
Si aucun des orthophonistes, orthopédagogues et psychologues de la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys n’a perdu son emploi en cette ère d’austérité, c’est en partie grâce à Geneviève Hotte. Tel un limier, elle scrute à la loupe les dépenses de la commission scolaire de l’ouest de Montréal. Pas seulement quand le ministre de l’Éducation décrète des compressions, mais tout au long de l’année.
Titulaire d’un MBA, cette cadre menue de 52 ans dirige une petite escouade de deux personnes, une contrôleuse et une vérificatrice interne, qui n’hésitent pas à sortir de leur bureau pour s’assurer que chaque service administratif du siège social, à Saint-Laurent, et que chaque école de son territoire fonctionnent à pleine efficacité. Le trio a de quoi s’occuper : avec ses 54 000 élèves et ses 95 écoles, la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys (CSMB) est la deuxième en importance au Québec, après la commission scolaire de Montréal.
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Cette année, Geneviève Hotte s’est penchée sur le transport scolaire : « On s’est aperçu que beaucoup de parents avaient inscrit leurs enfants à ce service, mais n’y recouraient presque jamais. En s’attaquant à ces places fantômes, on a pu optimiser les parcours et mettre moins d’autobus sur la route. » Économie annuelle : 500 000 dollars.
C’est en multipliant les mesures comme celle-là que la CSMB — dont le budget total avoisine les 500 millions de dollars — a pu absorber sans trop de douleur les 6,5 millions de dollars de compressions imposées par le gouvernement pour l’année en cours.
La colonne des revenus a aussi fait l’objet d’une attention particulière. Chaque année, la CSMB risque de perdre jusqu’à 20 000 dollars en subventions du ministère de l’Éducation simplement parce que quelques écoliers n’ont pas fourni tous les documents nécessaires lors de leur inscription ou que ces derniers comportent des erreurs. Une employée s’assure donc personnellement d’obtenir les informations manquantes et de les acheminer au Ministère. « C’est vraiment de la microgestion », dit en souriant Geneviève Hotte.

Parmi les élus scolaires, qui dénoncent en chœur les compressions du gouvernement de Philippe Couillard, la voix de la présidente de la CSMB, Diane Lamarche-Venne, détonne. Celle-ci a d’ailleurs claqué la porte de la Fédération des commissions scolaires du Québec en 2014… une économie supplémentaire de 200 000 dollars en frais d’affiliation. La Fédération a décrié cette décision, soutenant que l’heure devait plutôt être à la solidarité.
« C’est possible de faire plus avec moins, soutient Diane Lamarche-Venne. C’est la contribuable en moi qui parle ! » Malgré les compressions successives, son organisation a réussi le tour de force d’augmenter le taux de diplomation de ses élèves, le faisant passer de 71 % à 78 % en 10 ans, ce qui la place parmi les cinq commissions scolaires québécoises dont les élèves réussissent le mieux.
Diane Lamarche-Venne n’hésite pas à comparer sa situation à celle d’une famille qui subit une baisse de revenus. « Tant que l’argent entre, on roule un peu au radar ; mais quand l’argent entre moins, on trouve des façons de faire. C’est très facile de continuer sur un mode de croisière en administration publique et de penser : ce n’est pas mon argent, c’est incolore et inodore. C’est la nature humaine. Tant que personne ne nous remet en question, on ne remet pas nos pratiques en question. »
À la CSMB, la chasse aux économies fait désormais partie de la culture organisationnelle. Il y a trois ans, la direction s’est attaquée en priorité au contrôle du service de la paye, les salaires représentant de loin le plus important poste budgétaire d’une commission scolaire, soit environ 80 % des dépenses. Des enseignants aux concierges en passant par le personnel administratif, la CSMB ne compte pas moins de 9 100 employés ; pas étonnant que des erreurs se glissent à l’occasion dans le calcul de leur paye, surtout dans le cas des employés contractuels. Mauvais échelon salarial, heures payées en trop, absence de pièces justificatives, bien des cas sont possibles. « Si l’erreur est à l’avantage de l’employé, pensez-vous qu’il s’en plaindra ? » demande Diane Lamarche-Venne. Petites économies peut-être, mais économies quand même.
Après avoir réduit à leur minimum les frais de fonctionnement du siège social au cours des dernières années — il n’y a plus, par exemple, qu’une secrétaire pour quatre directeurs de service, et ces derniers cumulent plusieurs fonctions —, le conseil des commissaires a décidé de demander aux enseignants de faire un effort, eux aussi. Dans beaucoup de cas, les enseignants se voient assigner le nombre d’élèves maximal permis par la convention collective. À elle seule, cette mesure pourrait faire épargner plus d’un million de dollars.
Cela ne plaît évidemment pas aux enseignants, actuellement en pleines négociations avec le gouvernement pour le renouvellement de leur convention collective. Luc Jacob, président du Syndicat de l’enseignement de l’Ouest de Montréal, a invité ses membres à faire la grève du zèle en ne travaillant pas une minute de plus que les 32 heures hebdomadaires prévues dans la convention, qui vient d’arriver à échéance. Des journées de grève en bonne et due forme auront lieu en septembre et en octobre.
Pour préserver les services aux élèves, il aurait probablement fallu créer de nouveaux postes de professionnels, estime par ailleurs le syndicaliste, car la commission scolaire est en croissance depuis plusieurs années. Elle compte plus de 1 000 nouveaux élèves cette année.
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Le modèle Marguerite-Bourgeoys n’est pas exportable partout au Québec, reconnaît d’emblée sa présidente. Difficile d’optimiser le parcours des autobus scolaires et les rapports élèves-maître quand il n’y a qu’un petit nombre d’enfants sur un vaste territoire, comme en Abitibi ou dans le Bas-Saint-Laurent.
Certes, l’automne ne s’annonce pas réjouissant dans le milieu de l’éducation, même à la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys. Alors que les coupes des dernières années n’ont touché que l’appareil administratif, cette fois-ci, les commissaires ont dû se résoudre à réduire le budget destiné aux écoles.
Trois directeurs d’école et trois directeurs de service du siège social ont été appelés en renfort par les élus pour fournir des idées « créatives » afin de rendre l’opération la plus indolore possible. Ils se sont mis au travail dès l’automne dernier, se doutant bien, à la vue des signaux envoyés par le gouvernement Couillard, que leur budget 2015-2016 risquait d’être écrit à l’encre rouge.
Surprise : ils ont d’eux-mêmes proposé des compressions dans l’aide aux devoirs. « Ils nous ont dit que certaines écoles de quartiers favorisés n’en avaient pas besoin ou alors très peu, et qu’au fil du temps ce service avait fini par être utilisé par des élèves qui se présentaient à l’école avec des devoirs non faits, alors que cette aide aurait dû prioritairement être fournie aux élèves en difficulté », dit Diane Lamarche-Venne. Toutes les écoles offrent encore le service, tel que l’a exigé le ministre de l’Éducation, mais la commission scolaire s’est permis d’amputer le budget de 150 000 dollars et de répartir la majorité des 550 000 dollars restants dans les écoles de milieux défavorisés, à Verdun et à Lachine, et dans celles accueillant des élèves allophones, qui représentent 62 % de son effectif. Des élèves du secondaire, qui doivent faire des heures de bénévolat dans le cadre de leur programme international, seront invités à donner un coup de main à des petits du primaire. Le président du comité central des parents, Jean-Marc Hébert, doute que cela suffise.
« Quand notre situation budgétaire change, on a le choix, dit Diane Lamarche-Venne. S’enliser ou regarder comment on peut arriver. »
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DES RÉNOS QUI FONT JASER
La principale salle de réunion du siège social de la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, à Saint-Laurent, a bénéficié d’une cure de jouvence en décembre dernier. Une table en noyer et en verre de 12 places (fabriquée par un finissant en ébénisterie) occupe le centre de l’espace, non loin de pimpants fauteuils jaunes, rouges et verts.
Six cuisinettes ont aussi été rénovées aux différents étages du siège social, où travaillent 200 personnes. Et un écran géant a été fixé au mur dans la salle où se déroulent les réunions publiques du conseil des commissaires.
Ces rénovations ont coûté 160 000 dollars, une dépense qui a mal passé aux yeux de certains employés.
« Cet argent provenait du budget destiné à l’entretien des bâtiments, il n’aurait pas pu être utilisé pour payer des services aux élèves, explique Geneviève Hotte. Le siège social n’avait subi aucune rénovation depuis 1998. Les comptoirs de certaines des cuisinettes avaient des moisissures ! »
Plus de 85 % des écoles de la CSMB sont en mauvais état en raison de leur âge. La commission scolaire reçoit 23 millions de dollars annuellement pour ce type de travaux ; elle estime qu’il lui faudrait 500 millions pour remettre à niveau l’ensemble de son parc immobilier.
Le territoire et SES OCCUPANTS compte beaucoup dans la balance !
Excellent!
Les budgets en éducaiton ont augmenté de 50% depuis 10 ans. Ce n’est donc pas une quesiton d’argent, mais de gestion et de bureaucratie trop lourde.
Les syndicats nous mentent éffrontément. Mais doit-on vraiment être surpris?
Heu, les syndicats disent de vérifier les dépenses avant de couper les postes. Ce qui ne se fait pratiquement jamais.
Vous ne connaissez rien, mais doit-on vraiment être surpris?
Exactement.
Le pleurnicharde que l’on entend ces jours-ci est de la pure propagande syndicale.
Ça fait des lustres que l’on pompe des centaines de milliards en Éducation et pour quels résultats?
Nous avons un taux d’analphabètes fonctionnels de près de 45% au Québec dont près de 800,00 véritables analphabètes, un taux de décrochage scolaire ahurissant, des diplômes qui ne veulent rien dire tellement on nivelle par le bas (le doyen de l’UQUÀM a même déclaré que les diplômes de l’UQUÀM ne sont bons que pour…l’UQUÀM!!!), et tout ça, bien AVANT les pseudo coupures…
La première chose à faire est de soumettre les enseignants à une évaluation de leur travail, soit directement par les directions d’école ou plus judicieusement, via un ordre professionnel. Mais nââââooon! faut surtout pas que ça arrive… Heille…on se rendrait peut-être compte que nos enseignants ne sont possiblement pas tous compétents…surtout que ce système est basé sur…l’ancienneté plutôt que sur les compétences réelles.
Pompons encore plus d’argent dans un système qui manifestement ne fonctionne pas et tout sera réglé.
Le Québec est dans les 5 meilleurs au monde en mathématiques et dans les 10 meilleurs dans toutes les matières. Le meilleur taux d’analphabétisme au monde est aux alentours de 40% et toutes les études démontrent que ce 40% comprend des dyslexiques et autres troubles d’apprentissage. C’est pour cette raison que les syndicats demandent des professionnels et des éducateurs spécialisés. Je suis bien d’accord que les conditions scolaires sont mal gérées, mais les problèmes ne se règleront pas sans investir davantage. Puis il faut rénover les écoles. Je sais que ça défait vos dogmes, mais l’éducation ça coûte quelque chose…
Une gestionnaire qui détonne: elle s’occupe du gaspillage. J’espère que son équipe surveille aussi les petites formations,conférences et colloques inutiles.
Si tous nos fonctionnaires étaient imputables, les économies seraient énormes.
Horreur. Parler de bonne gestion est un tabou syndical. Il faut absolument l’interdire. Imaginez ce qui arriverait si certains gestionnaires se mettaient en tête de mesurer la performance ! Je n’ose pas y penser.
Vous mélangez les choses…ce ne sont pas les syndicats qui gèrent l’argent, ni les autobus. Je suis content que la dame gère bien les coupures, mais elle a toujours des élèves qui attendent des services urgents…
Le ministre a erré en déposant son projet de loi. En gestionnaire (supposé) qu’il doit être, il aurait dû mentionner et exiger de tous ses gestionnaires l’interdiction formelle qu’aucun exécutant au service des élèves ne soit congédié ou autre. Il aurait dû forcer ses gestionnaires à appliquer son plan avec d’autres options: INTÉGRATION VERTICALE à tous les niveaux de la hiérarchie qu’il fut possible de faire, des sous-ministres en descendant, PARTAGE DES RESSOURCES ADMINISTRATIVES, UTILISATION RATIONNELLE de tous les locaux disponibles, Etc Etc.
Tous des principes qui s’appliquent en administration efficace, efficiente, et logique.
Je ne comprends pas M. Couillard de n’avoir pas « brieffé » (excusez l’anglicisme) son ministre avant l’exécution de son plan…..Je pense que le PM n’est pas si bon administrateur qu’il le prétend, ou bien n’a pas dans ses rangs de bons gestionnaires ou de bons conseillés. Il aurait « coupé » les ailes aux syndicats.
Quand vous demandez à un médecin spécialiste de devenir gestionnaire; vous voyez les résultats dans les hôpitaux!!!
la EMSB a coupé sur les activités (extra-curricular) pour ne pas couper sur la qualité des interventions et de l’enseignement.
Faudrait pas tout mélanger si une augmentation de 50% des budgets correspond à une gestion et une bureaucratie trop lourde? Que vient faire les syndicats dans cet argument?
Cet article donne l’idée d’une commission scolaire responsable, pourquoi pas. Je connais des gens qui travaillent dans cette commission et ils sont d’accords avec cet article.
Les enseignants sont des professionnels ayant le même nombre d’années d’étude ( en fait une année de plus) que les ingénieurs et comptables du gouvernement et pourtant leur salaire est inférieur, serait ce parce que se sont surtout des femmes? La fameuse équité?
En tant que parent d’une élève de la CSMB, ce n’est pas ce que nous voyons sur le terrain et avec nos enfants.
Que vois-tu Daniel? Je suis curieux.
Et qu’est-ce que vous voyez sur le terrain?
Il faut faire bien attention quand des commissions scolaires disent que ce sont les élèves qui paient pour les coupures du gouvernement de Philippe Couillard. Ce sont souvent ces commissions scolaires qui font payer les élèves plutôt que d’améliorer leur gestion et couper dans le gras. Souvent elles se servent des enfants pour gagner leur cause. Cessez donc de nous en compter. C’était mon opinion.