Chers patrons, réveillez-vous !

Selon le cabinet de consultants Deloitte, les patrons canadiens sont des cancres qui gèrent à courte vue, au péril de notre prospérité collective.

Photo : Daphné Caron

Pas une semaine ne passe sans qu’on s’inquiète du risque bien réel que les travailleurs d’aujourd’hui n’aient pas les compétences pour s’adapter à l’économie de demain. Or, ce sont les aptitudes des patrons qu’on devrait commencer à remettre en question !

Il faut saluer le courage du cabinet de consultants Deloitte, qui, dans des termes certes très polis (ces patrons qu’ils critiquent sont, après tout, leurs principaux clients), a sonné l’alarme. Deloitte a sondé plus de 11 000 hauts dirigeants dans le monde, et la conclusion est sans appel : en comparaison de leurs pairs d’autres pays, les patrons canadiens sont trop souvent des cancres qui gèrent à courte vue, au péril de notre prospérité collective.

Les boss nous bassinent néanmoins les oreilles avec de beaux discours sur l’importance qu’ils accordent à leurs employés, sur leur désir de bien les traiter et de les soutenir dans leur développement. En réalité, dans la majorité des entreprises, c’est de la foutaise.

Voyez plutôt : trois patrons sur cinq ne se préoccupent pas du mieux-être de leurs employés, une proportion identique n’a rien mis en place pour leur assurer un cheminement de carrière intéressant, et quatre patrons sur cinq ne font rien pour améliorer les conditions de travail.

Et au diable la formation des employés, pourtant essentielle pour s’adapter à un monde qui change à grande vitesse. Il est bien plus facile de recourir aux travailleurs contractuels, jetables après usage — plus de 40 % des PDG comptent le faire davantage au cours des prochaines années. « Les employeurs canadiens s’en vont droit dans le mur », constatait le collègue Olivier Schmouker, du journal Les Affaires, à la publication des résultats du sondage.

Deloitte n’est pas seul, ses confrères de KPMG ont aussi sondé les patrons canadiens, et confirment que ceux-ci « dorment au gaz » (là encore, en des termes plus diplomatiques). Les capitaines d’entreprise se disent conscients du besoin de réagir devant l’accélération de la mondialisation, l’arrivée de nouvelles technologies et la robotisation… mais ils n’ont pas l’intention d’agir.

Et quand ils demandent à leurs employés de redoubler d’ardeur face aux défis, c’est bien souvent un marché de dupes. Presque la moitié des dirigeants osent maintenant accorder une promotion sans augmentation de salaire, selon une étude de la société de placement OfficeTeam. Oui, oui, vous avez bien lu ! On demande aux employés d’accepter une pratique qui serait impensable aux plus hauts échelons. Imaginez la tête du vice-président à qui l’on offrirait le siège de PDG, en lui disant de renoncer aux avantages liés à son nouveau poste…

Le plus surprenant, c’est que les patrons font preuve de telles attitudes alors que la pénurie de main-d’œuvre grandissante devrait en théorie les rendre plus amènes à l’égard de leurs employés.

Les boss n’ont manifestement plus peur de la syndicalisation, ce rempart historique contre les abus envers le personnel. Le taux d’adhésion à un regroupement de travailleurs est en chute libre, à un point tel que les syndicats inspirent désormais moins confiance que les partis politiques !

Les employeurs ont-ils l’impression qu’ils peuvent dormir sur leurs deux oreilles ? Si oui, le réveil risque d’être douloureux. Il devrait tomber sous le sens que, dans un contexte où la force de travail disponible diminue avec le départ à la retraite massif des baby-boomers, il est payant d’investir pour rendre les troupes plus productives.

L’insouciance des hauts dirigeants pourrait coûter cher, à leur entreprise comme à nous tous, car c’est la croissance économique même qui va en souffrir, comme le rappelle notre collaborateur Pierre Fortin (voir « Pénurie de main-d’œuvre : que faire ? »). Chers patrons, de grâce, réveillez-vous !

 

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Il nous faut constater que la plus grande bêtise faite par l’homme « dit évolué » des pays développés et riches fut: « Laissons libre cours aux marchés »… À ce moment, les gouvernements ont remis les cordeaux de gouvernance gouvernementale aux marchés: dorénavant, ce serait eux qui dirigeraient. Ils décidèrent que ce ne serait pas sous le joug de la collaboration que le tout fonctionnerait, mais de la compétition… comment voulez-vous qu’un système semblable nous mène à un « bon port » ?

Quand même ironique de lire un tel commentaire en-dessous d’un article qui dit pourtant que le marché va faire mal aux employeurs qui n’amélioreront pas les conditions de leurs employés en raison de la compétition.

Cet article est tellement véridique. Je pourrais en dire long sauf que je vais m’en tenir à dire que j’ai finalement pris ma retraite pour ces raisons et j’en m’en porte beaucoup mieux.
Le pire est que je suent parfaite santé et j’aurais été en mesure de continuer mais certainement pas dans ce contexte.

Je n’ai jamais eu de patron de ce genre, mais je me permet de dire qu’ils sont eux aussi des humains parfois débordés. Ils doivent souvent faire affaire à des employés sans sentiment d’appartenance, qu’ils ne pensent qu’a leur poche, qui prennent congé sans prévenir, qui ne respecte pas les taches, etc.. Alors, c’est normal que parfois ils oublient ceux qui la font bien. Selon moi, la pénurie de main-d’Œuvre n’a aucun lien avec les patrons. Si les gens veulent gèrer, qu’ils investissent temps et argent dans une compagnie.

En fait cet article ne vise pas notre patron direct qui vie plus ou moins la même situation mais plutôt le patron du patron de ton patron, celui qui prend les décision majeur pour toute la compagnie.

Monsieur le RÉDACTEUR EN CHEF,
Votre ÉDITO est GÉNIAL ! J’ai adoré ce texte.
Il aborde un sujet TABOU qui mériterait certainement qu’on en parle durant la campagne électorale québécoise 2018.
On sait tous, via les embardés médiatisées de PHÉNIX, que beaucoup de fonctionnaires à Ottawa ne sont PAS bien traités. Ce qu’on sait moins, c’est que la situation n’est guère mieux à Québec.
Au plaisir de vous relire
Pr. Yvan Lauzon, MBA
Expert-conseil à l’international & Professeur contractuel (Chargé de cours) ENAP
PS: J’ai lancé un livre GRATUIT (en version française et/ou anglaise) expliquant les prérequis à la performance longue durée. Pensez une organisation 3 mois à la fois mène au chaordic, soit un genre de CHAOS organisé …
Publié gratuitement le 1er août 2018 : FAIRE MIEUX en faisant autrement TOUS ENSEMBLE
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