Mon premier geste le matin, avant même d’avoir mis le pied hors du lit, c’est de jeter un œil sur mon cellulaire pour faire le tour de Facebook et de Twitter… Et c’est également ainsi que je clos ma journée, juste avant d’éteindre la lumière de la table de chevet. Entre les deux, j’aurai passé beaucoup de temps à « rafraîchir » les données.
Je n’y apprends pourtant pas grand-chose car, métier oblige, je passe ma journée à suivre les bulletins de nouvelles et les sites des grands médias. Pire encore, la fréquentation assidue des réseaux sociaux affecte mon moral.
À vrai dire, je ne m’étais jamais réellement arrêtée à cet aspect des choses, jusqu’à cet été. Partie pour de longues vacances, je m’étais imposé de plonger dans mon téléphone intelligent seulement une fois en soirée (… bon, j’avoue : une fois aussi le matin).
Or, j’ai beau suivre une foule de gens de tous les horizons, ma bulle de détente s’en est retrouvée chaque fois dégonflée. Trop d’indignation, de dénonciations, de critiques, d’insultes, de répliques assassines.
Puis à l’automne, les débuts de la campagne électorale québécoise ont été marqués par de graves enjeux de sécurité, souvent liés aux réseaux sociaux. Bernard Drainville, qui mêle les expériences de journaliste et de politicien, s’est même interrogé à haute voix. « À partir de quand on va se demander si c’est positif d’être sur les réseaux sociaux ? » a-t-il lancé en entrevue avec Paul Arcand, dans le cadre de l’émission Puisqu’il faut se lever, à l’antenne du 98,5 FM.
C’était davantage une exaspération devant « la dégradation du climat démocratique » qu’une vraie proposition. Car comment tourner le dos à ces modes de communication ? Aujourd’hui, l’espace public se confond avec les réseaux sociaux. On ne peut toutefois plus parler d’un lieu de partage, tellement les clivages ne cessent de se renforcer.
En réalité, ce n’est pas tant le contenu des messages qui compte, mais surtout le fait d’en émettre. En politique, les partis usent et abusent du procédé, jusqu’à tomber, à coups de pas de danse ou de vidéos racoleuses, dans une affligeante banalité.
Ce qui s’en dégage est pourtant bien trompeur. D’après ce que je lisais sur mes fils durant la campagne électorale, péquistes, solidaires et conservateurs semblaient sur une belle envolée. À croire que la Coalition Avenir Québec pouvait être un tant soit peu égratignée. Les sondages me ramenaient cependant sur terre.
Mais parce que j’avais mes réseaux sociaux en tête, j’ai quand même ressenti une certaine surprise devant l’ampleur, néanmoins prévisible, de la victoire caquiste le soir de l’élection.
Même tromperie avec les débats à la mode : ils mettent le feu aux réseaux sociaux, alors que l’immense majorité des gens s’en contrefichent. Au Québec, la vie quotidienne est bien plus paisible que ce que les guerres de mots laissent croire.
Pourquoi alors sommes-nous, moi comme bien d’autres, malgré tout accros aux réseaux sociaux ? Ce n’est pas notre faute, disent les recherches. Notre cerveau est ainsi fait qu’il cède rapidement au plaisir et nous entraîne vers les récompenses faciles. Les concepteurs des applications ont su utiliser les découvertes de la neuroscience pour renforcer ces comportements.
C’est ainsi qu’on se retrouve captif : qu’est-ce qu’il y a de nouveau, qu’est-ce qui va me faire réagir ? Est-ce que ma publication a été vue, appréciée, commentée, contestée ? Vite, une mise à jour. On ne peut pas s’en empêcher, peu importe où l’on est.
Dorénavant, cliquer, c’est exister. D’ailleurs, les enseignants qui bannissent le cellulaire de leurs classes notent tout de suite l’effet de manque chez les jeunes. Jamais dans l’histoire de l’humanité un objet n’a créé de l’anxiété dès lors qu’il est retiré… quelques minutes !
De mon côté, je me vante de résister : que ce soit un magazine ou un livre, j’ai toujours de quoi lire dans les transports en commun. Mais dans les faits, mon téléphone intelligent ne me quitte pas. À la maison, je change de pièce et le cellulaire suit !
Je n’envisage même plus de regarder la télé sans pianoter sur le petit clavier, allant d’un réseau social à un autre pour rester branchée sur ce qui s’y passe — ce qui inclut les commentaires sur l’émission en ondes.
Les autorités mettent la population en garde contre la surconsommation d’alcool, découragent l’usage du tabac, luttent contre les drogues… Notre dépendance aux applications et aux sites n’est-elle pas aussi délétère pour notre santé mentale individuelle, et surtout collective ?
Après les environnements sans fumée, il faudrait sérieusement penser aux environnements sans clics : nous avons grand besoin d’être ramenés dans la réalité.
A l’origine, les ordinateurs, l’informatique devaient être à notre service pour une vie meilleure. A l’usage, nous sommes plutôt sous l’impression que c’est l’humain qui est au service de ce nouveau monde pour le nourrir d’information, nourrir cet ogre qui ne pourra jamais être rassasié. Triste sort que le nôtre, esclaves de la machine, esclaves consentant qui admirent et honorent leur nouveau maître.
Votre témoignage est inspirant. Il valide la décision que nous avons prise de nous débrancher de la télévision, des réseaux sociaux et de tous ces commentaires répétitifs et parfois sans valeur. La situation mondiale (guerres, environnement, pandémie…) est devenue une source de stress qui s’ajoute au vécu quotidien (maladie, accidents, ruptures) … Le hockey est maintenant un bienfait si l’on modère nos attentes et évite les commentaires de tous les mordus. Heureusement, on peut toujours regarder sans écouter en appréciant les beaux comme les moins beaux jeux… Merci
Que de désolations que tous ces ¨gadgets¨ à la mode. J’ai passé une semaine à aider mon fils à rénover son sous-sol pour faire des chambres à ses enfants. Ces derniers, ils sont quatre, n’ont pas pris 5 minutes pour me parler pendant cette semaine. Tous, ils étaient rivés à leurs I-Pads ou autres bidules insignifiants à jouer des jeux stupides dès le lever le matin, à l’heure du dîner et jusqu’au coucher. S’ils (et les autres enfants) passaient tout ce temps à étudier et faire leurs devoirs au lieu de ces jeux vides, il y aurait beaucoup moins de problèmes d’échecs et de nivellement vers le bas dans les écoles. Il faut ajouter que les jeunes parents d’aujourd’hui ne donnent pas leur place non plus.
On a beau me dire qu’on n’est plus aux temps des dynosores, c’est vrai, mais à mon avis, on est sur le point d’y retourner, et vite à part de ça.
Depuis nombre d’années, déjà, je me suis tout débranché des réseaux « asociaux » au grand complet. Même mon domaine calé sur un simple blogue d’auteur gratuit reste au point complètement mort, n’y assurant sur le Web qu’une présence somme toute commémorative (j’ai été un pionnier d’Internet à la Belle Époque) où ne s’affichent plus que mes quelques livres toujours disponibles à la commande en ligne. Point. Je me sers d’Internet pour ma revue de presse du matin et pour y effectuer toutes sortes de recherches documentaires. C’est tout ! Comme j’avais connu les babillards des débuts, auxquels je n’avais pas accroché, j’ai trouvé très insidieux les Facebook, mais, une fois lassé à fond, passé une période c’est vrai intense de m’as-tu-lu, j’ai décroché d’un coup sec pour n’y plus jamais revenir. J’avais pourtant quelques milliers « d’amis » factices autant que fictifs ! Mieux encore, pour moi le cellulaire reste stupide depuis toujours, j’y ai tout désactivé d’abord, je ne le trouve pratique que seulement comme téléphone sans fil que je peux promener dans mon appartement ou parfois, à quelques rares occasions, lors de mes déplacements que je veux plus sécuritaires.