Crise d’allergie européenne

Non, l’euro et l’Union européenne ne disparaîtront pas demain !

Photo © Jacques Brinon / AP / PC
Marine Le Pen, présidente du Front national, a fait élire 24 députés sur les 74 sièges d’eurodéputés français. – Photo © Jacques Brinon /AP/La Presse Canadienne

À lire certains reportages, on pourrait croire que l’extrême droite, raciste et xénophobe, a pris le contrôle du Parlement européen de Bruxelles. Pourtant, c’est tout le contraire.

Aux élections du 25 mai, auxquelles 380 millions d’électeurs étaient conviés, une vaste majorité de modérés ont été élus. Ils sont de centre droit (214) ou de centre gauche (191). Il y a aussi 52 verts et 64 libéraux, venus de pays divers.

Évidemment, le nombre record de députés élus dits « eurosceptiques » — 130 sur 751 — a de quoi faire réfléchir. Ils viennent d’Autriche, du Danemark, d’Italie… et surtout de France et de Grande-Bretagne. Ils sont parfois racistes, parfois simplement las de la pauvreté qui frappe leurs électeurs. Mais ils ne forment pas un groupe uni et ne pourront pas influer sur les décisions de ce Parlement, qui ne peut rien faire, ou si peu, sans l’accord des États.

Que le Front national de Marine Le Pen fasse élire 24 députés est évidemment un dur coup pour la France. Faiblesse du gouvernement socialiste, chômage élevé chez les jeunes (3 sur 10 ont voté pour le FN), stagnation économique, réaction à l’afflux de réfugiés nord-africains, que le pays peine à absorber… les raisons fusent pour expliquer ce résultat.

L’Europe a mal à elle-même. Appelons ça une crise d’allergie grave. Certains de ses citoyens la trouvent trop généreuse avec les étrangers, trop bureaucratique, trop peu sensible à leurs besoins d’homogénéité culturelle. Ils veulent en sortir !

Les touristes qui découvriront l’Europe cet été, passant d’un pays à l’autre sans devoir montrer leur passeport, utilisant toujours la même monnaie, branchant sans problème leurs appareils électriques dans des prises semblables (ce n’était pas le cas avant !), n’ont pas à s’inquiéter de voir tout ça disparaître.

Ce n’est pas la première crise que l’Union européenne traverse depuis sa création, il y a plus de 60 ans, au lendemain des deux grandes guerres mondiales meurtrières.

Vingt-huit pays, 578 millions d’habitants, des cultures dynamiques et variées, l’Union européenne est un géant. Sa monnaie, l’euro, peut rivaliser avec le dollar américain.

Ce n’est pas sans raison que les États-Unis tentent actuellement de négocier un accord de libre-échange avec l’Europe afin d’obtenir un accès privilégié à ce marché, comme le Canada vient de le faire. L’accord canadien procurera bientôt aux entreprises d’ici tout un avantage !

Ce n’est pas facile de bâtir l’Europe unie. Au Parlement, tout doit être traduit en 23 langues. Les débats sont longs et lents. La génération qui a connu les lendemains de la guerre — et trouve là une motivation pour faire les compromis nécessaires — n’est plus en première ligne des politiques. Des populistes mobilisent plus facilement les mécontents, les xénophobes ou ceux qui, tout simplement, sont frustrés par la pauvreté ou l’incertitude quant à l’avenir.

Le très faible taux de participation au vote du 25 mai — 43 % en Europe et à peine 21 % en Slovénie — a contribué à la percée extrémiste, car ce sont les plus ulcérés qui sont allés voter.

L’Europe n’est pas au bord du gouffre pour autant. Par comparaison à d’autres associations de pays, comme l’Association des États de la Caraïbe, elle est beaucoup plus forte ! Mais il faudra bien qu’elle entende ses mécontents. Croissance économique et meilleur contrôle des frontières feront partie des solutions.

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L’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne pourrait entrer en vigueur dans 15 ou 24 mois. Cet accord augmenterait de 20 % le commerce entre les deux territoires.

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Il est possible d’énoncer toutes sortes de raisons pour expliquer la percée de l’extrême-droite en Europe. L’une de celles qui me plait le plus, vient du fait que les extrêmes tant de gauche que de droite, sont de moins en moins perçues comme des extrêmes.

Le mode de communication, comme le discours a évolué. De telle sorte que ces partis peuvent se présenter comme des alternatives de plus en plus crédibles aux partis politiques traditionnels. Les politiciens ou politiciennes de droite sont de moins en moins complexés.

Ils ou elles n’hésitent pas, comme c’est le cas de Marine Le Pen notamment, à doter sa plate-forme électorale d’un volet social. Ainsi, Le Front-National est un parti qui désormais se préoccupe des mères monoparentales pour prévoir dans son programme de compléter le revenu familial lorsque souvent les entrées d’argent sont insuffisantes. Une problématique bien connue ici aussi au Québec.

Ainsi, même si votre sensibilité est plutôt à gauche. Une telle proposition n’a rien d’antisociale. Bien au contraire, s’assurer du revenu de ces citoyennes est même très bon pour le soutient de l’économie réelle. Ce sont ces petits détails qui confortent les gens que ces partis s’occupent et se préoccupent vraiment d’eux. Cet élan de sympathie attire de nouveaux électeurs modérés.

Je pense que ceci devrait envoyer un message clair aux partis plus conventionnels, lorsque leurs priorité doit être de se recentrer sur ce qui compte : le bienêtre de leurs concitoyens et non cette dérive pour la gouvernance technocratique, une mutation qui est devenue au fils des ans la marque de commerce de l’UE.

Pour moi, c’est une vision du monde qui manque de générosité ; je conçois que cette conception d’une « Union » de spécialistes plutôt bien appointés, ferait peut-être sortir de leurs gonds, les Jean Monnet, Konrad Adenauer ou Charles de Gaulle de ce monde.

Merci pour cet article qui remet dans son vrai contexte les résultats des élections européennes. Une partie de cette question repose sur l’idée que l’immigration est facteur de délinquance (le FN a toujours fait l’amalgame), alors que la corrélation la plus forte a été faite avec la pauvreté. En réalité, à pauvreté égale, les immigrants génèrent moins de délinquance que les français. La question a notamment été synthétisée par Dominique Schnapper en 2005.
Contrairement aux idées reçues, ce n’est pas l’immigration en France qui pose problème (la France est un des pays qui accueillent le moins d’immigrants depuis près de dix ans en Europe), mais l’intégration des Français fils et filles d’immigrés de première génération.