Même de l’autre côté de l’Atlantique, où je séjourne encore quelques semaines, les feux de forêt qui ont secoué le Québec, et par ricochet l’air que respirait l’est des États-Unis, étaient impressionnants de désolation, de tristesse, d’inquiétudes.
Hélas, les réponses des gouvernements restent timides en regard de l’envergure des changements que nous vivons, qu’il s’agisse de les freiner ou de nous y adapter. Vue de la France, où la préoccupation environnementale est omniprésente dans le discours public (ce qui ne signifie pas que tout soit optimal ou respecté, mais au moins on en entend parler), la mollesse politique à Québec et à Ottawa est encore plus gênante à observer.
En attendant une véritable prise de conscience gouvernementale, autant se fier à soi-même. Justement, la nouvelle campagne publicitaire d’Hydro-Québec nous y invite, en y allant de conseils pour économiser l’énergie : prendre une douche plutôt qu’un bain, ou encore nettoyer le filtre de la sécheuse avant chaque utilisation.
Vu de la France (bis !), cela semble bien peu exigeant. Là-bas, une fois le lavage fait, on étend ! Seuls 30 % des foyers français disposent de ce qui est appelé là-bas un sèche-linge. Alors, même dans les tout petits appartements des grandes villes, les séchoirs portatifs, aussi nommés étendoirs, sont de mise — sans oublier les trucs pour exploiter l’espace disponible (rien de mieux qu’une porte pour y étaler des draps frais lavés !).
En comparaison, il y a maintenant trois décennies que la proportion des ménages québécois possédant une sécheuse a dépassé les 80 %. On ne souligne donc plus le fait que cet appareil est l’un des électroménagers les plus énergivores. Outre nettoyer le filtre, ne faudrait-il pas aussi réduire l’utilisation de cette machine ? Après tout, des millions de Français arrivent à s’en passer — et je précise que le tiers de la population vit dans des logis de moins de 60 m2.
Devant me plier moi aussi à ces façons de faire, je suis dans de telles dispositions que je me dis qu’à mon retour au Québec, je ferai encore mieux que le ministre Pierre Fitzgibbon, nouvel apôtre de la sobriété énergétique.
Non, je ne programmerai pas mon lave-vaisselle pour minuit ; plutôt laver à la main, comme je l’ai fait à Marseille, Bordeaux, Paris ! Et puis je profiterai de notre grand logis montréalais pour étendre mes lessives, et je marcherai plus souvent, et je veillerai à mieux recycler, et j’achèterai davantage de produits du Québec à l’épicerie…
Mais je sais bien aussi que je m’illusionne, que les habitudes risquent de revenir au galop. Il est difficile de se détourner des avantages d’un appareil lorsqu’on l’a sous la main. Changer son mode de déplacement est un défi quand le transport en commun est défaillant, que les parcours piétonniers manquent de charme et que l’automobile est d’une grande efficacité dans des rues conçues pour elle (et tant pis pour les piétons qui en crèvent).
De même, je vois peu d’incitations à acheter local dans nos commerces. En France, même les supermarchés font franchement la promotion des produits locaux, de proximité ou biologiques. S’y ajoutent la myriade de petits marchands qui misent sur ces caractéristiques quasiment à tous les coins de rue. On pourrait croire que la passion des Français pour la bouffe n’a pas besoin de tels encouragements, mais renforcer le message est bon économiquement et écologiquement.
Tout cela me confirme qu’à moins d’avoir la fibre militante, les efforts individuels restent bien fragiles s’ils ne s’inscrivent pas dans une approche collective, quitte à tenir compte de particularités qui n’ont a priori rien à voir avec les enjeux environnementaux.
Par exemple, je sais bien que ce n’est pas par vertu écologique que les Français étendent leurs brassées : le coût élevé de l’électricité est en soi un frein à l’utilisation de la sécheuse. Au Québec, c’est le chauffage qui domine notre consommation domestique d’électricité — et vu nos hivers, il est impensable que la facture à payer devienne faramineuse. Mais il y a quand même mieux à recommander que de décaler l’heure du démarrage du lave-vaisselle si on veut réfléchir sérieusement à notre utilisation de l’électricité.
À l’inverse, je note qu’il est plus facile de contribuer à la collecte des résidus alimentaires à Montréal qu’à Paris. Les bacs à compost ne sont pas si encombrants dans nos appartements, plus grands que ceux de là-bas. Comme, en plus, le contenu des bacs bruns est ramassé à nos portes, l’effort à faire est minime. En France, il faut aller porter soi-même ces déchets dans les contenants appropriés que l’on trouve dans les quartiers. Dans les villes où j’ai résidé, je n’ai vu qu’une poignée de gens se prêter à l’exercice.
Rester réaliste est donc incontournable dans les programmes à mettre en place. Néanmoins, ces programmes s’imposent, tant la bonne volonté est insuffisante pour que de véritables changements s’enclenchent.
Car il faut lâcher le maquillage, les apparences. Ce n’est pas de Hummer électriques que nous avons besoin, mais de délivrer les rues de ces mastodontes mythifiés. Ce n’est pas de croissance à tout crin qu’il faut discourir, mais de rythme à ralentir. Et pour assurer l’avenir, ce ne sont pas des missions économiques que les premiers ministres devraient mener, mais des missions écologiques.
Et pourquoi pas des audaces à petite échelle : subventionnons la pose de cordes à linge !
Partout où j’ai résidé en Europe, la laveuse était aussi une sécheuse. Et chaque fois que je vois quelqu’un laver la vaisselle à la main, c’est en laissant le robinet ouvert tout le temps que ça prend. Pour bien laver la vaisselle à la main, écologiquement, il faut avoir deux bacs : un pour laver et un pour rincer – mais qui fait cela aujourd’hui quand les constructeurs ne mettent qu’un seul évier dans les cuisines?
Laver la vaisselle à la main. , truc personnel. Contenant crème glaçée contenant l’eau chaude , rincer à l’eau froide. Rajouter de l’eau chaude dans le contenant à crème glaçée au besoin. J’utilise une éponge. Chauffer de l’eau tiède de la bouilloire nécessite moins d’énergie.
Le problème commence avec votre première phrase : « Même de l’autre côté de l’Atlantique, où je séjourne encore quelques semaines… »
Avant de demander aux gouvernements quoi que ce soit, on devrait se regarder dans le miroir. Allez-vous renoncer à vos belles et bien méritées vacances outre-mer (où vous vous rendez en avion, un moyen de transport qui émet énormément de GES)? Fort probablement, la réponse est Non.
Nos politiciens montrent un manque de volonté politique similaire à notre nonchalance face aux changements d’habitudes. Vous n’avez qu’à regarder la dernière campagne électorale au Québec. Qui a remporté la mise? Les « taxes oranges » de QS? Mais non! Plutôt l’approche « vous n’aurez rien à changer dans votre vie pour lutter contre le changement climatique » de la CAQ.
Une société d’adultes gâtés a presque zéro chances d’agir comme un vrai adulte et assumer ses responsabilités. C’est dommage, mais on est rendu à ce point aussi bas et désolant. La vie sur Terre continuera après le déclin et la disparition de l’humanité. Les espèces qui survivront seront bien heureuses de ne plus nous voir sur la planète.
Bonjour Madame/Monsieur ou qui que vous soyez : vos mots, j’aurais voulu les écrire, ils reflètent EXACTEMENT ma pensée.
Je trouve qu’en parlant de l’environnement/de la Terre/de la planète comme une entité à part, qu’il faut aider, qu’il faut sauver, on oublie – et cela est une erreur fatale (tant au sens propre que figuré) – que c’est l’humain/la race humaine qu’on tue à petit feu (plus si petit que ça, malheureusement).
Je le pense et Boucar Diouf l’a déjà rappelé avec lucidité : la Terre va continuer sans nous………….😒
Madame,
Comme j’aime vos textes. Ils devraient être publiés à plus grande échelle.
C’est vrai que pour changer les mentalités ce n’est pas facile. Il faut des incitations positives et coercitives! Si on ne s’occupe pas de l’environnement, il s’en occupera pour nous. On commence à voir sérieusement les effets des changements climatiques: verglas, inondation, feux de forêt, etc….
Intéressantes statistiques. J’ai regardé pour le Canada, pour comparer, et c’est intéressant:
– Oui, 34% des ménages français ont un sèche-linge (contre 80% des Canadiens), mais les 97% des Français ont une laveuse (contre 87% des Canadiens).
– Lave-vaisselle: 67% des Français en ont un contre 56% des Canadiens.
Par contre, ce qui trompe les statistiques, c’est que la plupart des laveuses européennes sèchent aussi le linge, certaines grâce à une pompe à chaleur qui chauffe et déshumidifie l’air dans la machine. Beaucoup plus éco-énergétique, et quasi inconnu ici. A noter aussi que la plupart des électro européens sont plus sophistiqués que les modèles américains. L’Europe a toujours utilisé des laveuses frontales (dès les années 50), alors que l’Amérique du Nord a commencé à délaisser le tordeur vertical depuis seulement quelques années.
Je suis né à un moment béni de notre histoire. Pendant mes soixante années de vie, mon confort, les ressources auxquelles j’ai eu accès ont toujours augmentées. Afin de faire face aux défis sociaux qui se présentaient, la solution passait par le « plus »; plus de ressources, plus d’argent investi. Il y avait des problèmes à l’école, on engageait plus de professeurs et de spécialistes pour aider nos enfants; notre système de santé n’arrivait plus à rendre les services pour faire face au vieillissement de la population et aux maladies causées par notre style de vie, on formait encore plus de médecins, d’infirmières, de préposés aux soins. Et, la vie et ses souffrances et ses irritants trouvaient leurs solutions dans ce «plus»; plus de médicaments, plus de voitures et de routes, plus de voyages, plus d’inventions pour faire les choses à notre place, plus d’ordinateurs, plus de vitesse et ainsi de suite. Et, si vous souhaitiez être élu, l’incontournable « plus » était la formule gagnante sinon c’était le suicide politique assuré.
Si je décris tout ça au passé, même si rien n’a changé, c’est que nous aborderons bientôt l’ère du « moins », le sommet a été atteint, nous redescendrons la pente qu’on le veuille ou non. Certains individus s’engagent volontairement dans le « moins », dommage que la plupart de nos leaders ne nous aident pas à s’y préparer. Ils tentent de nous rassurer par des solutions qui incluent toujours le concept de « plus » car c’est ce que nous voulons entendre et ils y croient peut-être encore. Mais, comment répéter la même chose donnera un résultat différent?
Sans vouloir vous décevoir, disons que nos politiciens n’ont pas trop le choix de nous pousser le « plus »: il faut maintenir la « confiance » et s’assurer que les consommateurs dépensent et s’endettent toujours plus pour préserver la sacro sainte croissance que l’on croit pouvoir soutenir éternellement et plaire à leurs « tinamis » des grandes entreprises de ce monde.
Je sais, ce que je viens de dire sonne très complotiste, veuillez me pardonner. Mais la réalité n’est pas, selon moi, bien loin de ça. Certains économistes disent que Wall Street, bien que significative, n’est qu’une facette de cette grande chose qu’est l’économie mondiale. Pourtant on y accorde énormément d’importance. Peut-être qu’il faudrait commencer à suivre ces économistes et revoir certaines priorités ou, du moins, donner plus d’importance à d’autres indicateurs économiques.
Subventionner les cordes à linge… Ça paraît peut-être un peu bizarre, mais quand on y pense, ça pourrait être le meilleur programme de subventions qu’il soit: coût mimime pour le gouvernement, économique d’énergie et plus d’argent dans les poches des citoyens à la fin de l’année. C’est pas mal mieux que les subventions aux compagnies pétrolières pour capter leurs GES (qui est pas mal l’équivalent de cacher la poussière en-dessous du tapis en faisant croire qu’on a fait le ménage).
« Thinking out of the box » comme dirait l’autre.