtant cela me met un peu mal-à-l’aise. Pourquoi l’éducation ne marche pas aussi bien que cela ?

Dans cet éditorial, madame St-Germain nous parle des enfants, des enseignants, de la pénurie de profs, un peu du ministre en charge, lequel dans une autre époque était surtout le ministre de la propagande souverainiste de Pauline Marois, depuis nous connaissons le résultat.

La seule chose dont on ne nous parle pas, ce sont les parents. Ou plutôt les seuls parents dont parle madame St-Germain, c’est d’elle-même. À première vue, elle est une parente modèle, on ne peut que constater qu’elle est très impliquée dans l’éducation de son aînée, qu’elle écoute attentivement ce que dit l’éducatrice quoique inexpérimentée (l’éducatrice) ; ainsi est-elle pleinement engagée dans le processus d’éducation de sa fille ou de ses enfants.

Tout le monde adorerait que l’éducation fonctionne de manière optimale, l’éducation des enfants, c’est l’affaire des parents. Dans tous les foyers qui valorisent l’éducation, les enfants finissent toujours par trouver leur chemin. Dans les foyers où les parents se déchargent de leurs responsabilités sur le système éducatif sous prétexte qu’ils payent des taxes… eh bien les enfants éprouvent des difficultés d’apprentissage, la charge pour les enseignants devient insurmontable.

L’école des enfants, c’est d’abord l’école des parents et selon moi, il n’y aura pas d’écoles ou d’établissements d’éducation dignes de ce nom tant et aussi longtemps qu’on ne fera pas la leçon aux parents. Aucun changement ne sera réellement bénéfique aussi longtemps que tous les parents ne s’impliqueront pas entièrement dans l’éducation.

J’ai connu un outil quand j’étais encore élève, puis au-cours de la courte période où j’ai exercé le métier d’enseignant, cet outil s’appelait le « Carnet de correspondance », il permettait au prof de correspondre avec les parents, il me permettait quelquefois de solliciter un rendez-vous. Après un bonne discussion avec les proches, j’ai pu constater comment les résultats des enfants s’amélioraient en un rien de temps. Les parents qui auparavant négligeaient l’éducation de leurs progénitures s’impliquaient et finalement : élèves, professeurs et parents ne s’en trouvaient que bien mieux.

Pour obtenir ce genre de convivialité, cela ne se compte pas en milliards de dollars, cela demande seulement un peu de volonté, un peu d’imagination, cela démontre qu’une communication empathique, sensible, bien faite est susceptible d’accomplir toutes sortes de miracles. La convivialité est une valeur cardinale en éducation.

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Il faudrait voir l’école comme un projet de société – et y investir en conséquence. Or, la population ne veut pas payer plus d’impôts… Un proche m’a déjà dit : « Pourquoi je paierais des taxes scolaires si je n’ai pas d’enfants à l’école? ». L’individualisme nous fait mal en tant que société. (Et oui, je suis certaine qu’on pourrait aussi améliorer l’efficacité de ceci ou de cela)

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