Décider pour les autres

Tout le monde a des préjugés. Ce n’est pas si grave. Jusqu’au moment où l’on s’appuie dessus pour faire savoir à des êtres humains qu’ils n’ont pas le droit à la même liberté que tous les autres.

Illustration: Iris Boudreau pour L’actualité
Illustration: Iris Boudreau pour L’actualité

Tout le monde a des préjugés. Les miens concernent les conducteurs de pick-up, le million de personnes qui regardent Le banquier, les amateurs de tout compris à Cuba, le public de Peter MacLeod et Peter MacLeod lui-même. Entre autres. Ce sont les préjugés d’un snob. Ils me définissent autant que toutes les choses que j’aime.

En tant qu’individus, mais aussi en tant que groupes de gens à l’intérieur de la société, nous sommes beaucoup ce que nous ne sommes pas.

Pour tout dire, ça m’intéresse assez. D’autant que ça permet de faire des liens entre les choses. Par exemple, s’il existe un public pour les blagues anachroniques de MacLeod, issues d’une époque où il était de bon ton de verser dans le racisme soft et le sexisme, cela explique autre chose. Comme le hoquet de dédain qui s’empare d’une partie de la population chaque fois qu’elle est aux prises avec une différence qui ébranle un peu ses certitudes.

Dans le lot, il y a ceux qui voudraient que la notion de progrès s’accompagne d’une liste d’exceptions plus ou moins longue. Du moment qu’ils peuvent la rédiger eux-mêmes, imposant le maintien de balises immuables qui leur permettent d’appréhender le monde. Au sommet de celles-ci, il y a l’identité sexuelle.

C’est un long préambule pour en arriver là, mais il sert à expliquer dans quelle sorte de marge extrême se retrouvent les trans, et tous ceux et celles qu’il est difficile de ranger dans des petites cases quant à leur identité ou leur sexualité.

Parce que pour la très vaste majorité d’entre nous, c’est tout simplement inconcevable. Sans parler de toutes les autres questions que cela sous-tend. Est-ce un homme? Une femme? Est-il gai pour autant? C’est mêlant.

Imaginez deux secondes à quel point ce doit l’être lorsque vous êtes un homme qui, dans le fond, est une femme. Ou l’inverse. Songez au vertige au moment de changer d’identité… Le courage qu’il faut pour faire le plongeon quand vous savez les préjugés qui vous attendent.

J’ai connu Chris Bergeron quand elle s’appelait Christophe. Un grand échalas devenu grande échalote, juchée sur ses talons, se penchant pour me faire la bise. Ça surprend. Puis, la surprise se mue en curiosité, puis en… rien du tout. Malgré les ongles peints, la coiffure, le fond de teint, je retrouve le même esprit affûté, prolixe, vibrant.

Trans, au fond, c’est pour translation. Comme une série d’éléments qui changent d’ensemble dans le tableau des genres.

Cela faisait longtemps que je voulais écrire sur Chris, parce qu’elle m’a obligé à réfléchir à mes propres appréhensions, mes préjugés, à tâter de l’altérité, cette capacité de reconnaître l’autre dans sa différence. Même si on n’y comprend trop rien.

Notre discussion sur le sujet tombe cependant à un moment tragique. Celui où un tueur vient d’entrer dans une mosquée pour annihiler ce qu’il ne comprenait pas.

Tout le monde a des préjugés. Il y en a qui font de ceux-ci un habit de haine.

Chris, elle, milite dans les médias et les réseaux sociaux pour déconstruire ce que bâtissent les contempteurs de la différence. Lorsqu’on se moque des trans, lorsqu’on déforme les faits pour ridiculiser la redéfinition des genres, elle prend publiquement la parole. Quand je lui demande si ça ne lui pèse pas un peu, ce militantisme, elle me dit qu’être trans, c’est militer chaque fois qu’on sort de chez soi. Chaque fois qu’il faut affronter les regards hostiles, les injures. Comme si ce n’était pas assez éprouvant d’avoir été un étranger dans votre propre corps, on vous considère comme une créature de foire si vous en changez.

Ce qui ne serait peut-être pas si mal s’il n’y avait pas aussi la posture hostile de beaucoup lorsque les trans demandent qu’on respecte leur différence. «Les gens n’ont pas cons­cience que plus de droits pour les minorités, ça ne veut pas dire moins de droits pour la majorité», me dit Chris.

Mais ce n’est qu’à moitié vrai. Et c’est cela, je crois, qui soulève le plus de colère: que la majorité se voie désormais retirer le privilège de décider au nom des minorités. L’homme blanc privilégié n’ayant plus le droit de faire sem­blant qu’il sait ce que sont la pauvreté, la laideur extrême, l’exclusion, le sexisme, la peur d’être agressé, ostracisé, «racisé»?

Tout le monde a des préjugés, disais-je. Ce n’est pas si grave. Jusqu’au moment où l’on s’appuie dessus pour faire savoir à des êtres humains qu’ils n’ont pas le droit à la même liberté que tous les autres.

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Il se trouve que je suis en ce moment en train de lire le numéro de janvier de National Geographic qui dédie l’intégral de cette édition à ce qu’ils intitulent, traduction française : La Révolution du genre. On entend ici par genre la nature sexuée de l’être.

On y apprend bien sûr que cette dichotomie entre le chromosome « x » et le chromosome « y », n’est plus aussi claire qu’elle nous paraissait dans le temps. En plus des sexes masculins et féminins, National Geo ne détermine pas moins de 21 genres différents. Dans une aussi vaste déclinaison des genres, il n’est pas si sûr que nous sachions tous autant que nous sommes très exactement dans quel genre précisément nous nous situons.

Alors, lorsque je lis dans cet article le terme tronqué de « trans », cela me fait quelque peu sursauter. Et ma foi oui au fond, de quoi veut-on nous parler exactement ? Qu’est-ce au juste qui définit ce qu’est une ou un « trans » ? Et dans le choix d’une celle appellation si restrictive, ne se trouve-t-il pas une pointe de préjugé également ?

Faudrait-il comprendre qu’être « trans », c’est être dans un « grand tout » dans lequel on met pêle-mêle tout ce qui ne se classifie pas dans ce qui fait (ou ce que font) « la madame » ou bien « le monsieur » ?

En plus du fait que la nature sexuée ne se décline pas nécessairement uniformément, la morphologie humaine et la morphologie animale en général ne se déclinent pas non plus uniformément. Qu’est-ce qui dans le monde animal, végétal, biologique soit complètement uniformisé ? La sexualité résultante en principe des sexes, réfléchit-elle précisément le genre que nous habitons ou s’inscrit-elle plutôt dans l’expérience individuelle, le pouvoir d’achat, les performances des uns et les mœurs du temps ?

Je pensais que depuis l’arrivée de Charles Darwin, on comprenait les choses un peu autrement. Les espèces animales, incluant l’humain, s’adaptent au milieu généralement, c’est cette capacité d’adaptation qui les transforme. Ici, on parle bien de transformation conditionnée par l’environnement.

Mais… par ma barbe ! Le problème est plus compliqué que cela. C’est que le choix ou le non choix d’établir une différentiation sexuée. Cela ne sert-il pas essentiellement à encadrer la sexualité ? Et… le cas échéant, comme nous l’a assez bien montré la psychanalyse : à la réprimer. Cela aussi, ça transforme les gens, ces différentes formes souvent subtiles de la répression.

Faudrait-il peut-être se demander qu’est-ce qui intéresse les gens, quant à savoir si une personne est homme, femme ou « transgenre » ? Est-ce que c’est la recherche de la vérité scientifique qui fait foi ? Ou est-ce que c’est l’idée qu’on se fait de l’autre en général qui prédomine ? Ou est-ce que c’est la convoitise qui l’emporte ? Qui dit convoitise, dit contrôle et possession, appropriation du comportement sexuel et du sexe de l’autre.

Plus on contrôle l’univers des pulsions et plus on obtient de pouvoir. Plus vous pouvez orienter la sexualité des uns par la différentiation. Et plus on a de chance de faire de l’argent…. Beaucoup d’argent. Plus on a d’argent à dépenser et plus on peut assouvir ses penchants, incluant les plus inavouables.

Cela pour dire que je ne suis pas si sûr qu’on ait tous des préjugés. Je conjecturerais plutôt que nous sommes manipulés, incluant nos plus simples pensées, comme les plus intimes de nos fantasmes ou la plus fantasque de nos idées.

Si bien que nous ne jugeons qu’en fonction de ce qu’on sait (ou ne sait pas) et non en fonction de ce que l’on est ; prisonniers que nous sommes des diverses conditions de vie qui nous sont imposées depuis le premier jour où nous avons dit : papa, maman ou : la bonne et moi.

Personne ne sait très bien si toute forme de vie résulte du chaos ou si c’est de la vie que résulte le chaos. Alors nos préjugés, dans ce plus grand meilleur des mondes qu’est le nôtre, seraient-ils un peu comme à l’avenant….

Mise au point ou mieux, mise en réflexion…J’ai envie d’apprendre par coeur ce texte jusqu’à ce qu’il s’ancre dans mon coeur. L’humanitude est une longue marche, une longue prise de conscience, une longue croissance.

Merci DB

Malheureusement, peut importe le baragouinage jargonneux dont tiennent à se gargariser certains activistes, la biologie des mammifères est relativement simple. Une femelle contribue un ovule et un mâle contribue un spermatozoïde, et ainsi va la reproduction.
Hors la reproduction et nos systèmes musculosquelettique et endocrinien, tout n’est que stéréotypes et perceptions sexistes et misogynes. Il n’existe pas de «sentiment» d’être d’un sexe, il n’y que le le sentiment de disjonction avec sa propre biologie. Les individus des deux sexes peuvent avoir exactement la même gamme de sentiments, d’émotions, d’habiletés, de goûts, et de talents. Dire que ces facteurs ont une incidence sur « l’identité sexuelle de « genre » » relève d’un acte de foi, de foi que les stéréotypes sont des vérités inaliénables.

«Les gens n’ont pas conscience que plus de droits pour les minorités, ça ne veut pas dire moins de droits pour la majorité», me dit Chris.»
Parlez-en aux haltérophiles Luniarra Sipaia et Tracey Lambrechs qui se sont fait ravir en mars leur titre par Laurel Hubbard dans la catégorie des Femmes, 90 kg. ( http://m.nzherald.co.nz/sport/news/article.cfm?c_id=4&objectid=11811767)
Hubbard jusque à l’an dernier était un homme mais le voilà cette année transgenre et donc en mesure de se présenter dans une compétition contre des femmes, malgré les écarts évidents de force, de niveau de testostérone, de muscles et de force accumulés pendant ses 37 ans de vie comme mâle. Et ce n’est pas la seule compétition où cela s’est produit et ce ne sera pas la dernière, grâce aux nouvelles règles du CIO qui permettent un taux de testostérone pour les athlètes transgenres biologiquement mâles de 10 nmoles/l, 3 à 4 fois plus que ce que les athlètes féminines peuvent produire.
Alors, M. Desjardins, bien d’accord avec vous qu’on peut changer de genre et accepter les gens qui le font, mais on ne peut pas changer de sexe. Et cette confusion qu’entretiennent les militants trans entre genre et sexe a des répercussions sur les droits des femmes, notamment les droits et les protections qu’elles ont obtenus à l’arraché sur la base de leur sexe.

Je reprends une citation que crois être de fère .lembêtant avec la morale c’est que toujours célle des autres.