Changer de vie: le journaliste devenu avocat

Cette vedette de la télé est retournée sur les bancs d’école et refait sa vie en Gaspésie.

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Photo: Sarah Lacroix Photographie

Alors qu’il n’avait que 32 ans, qu’il menait une brillante carrière de journaliste et qu’il avait trois enfants, Alexis Deschênes a tout plaqué pour entreprendre des études en droit et devenir avocat.

Pourtant, tout lui souriait sur la planète médias: vidéaste en Afrique lors d’un stage parrainé par l’ACDI à 20 ans, correspondant au Mexique pour le magazine Alternatives à 22 ans, journaliste aux nouvelles pour TVA, TQS et Radio-Canada avant d’avoir terminé ses études en sciences politiques… Il est devenu correspondant pour TVA à l’Assemblée nationale en 2006 et, lorsqu’il a annoncé qu’il accrochait son micro, une motion a été adoptée à l’unanimité par les députés pour saluer son départ.

«J’étais correspondant parlementaire depuis l’âge de 27 ans et, à la fin, j’avais souvent l’impression que l’histoire du jour s’imposait, dit-il. Or, je voulais plus de liberté, trouver moi-même des sujets.» Il jongle un temps avec l’idée de changer de créneau, et passe même une entrevue d’embauche à L’actualité. «Mais je craignais qu’après deux ou trois ans, le journalisme finisse à nouveau par m’ennuyer.»

Un jour, un stagiaire à TVA lui demande conseil, hésitant entre les sciences politiques et le droit pour ses études universitaires. «Je lui ai répondu qu’il serait mieux équipé avec le droit: comme avocat, on vit des situations tendues, on est plus acteur qu’observateur… En m’écoutant lui parler, je me suis convaincu moi-même que c’était ce qu’il me fallait, que ça correspondait plus à mes valeurs.»

Il fait part de ses intentions à sa fiancée — et la mère de ses trois enfants —, l’animatrice de télé Pénélope Garon. Elle l’encourage à s’inscrire en droit, voyant bien qu’il n’est plus heureux dans son travail. «Quand Alexis fronce les sourcils, il a comme une barre dans le front, dit-elle. Et à cette époque, la barre et le front arrivaient avant Alexis lorsqu’il rentrait le soir à la maison!» Un mois plus tard, le journaliste démissionnait. Et faisait son entrée en droit à l’Université Laval.

«Ça faisait deux ans que je m’interrogeais sur mon avenir, dit-il. J’avais même consulté un orienteur, qui m’a par la suite conforté dans ma décision.»

Pour se lancer dans le vide, il fallait cependant réunir un minimum de conditions. «Quand on est en couple, le plus important est d’avoir la confiance et l’accord de son conjoint, surtout si on a des enfants, dit Alexis Deschênes. Ensuite, mieux vaut ne pas être endetté, car on perd alors beaucoup de liberté, et la liberté est essentielle à la prise d’une telle décision.»

À l’époque où il retourne sur les bancs d’école, en 2010, sa conjointe vit les derniers jours de son congé de maternité et s’apprête à retourner travailler à TVA ainsi qu’à la chaîne VOX de Québec (devenue MAtv). C’est elle qui subviendra à l’essentiel des besoins familiaux. Heureusement, le couple possède un actif de taille, un triplex — qu’il a dû se résoudre à vendre. «En cours de route, j’ai parfois eu des doutes, mais jamais de regrets, raconte Pénélope Garon. En revanche, j’ai réalisé à quel point il était stressant de soutenir financièrement une famille!»

Pour leur part, les enfants ont très bien pris le retour aux études de leur père. Ils ont même pu se rapprocher de lui et s’en inspirer davantage. «J’ai fait ma rentrée en même temps que Jules, mon plus vieux, et il a pu me voir étudier très fort à la maison, tous les soirs!» dit Alexis Deschênes.

Les efforts du couple ont porté leurs fruits: au terme de ses études, le jeune juriste décroche le Prix du Barreau du Québec, remis à l’étudiant ayant récolté la meilleure moyenne cumulative en droit. Il reçoit alors des offres de grands cabinets, mais les décline pour entrer au bureau du Procureur général, à Québec: pas question de revivre comme avocat les horaires impossibles des journalistes de la colline Parlementaire.

Me Deschênes n’en est cependant pas à un revirement près. En 2014, après moins d’un an de pratique, il met sa nouvelle carrière en veilleuse et se présente comme candidat pour le PQ dans Trois-Rivières (bien que la famille vive à ce moment à Québec). «J’ai toujours aimé la politique: c’est un milieu où on a la capacité de servir et de changer les choses, et ça m’a toujours interpellé.»

Défait, il retourne à la pratique, mais sent l’appel de ses racines gaspésiennes. Justement, un poste d’avocat se libère à l’aide juridique de New Richmond. Depuis mai 2015, il l’occupe et vit avec sa famille à Carleton — où Pénélope Garon travaille à la pige comme journaliste et animatrice —, non loin de sa maison natale de Saint-Jules, où habitent encore ses parents.

Pour Alexis Deschênes, le journalisme, le droit et la politique sont trois côtés d’un même triangle, et chaque domaine influence l’autre. «Je vois mon parcours comme une évolution, dit-il. Je n’ai pas peur de chevaucher ma liberté, de poser les gestes qu’il faut pour aller plus loin. Car quand quelque chose ne fait pas ton bonheur, il faut prendre les risques nécessaires pour dessiner ta propre vie!»

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Belle histoire, mais je trouve dommage d’insister sur les « conditions nécessaires » pour changer de vie. Je suis retournée aux études à temps plein, à 38 ans, avec 2 enfants en bas âge, sans être sûre de mon conjoint (qui avait, de plus, un revenu modeste), avec un résidu de dettes d’études encore, sans actifs, en travaillant à temps partiel.
Je me suis ré-endetté, certes, mais peu. C’était assez intense, comme effort, mais ça a été payant… pour mon bonheur au travail et pour la santé financière de ma famille.
Pourquoi laisser croire qu’on ne peut partir d’un emploi qui ne nous rend pas (ou plus) heureux seulement si on a un coussin financier et une situation idéale?