Des violences qui se manifestent dès les premières relations intimes

Les féminicides sont souvent précédés d’autres événements de violence, d’où l’importance d’intervenir dès l’adolescence.

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Le Québec est secoué par une vague de féminicides, dont le plus récent est survenu la semaine dernière : une femme de 29 ans a succombé à ses blessures après avoir été battue par son conjoint. Elle laisse derrière elle un jeune enfant.

Il s’agissait du septième décès lié à la violence conjugale en sept semaines, alors que la moyenne des dernières années s’élève à 10 par an. En conférence de presse, mercredi dernier, en compagnie de la ministre responsable de la Condition féminine, Isabelle Charest, la vice-première ministre du Québec, Geneviève Guilbault, « [a encouragé] les hommes à demander de l’aide ».

La ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, et la ministre responsable de la Condition féminine, Isabelle Charest, se rendent à une conférence de presse pour annoncer de nouvelles mesures pour contrer la violence conjugale, le 3 décembre 2020. (Photo : Jacques Boissinot / La Presse Canadienne)

Au Canada, chaque semaine, environ une femme est tuée par son partenaire. La majorité des homicides conjugaux sont commis par des hommes à l’endroit de femmes et de leurs enfants. La période de séparation est d’ailleurs une étape critique où le risque de meurtre est élevé. Les homicides conjugaux sont souvent précédés d’autres événements de violence, d’où l’importance de prévenir cette violence, et ce, dès les premières relations intimes.

Une hausse des féminicides peut-être liée à la pandémie

En temps de crise, la violence faite aux filles et aux femmes a tendance à augmenter. C’est d’ailleurs ce qui est observé depuis le début de la pandémie au Canada et ailleurs dans le monde. Les maisons d’hébergement et SOS violence conjugale ont signalé un bond de la violence conjugale, des appels aux centres d’aide et des demandes d’hébergement. De leur côté, les services de police enregistrent une hausse de 12 % des signalements de violence conjugale et des statistiques préliminaires montrent une augmentation de 45 % des accusations pour violence conjugale dans la province.

Le stress, les tensions et les insécurités liés à la COVID-19 semblent exacerbés pendant le confinement, qui devient alors prétexte à la perpétration de violence.

Selon Statistique Canada, qui a sondé plus de 4 600 Canadiens en mars et avril 2020, le tiers des répondants disaient craindre des tensions familiales en raison du confinement. Plus précisément, 10 % des femmes et 6 % des hommes ont affirmé ressentir « beaucoup ou énormément d’inquiétude » quant au risque de vivre de la violence dans leur foyer.

Le confinement a aussi considérablement diminué les contacts avec l’extérieur du domicile, contribuant ainsi à l’isolement des femmes et réduisant leurs occasions de solliciter de l’aide. Dans un contexte d’appauvrissement économique des femmes, leurs possibilités de quitter un partenaire violent deviennent encore plus limitées.

Les violences se manifestent dès les premières relations intimes

Les résultats de l’Enquête sur les Parcours amoureux des jeunes révèlent que 63 % des filles de 3e et 4e secondaire disent avoir vécu au moins un épisode de violence (physique, sexuelle ou psychologique) dans leurs relations amoureuses au cours des 12 mois précédents. Les dynamiques de violence tendent à se maintenir dans le temps, puisque plus d’une adolescente sur trois est revictimisée dans le contexte d’une relation intime à l’âge adulte.

Seulement 1 femme sur 5 et 1 adolescente sur 10 font appel à des ressources pour obtenir de l’aide formelle relativement à la violence vécue en contexte de relations intimes. Certains obstacles empêchent les filles et les femmes de rechercher de l’aide formelle et entravent également les démarches de celles qui le font.

Parmi ces obstacles, la méconnaissance des services d’aide et les enjeux d’accès, les craintes d’une escalade éventuelle de violence suivant le dévoilement de la situation, des ressources tangibles limitées financièrement qui contraignent les femmes à demeurer dans une relation de violence, le manque de confiance dans un système qui aurait failli par le passé. Ces constats montrent qu’il reste encore tant à faire pour contrer la stigmatisation associée à la violence exercée par un partenaire intime et nous invitent à redoubler nos efforts dans la sensibilisation aux violences.

Il faut donc intervenir en amont, dès l’adolescence, pour empêcher les violences dans les relations amoureuses et lutter contre les inégalités de genre. Ces actions de prévention doivent, entre autres choses, aborder les relations intimes positives, outiller les jeunes pour qu’ils adoptent de saines stratégies de gestion des conflits et de maîtrise de leurs émotions, et qu’ils soient en mesure d’obtenir de l’information lorsqu’ils vivent des difficultés dans leurs relations intimes.

Des difficultés à reconnaître la violence

Les violences en contexte de relations intimes peuvent se manifester de façon sournoise. Elles ne sont pas toujours reconnues par les victimes, par leurs proches et parfois même par les intervenants, parce qu’elles sont difficiles à dépister. D’ailleurs, le Comité d’examen des décès liés à la violence conjugale (2020) a confirmé que, dans la plupart des cas étudiés, il y avait eu des occasions d’intervention qui n’avaient malheureusement pas été saisies.

Québec vient de lancer une campagne publicitaire, « La violence faite aux femmes, ça s’arrête là », afin de sensibiliser la population au caractère insidieux de cette violence.

Les signes précurseurs doivent être pris au sérieux. Les filles et les femmes peuvent avoir l’impression de marcher sur des œufs avec leur partenaire qui est susceptible exploser à tout moment. Elles sentent que peu importe ce qu’elles font, ce n’est jamais suffisant ou jamais correct. Elles ont constamment à se justifier, à rendre compte de leurs allées et venues et de leurs communications électroniques.

Ces indices, qui peuvent révéler une situation de violence, sont souvent ignorés, pour différentes raisons : parce qu’on l’aime, parce qu’il a promis qu’il allait changer et qu’il nous aime, parce qu’il y a de bons côtés à notre relation intime et qu’on s’y accroche dans les moments creux, parce qu’on n’a nulle part où aller ou pas les moyens, parce que si l’on quitte notre partenaire, on a peur de ce qui pourrait arriver à nous, à nos enfants, à nos proches.

Voilà pourquoi il est crucial de mettre en place des initiatives de sensibilisation et de formation à grande échelle pour informer la population sur les divers visages de ces violences (psychologique, physique, sexuelle et économique), afin de discerner les signes précurseurs des violences en contexte de relations intimes. Il faut aussi mieux faire connaître les outils disponibles.

Il est également important de miser sur la réduction des inégalités de genre en proposant des initiatives préventives qui visent à déboulonner les mythes entourant les rapports sociaux de genre et la sexualité. Il s’agit d’offrir des modèles de masculinité et de féminité positifs et égalitaires et de condamner les normes qui sanctionnent la perpétration des violences à l’égard des femmes. Bref, en misant sur les jeunes et en les mettant à contribution dans les actions qui leur sont destinées, nous parviendrons ensemble à lutter contre les violences faites aux femmes et aux filles et à faire pencher la balance.La Conversation

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Dernier paragraphe : « Il s’agit d’offrir des modèles de masculinité et de féminité positifs et égalitaires et de condamner les normes qui sanctionnent la perpétration des violences à l’égard des femmes. » Condamner les normes ??? Il n’y a aucune norme qui permet la violence. Il s’agit de mentalités, de comportements.

Bonjour Michèle, je ne crois pas qu’ici les auteures ont voulu dire que la violence est une norme, mais plutôt que les normes sociales présente (dans notre société) »permettent » d’une certaine façon, que la violence reste tabou, cacher et présente encore aujourd’hui.

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Source Wikipédia:
Les normes sociales définissent ce qui est socialement acceptable de faire et d’être en distinguant les comportements et les attitudes, qui sont conformes aux attentes, des comportements et attitudes qui sont jugés déviants. Elles traduisent les valeurs et les idéaux dominants d’une société ou d’un groupe. Il n’est pas obligatoire que tous les groupes d’une même société donnée partagent les mêmes normes, c’est même rarement le cas. Ces divergences entre les normes apportent des conflits sur les façons adéquates de se comporter, dans diverses situations.
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Plus on en parle, plus le sujets est mis à la lumière et plus on éduque nos jeunes filles, mais surtout nos jeunes garçons, au cercle de la violence, aux différentes formes que prennent la violence. Plus le message sera crié haut et fort, moins la »société » normalisera des comportements violents. On parle souvent a des garçon d’être »Fort, Puissant, Solide » mais parfois on interprète le fait d’être fort avec le fait de contrôler. Pourtant ceux qui »contrôlent » leurs relations amoureuses sont en fait des gens remplis de profonde lacune et insécurité. Partager cet article avec vos proches, pour que dans quelques années d’ici notre société nos tolèrent plus ce type de comportement et que le silence laisse place aux aveux.

J’aimerais juste ajouter que ce ne sont pas juste les hommes qui aiment contrôler. On peut trouver le même comportement chez les femmes. J’en sais quelque chose. Et je tiens à mentionner que ce genre de personne semble ne pas pouvoir changer, une fixité de comportement qui me reste perplexe. Autre élément qui me reste perplexe – les explosions de l’autre semblent toujours liés à un manquement de votre part, aussi léger qu’il puisse être, de sorte que vous devenez convaincu que c’est, effectivement, vraiment de votre faute, et que vous avez juste à trouver le bon comportement pour régler le problème. Or vous ne le trouverez jamais ce comportement. Croyez-moi. Alors si vous reconnaissez très tôt être dans ce genre de relation il ne faut pas hésiter – couper les ponts. L’autre ne changera pas.