Comment la mission des villes a-t-elle évolué dans les dernières décennies ?
Leur rôle premier est maintenant de créer du bonheur. D’être à l’écoute. Depuis quelques années, des municipalités accordent des budgets à des citoyens pour la mise en œuvre de projets qui leur tiennent à cœur [NDLR : création d’un arboretum, revitalisation d’une artère]. La population a aussi davantage le réflexe d’interpeller le conseil municipal pour régler des enjeux, y compris dans des sphères dont il n’est pas responsable, comme la santé et l’éducation. Il y en a qui appellent à l’hôtel de ville pour qu’on les aide à se trouver un médecin de famille ! Et puis, Internet fait que les gens sont informés des meilleures pratiques. Toutes les semaines, ils m’envoient des exemples de belles initiatives mises en place dans d’autres villes.
Pourquoi êtes-vous plus sollicité qu’avant ?
Quand Québec a procédé à une rationalisation pour retourner à l’équilibre budgétaire, à partir des années 1990, les citoyens se sont tournés vers les villes, le dernier rempart. Ça a notamment été le cas des organismes communautaires à qui on avait retiré du financement en 2014 et en 2015, par exemple. Si le gouvernement réduit les services dans un hôpital ou tarde à construire une école, les gens s’attendent maintenant à ce que les élus municipaux mettent leur poing sur la table pour dire : ça va faire. Les médias accordent aussi plus de place au point de vue municipal.
Quels sont les grands défis de demain pour les villes ?
La pénurie de main-d’œuvre. C’est une énorme préoccupation dans les régions moins populeuses. La cité régionale de Drummondville [78 000 habitants] fait partie des plus touchées. Il y a six ans, un entrepreneur qui voulait s’installer chez nous s’informait du coût du terrain et des impôts municipaux. Maintenant, sa question, c’est : allez-vous m’aider à trouver du personnel ? Alors, on multiplie les missions de recrutement en Asie, au Maroc, en Tunisie. L’autre enjeu majeur, c’est la lutte contre les changements climatiques, dans laquelle le palier municipal est très impliqué. On dit souvent que plus les enjeux sont planétaires, plus les réponses sont locales ! Il faut comprendre que les phénomènes météorologiques extrêmes ont un impact direct sur des infrastructures qui relèvent des villes, comme l’aqueduc et les égouts.
Qu’est-ce que les municipalités doivent améliorer ?
Les villes sont dépendantes des impôts fonciers pour fonctionner — au Québec plus que n’importe où ailleurs. Ces impôts financent 70 % de nos budgets, contre 46 % en moyenne dans les pays de l’OCDE. Ainsi, des municipalités ont permis la création de quartiers résidentiels dans des endroits où ça aurait dû être interdit, par exemple près de cours d’eau, pour aller chercher plus de revenus… Or, certaines de ces zones sont maintenant touchées par les catastrophes naturelles. Les pratiques d’aménagement doivent être repensées et la fiscalité municipale, revue. L’UMQ vient de conclure un pacte fiscal avec Québec, par lequel les villes percevront une partie des revenus générés par la TVQ. C’est une percée historique dont on se réjouit, mais il faut aussi un meilleur partage des ressources financières entre les paliers gouvernementaux pour mieux servir la population.