Elle a des cheveux cuivrés qui brillent comme l’or. Je la regarde dormir. Tous les trois, j’aime les regarder dormir. On aime voir nos enfants s’assoupir, comme on aime être témoin des couchers de soleil. Ce moment serein où le paysage nous donne le sentiment du devoir accompli. Le soleil s’éteint sur une autre journée. Mon labeur est fait pour ces 24 heures. J’en aurai 24 nouvelles demain.
Le temps passe. Le temps passe sur mes enfants et je chéris les jours que j’ai. Je sais que je suis en ce moment dans le moelleux de la vie. Oui, nous traversons une pandémie, mais je ne dois pas oublier tout de même de profiter des moments « bacon ». Les moments où je prends les meilleures bouchées de ma vie. Nous avons fait trois enfants assez rapprochés, l’un à la suite de l’autre. La petite enfance est tellement exigeante. Et puis, nous avions nos carrières à installer. Je suis retournée aux études quand les trois étaient encore minuscules. Tout cela était éreintant. Tant pour moi que pour mon mari. Avoir une situation financière précaire, amorcer sa vie professionnelle tout en apprenant à devenir parent, ça met une pression sur le couple et sur le quotidien. Le stress ne semble pas avoir le temps de se dissiper. Tu traînes celui d’hier et aujourd’hui n’offre pas d’espace pour que tu puisses reprendre ton souffle. Tu encaisses.
Puis un jour, l’école arrive. L’école avec son soutien. L’école qui veut dire que tes enfants sont rendus indépendants. Autonomes. Ils savent peu à peu faire les boucles de leurs souliers, laver leurs mains, ils pénètrent dans ce microcosme qui devient le leur. Ils passent de longues journées dans un monde que tu connais moins, à développer des dynamiques tant avec les amis qu’avec les enseignants. Quand j’étais enceinte d’eux, je savais qu’ils commençaient dans mon ventre et que chaque jour ils s’éloigneraient un peu. Je les accompagne dans ce mouvement.
Je suis présentement dans le tendre de l’enfance. Je jouis de leur autonomie, ils ne sont plus dans mes jupons, ils reviennent de l’école, me balancent leur sac à dos et ressortent illico. Et je suis avant l’orage de l’adolescence. Je profite encore du creux de leur cou, prends de grandes inspirations pour faire des réserves. C’est autant ma paye que ma peur qu’ils partent trop vite.
J’ai longtemps lutté contre ce rôle de mère, pensant que je devais l’opposer à ma carrière. À l’heure où l’on voit poindre les petits dans nos réunions Zoom, qu’on les aperçoit pleurer pendant des chroniques de parents à la télé, nos vies professionnelles et personnelles n’auront jamais été autant entremêlées. Je ne veux pas séparer les deux. Ma vie familiale est le moteur de tout ce que je fais. C’est pour mes enfants aussi que j’ai besoin de travailler. Pour des raisons financières évidentes, mais également parce qu’ils sont ma motivation, le sens de ma vie, et parce que mon travail fait de moi la femme entière que je suis. Qui, au final, n’a qu’un seul souhait : s’épanouir et profiter de la joie d’être leur mère.