
Les Chinois s’en vont sur la Lune, le nombre de pauvres décline dans le monde, la violence et les conflits armés sont en baisse…
On ne le croirait pas à voir les bulletins d’informations, mais c’est vrai. Jamais autant de gens n’ont vécu à l’abri du besoin et de la peur. Le travail qui reste à faire est d’assurer l’équité. Entre les générations, les travailleurs, les retraités, les pays, les pollueurs ! On en parlera beaucoup en 2014.
Jamais autant de personnes sur la planète n’auront su — merci Internet — que l’expression « ce n’est pas juste » pouvait s’appliquer à elles. Comment contenter tout ce beau monde ? Des économistes ont quelques idées.
Prenez la pollution et le réchauffement climatique, qui menacent de laisser aux générations futures une planète exténuée. Le problème, disent-ils, est mal posé.
Bien sûr, l’humanité épuise à un rythme rapide des ressources comme le charbon et le pétrole. Dans certains cas, c’est inévitable. Les Chinois, par exemple, qu’on voudrait contraindre à polluer moins, ont raison de dire : « ce n’est pas juste ». Ils ont besoin de cette énergie pour sortir de la pauvreté des millions de personnes. En espérant que celles-ci, mieux nourries, plus instruites, contribueront à leur tour au savoir mondial et, qui sait, trouveront de nouvelles technologies ou d’autres sources d’énergie ! Pourquoi ne pourraient-ils aspirer au bien-être dont jouissent les Canadiens ?
Au lieu de préserver les ressources, il faudrait, disent des économistes, dont le Nobel américain Robert Solow, « préserver la capacité des générations futures de créer leur propre bien-être ».
La nuance vaut la peine qu’on s’y attarde. Comment savoir, en effet, quels seront les besoins des générations futures et, surtout, de quelles technologies elles disposeront pour y répondre ? Bill Gates planche bien sur un projet de réacteur nucléaire qui utilisera des déchets nucléaires comme carburant ! En pariant sur le potentiel innovateur de millions de gens plus instruits, on lègue aux générations futures la capacité de créer leur bien-être.
Dans le récent essai Le capital vert, deux économistes français prêchent aussi une approche différente. Il faut cesser, disent-ils, de voir la nature comme un stock limité de ressources, et plutôt la voir comme un capital à faire fructifier, sur lequel asseoir la croissance. Ce livre est passionnant. Et dérangeant. Car on se résout mal à mettre un prix sur la nature. Pourtant, c’est peut-être ainsi qu’on pourra assurer l’équité.
L’économie mondiale est en forte croissance. Depuis les débuts de l’humanité, aucune autre époque n’a permis à autant d’hommes (et surtout de femmes) de réaliser leur plein potentiel.
Certes, les inégalités sociales grandissent aussi. Assez pour que le Forum économique mondial considère le phénomène comme l’une des 10 menaces qui pèsent sur le monde en 2014. Car qui dit inégalités dit menaces de soulèvements et de violences. Comment les atténuer ?
Un peu partout, des projets voient le jour. En Europe, l’un des plus spectaculaires a peut-être été cet effort de la Jeunesse socialiste suisse pour faire voter une initiative qui aurait interdit aux patrons d’entreprises de gagner plus de 12 fois le salaire le plus bas versé dans leur entreprise. Ainsi, le patron d’une société où le salaire minimum est de 30 000 euros ne pourrait toucher plus de 360 000 euros. Le projet a été rejeté. Mais de justesse dans certains cantons. La surprise a été de taille dans ce pays où le patron d’une multinationale se préparait à empocher une indemnité de départ de 58 millions d’euros !
La question de l’équité et de la répartition de la richesse ne sera jamais loin dans les discussions que nous aurons au Québec en 2014. Souhaitons-nous de savoir tous voir un peu plus loin…
À LIRE
Le capital vert, de Christian de Perthuis et Pierre-André Jouvet, éd. Odile Jacob : pour commencer à voir la nature comme un capital sur lequel baser la croissance !
Et je pensais Julian Simon mort! Carole Beaulieu va loin dans son éditorial de l’édition de février 2014. « Jamais autant de gens n’ont vécu à l’abris du besoin et de la peur », débute-t-elle, sans noter que, en termes absolus, c’est la même chose pour les gens qui vivent dans le besoin et la peur : la croissance démographique débridée comporte toutes sortes de glissements, en termes absolus, même si sous certains angles il y a des améliorations.
Elle suit ensuite des économistes qui, comme Simon, voient dans cette croissance démographique la chance de voir naître des génies, qui « trouveront de nouvelles technologies ou d’autres sources d’énergie ». C’est bien possible, mais Mme Beaulieu ne semble pas voir le complément de la gageure et pose mal le problème, mais pas comme elle dit. Il faut souligner qu’il y a des milliards de personnes de plus qu’il y a quelques décennies, dans le temps de Simon, et qu’un ensemble de ressources renouvelables et non renouvelables sont sous une pression énorme devant l’effort d’améliorer leur sort de la part, non seulement des Chinois, mais de l’ensemble des 7 milliards (allant vers 9) que nous sommes.
C’est absolument le cas que « ce n’est pas juste » ce qui se passe, mais de là à suggérer que « ce qui reste à faire est d’assurer l’équité », les crises écologiques étant résolues??? Il faut « préserver la capacité des générations futures de créer leur propre bien-être », poursuit-elle, toujours en suivant les économistes, et cette capacité peut ne pas dépendre d’un accès aux ressources qui sont clé dans notre développement aujourd’hui. C’est beaucoup parier. En contrepartie, le travail récent de l’IRIS sur le budget carbone, qui cible l’équité aussi, donne la mesure du défi qu’elle escamote et qui exige déjà des génies.