Je suis le Canadien très sérieusement depuis un an seulement. Je le « suivotais » avant, surtout quand il se rendait en séries. J’aimais l’intensité de l’émotion qui se cristallisait, augmentait à mesure que l’on avançait vers une chance d’entrevoir la Coupe. J’aime les phénomènes qui nous rassemblent. Enfin, ça dépend lesquels…
Je nous revois en début de pandémie, rassemblés autour de la messe de 13 h. Le premier ministre qui nous annonce chaque jour le nombre de cas, le total des morts, comme un funeste métronome qui bat la mesure d’un temps visqueux. Ce temps qui est presque figé. Qui nous amène vers un avenir incertain, un futur où tout a été chamboulé.
Il faisait noir dans cette incertitude. Montréal fermait, je me souviens d’être revenue de l’épicerie où les rayons étaient presque vides, je tenais la main de ma petite qui, elle, gambadait, loin de se douter de tout ce qui l’entourait. J’entendais les conversations des passants, un homme qui disait au téléphone être soulagé d’avoir été mis à pied, d’au moins connaître enfin la décision de son boss…
Les gens perdaient leur boulot, l’école était fermée, le parc était gris, les modules de jeux étaient recouverts de rubans jaunes marqués « danger ». Et il y avait 27 ans que le Canadien ne s’était pas rendu en finale de la Coupe Stanley… Rappelez-vous combien le printemps 2020 était gris. Mon quartier avait des airs de Tchernobyl. Abandonné. Seuls les joggeurs restaient fidèles au poste. Se multipliaient. Battaient l’asphalte comme pour redonner un pouls à la ville.
Et puis… Un an et demi plus tard. Doublement vaccinée, je me tenais le 24 juin, un soir de Saint-Jean, sur le même coin de parc qui avait été témoin de mon inquiétude, de mon désarroi, pour voir sortir une foule colorée bleu, blanc, rouge. L’observer hisser une Coupe gonflable à bout de bras. Se faire des accolades, s’enivrer d’une joie que l’on ne croyait plus possible.
Les conditions de la ligue ont dû être adaptées à la pandémie. On a créé des bulles, des divisions différentes. Au départ, tout cela était bien sûr tout simplement pour ressusciter le sport. Remettre la rondelle en jeu était déjà bien. Et puis certains ont dit que ceux qui gagneraient la Coupe cette année ne gagneraient pas vraiment la Coupe. Les conditions n’étaient pas normales. Pas respectées.
Au contraire, cette Coupe, après tout ce que l’on a vécu, est sans doute plus importante que les autres. Le seul fait d’accéder à la finale réinsuffle instantanément à la ville un espoir, une soif qui donne envie de vivre. Canadien, c’est le vaccin que l’on ne voyait pas venir.
Merci pour nous donner de l’espoir.
Je suis très heureux pour vous et ceux qui ont le hockey pour passion. Pour les autres, comme ma famille, ça ne change strictement rien et on va s’en tenir au vaccin qu’on a reçu!
Sans doute eût-ce effectivement injecté quelque fierté plus au pays du Québec si le CH fût parvenu à aller chercher la Coupe. Mais à défaut, quelle « ‘différence’ » à la fin? Pourquoi en effet ne pourrait-on se féliciter autant de ce que la meilleure équipe, ayant joué le plus beau et bon hockey, l’emporte, comme allant de soi?
A fortiori considérant que se trouve en cette équipe, tant en son coeur qu’à sa tête (dg), autant sinon plus de québécité même qu’en l’équipe montréalaise, où a-t-on grand peine à y trouver trois joueurs parlant français.
Pour qui les a observés jouer, était évident que Tampa surclassait le CH. Puis, pour ne considérer que la dernière partie (hier), l’évidence était là, plus crue encore. Car le but que n’a pu ne pas laisser compter Price, le gardien adverse n’eût pas davantage pu ne pas faire de même. C’est l’équipe (‘as a whole’), donc, qui, ultimement, en ‘décidait’, qui faisait que ça ‘tourne’ comme ça le faisait. Et en c’cas-là, émanant, en plus, de l’ultra fine intelligentissime passe d’un Québécois… Alors, oui, pourquoi n’y aurait-il pas lieu de s’en réjouir?
Bref, c’est comme si la territorialité physique géographique prévalait sur d’autres caractéristiques, plus socio-humaines, telles l’(origine d’)«appartenance», l’identité? Et ce, paradoxalement, au moment où le télé domine et des frontières s’éclipsent, s’amenuisent ou se distendent?