Elles ouvrent la voie !

Sans la pleine participation des femmes, les mouvements de résistance sont rarement assez forts pour renverser les monarques et les dictateurs. 

À l’issue du printemps arabe, un seul pays a réussi à remplacer son régime autoritaire par un gouvernement démocratiquement élu : la Tunisie. Pourquoi ? Des experts en sciences politiques pensent avoir trouvé la clé de l’énigme.

La Tunisie est l’endroit dans le monde arabe où les droits des femmes étaient les plus avancés lorsque la vague révolutionnaire a frappé la région, au début des années 2010. Et ce ne serait pas un hasard.

Sans la pleine participation des femmes, les mouvements de résistance sont rarement assez forts pour renverser les monarques et les dictateurs. Selon une nouvelle étude publiée en mars dans l’European Journal of Political Research, la presque totalité des pays qui ont réussi leur passage à la démocratie au cours du dernier siècle avaient d’abord consenti des droits et libertés aux femmes. L’émancipation féminine serait même une condition indispensable pour qu’un système démocratique prenne racine.

Cette découverte, signée par la politologue Yi-ting Wang, de l’Université nationale Cheng Kung, à Taïwan, et des collègues de la Suède et des États-Unis, bouscule les idées reçues. Les spécialistes soutiennent depuis longtemps que la reconnaissance des libertés civiles est un élément déclencheur de la démocratisation. Une fois qu’un régime autoritaire relâche son emprise sur ses citoyens et leur accorde un début de liberté, ceux-ci sont davantage en mesure d’exprimer leur mécontentement et de se mobiliser pour réclamer des élections libres, justes et transparentes.

On a longtemps présumé qu’il suffisait que les hommes s’affranchissent pour engendrer une telle réaction en chaîne et vaincre la tyrannie. Dans cette conception de l’histoire, les femmes sont invisibles ou accessoires. Les travaux de Yi-ting Wang montrent qu’au contraire elles constituent une trame essentielle.

Cette analyse est l’une des plus vastes jamais réalisées sur le sujet. Les chercheurs ont puisé dans une imposante base de données, qui contient des informations détaillées sur l’évolution de la démocratie dans 173 pays, de 1900 jusqu’à nos jours.

En interrogeant la base de données, on peut savoir à quels moments de son histoire un pays a accordé des libertés civiles aux hommes et aux femmes. Différents indices mesurent, sur des échelles de 0 à 4, le degré de liberté de mouvement, la soumission au travail forcé, la liberté de débattre ou encore les droits de propriété. On peut aussi voir le pays progresser au fil des ans vers des élections pleinement démocratiques, grâce à un indice électoral. En mettant en relation ces différents scores à l’aide d’outils statistiques innovateurs, les chercheurs ont tiré des conclusions inédites.

La cause des femmes n’est pas une chose secondaire dont on s’occupe seulement une fois qu’un régime démocratique est en place ; elles sont au cœur de la marche des peuples vers la démocratie.

Selon leurs calculs, c’est seulement lorsque les deux sexes jouissent déjà de certains droits et libertés qu’une société parvient à se libérer du joug d’un dictateur et à instaurer des élections démocratiques. Dans presque tous les pays qui ont atteint la note maximale sur l’échelle de l’indice électoral, les libertés civiles des femmes comme celles des hommes avaient au préalable obtenu des scores d’au moins 3 sur 4. « L’indice électoral va diminuer ou plafonner à moins qu’il n’existe un certain degré de droits civils pour les femmes, écrivent les auteurs. […] Les droits civils des hommes ont tendance à atteindre un haut niveau en premier, mais tant que ceux des femmes demeurent restreints, la probabilité qu’un pays établisse des élections démocratiques reste faible. »

C’est mathématique. Un régime autoritaire aura bien plus de mal à réprimer la dissidence si la population tout entière a le loisir de protester que si seule la moitié masculine se soulève pendant que la moitié féminine demeure silencieuse. Pour que tombent les despotes, les femmes doivent elles aussi avoir les moyens de s’exprimer, de se déplacer et de se révolter.

Mais le rôle des femmes ne se résume pas à rejoindre les rangs des hommes qui protestent. Elles forment leurs propres associations, organisent leurs propres manifestations, défendent leurs propres causes, généralement en marge de la politique traditionnelle. Et ce sont souvent leurs revendications à elles qui servent de bougie d’allumage aux mouvements de démocratisation qui finissent par faire plier les tyrans. « Au fil de l’histoire, l’activisme des femmes a comblé un vide organisationnel dans des systèmes autoritaires qui, au départ, se sentaient peut-être moins menacés par ces groupes. […] Ces organisations peuvent constituer la première étincelle des manifestations en faveur du changement démocratique », ont écrit les chercheurs dans un document de travail diffusé en 2015 par l’Université de Gothenburg, en Suède.

En Argentine, par exemple, les Mères de la place de Mai, des mères de dissidents disparus qui se rassemblaient toutes les semaines devant le palais présidentiel, ont fait campagne sans relâche contre les exactions perpétrées par la dictature militaire des années 1970 et 1980. Au Chili, l’une des premières grandes manifestations contre le régime de Pinochet, en 1978, a pris pour prétexte la Journée internationale des femmes. Au Brésil, à la même époque, les femmes étaient à l’avant-plan des mouvements populaires qui s’opposaient à la répression et à l’austérité. Elles ont aussi joué un rôle névralgique dans la démocratisation du Maroc, le combat contre l’apartheid en Afrique du Sud, la dénonciation des violations des droits de la personne au Kenya, la lutte pour le vote libre en Sierra Leone, racontent les auteurs.

On sait maintenant que ces exemples ne relèvent pas de l’anecdote, mais d’une tendance fondamentale dans l’histoire mondiale. Yi-ting Wang a en effet constaté qu’un lien robuste persiste entre la condition des femmes et l’émergence d’élections démocratiques, quels que soient l’époque, la région du monde ou le niveau de développement économique — c’est-à-dire autant dans les démocraties les plus anciennes que dans les dernières nées, autant en Amérique du Nord et en Europe de l’Ouest que dans les pays en voie de développement.

Ainsi, la cause des femmes n’est pas une chose secondaire dont on s’occupe seulement une fois qu’un régime démocratique est en place ; elles sont au cœur de la marche des peuples vers la démocratie. Cette découverte pourrait donner des idées à ceux qui se demandent comment instaurer des élections libres dans les pays où des despotes s’accrochent malgré les interventions répétées des puissances étrangères. Tout gain de liberté pour les femmes est une fissure dans l’édifice des dictatures qui, tôt au tard, pourrait précipiter leur chute.

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Il conviendrait ici de préciser que la forme « Gothenburg » est à toutes fins pratiques la forme anglaise pour la ville (et son université) alors qu’il conviendrait préférentiellement d’écrire Göteborg. Tant qu’à faire, utilisons une forme plus originale (suédoise) quand cela est possible et compatible avec le français. On peut toujours si on veut utiliser l’orthographe suivante : Gothembourg en français, une forme — faut-il le préciser — tombée en quasi-désuétude.

Bref, ce qui m’étonne le plus, c’est de constater que cette étude ne mentionne pas les grandes avancées de la « lutte des classes » référence notamment au marxisme-léninisme, au maoïsme et aussi aux trotskystes sur l’ensemble des droits conférés à toutes les femmes sans aucune exception.

Faudrait-il voir une omission volontaire ou un regrettable oubli ?

On pourrait ajouter que dans certaines contrées, nombre de droit légitimes ont été accordés aux femmes par peur irrépressible de certaines autorités de voir le communisme déferler dans leurs communautés. En d’autres termes on lâche un peu de lest pour garder le contrôle et l’autorité.

Alors objectivement, je me demande s’il faut faire grand cas de cette étude pilotée par le politologue Yi-ting Wang, tout spécifiquement pour ce qui a trait cette « tendance fondamentale de l’histoire mondiale », lorsque cette supposée « découverte » — si on se réfère aux propos de Noémi Mercier -, émane directement d’un cadre universitaire issu de cette Chine nationaliste héritière d’un dictateur polygame pronazi bien connu sous le patronyme de Chang Kaï-chek.

Lorsque le premier président élu sur ce territoire remonte à seulement 1996, lorsque c’est toujours le même parti nationaliste qui gouvernait d’une poigne de fer cette île et ses dépendances jusqu’en 2016.

Il est vrai que depuis lors Taïwan a désormais Tsai-Ing-wen, une présidente. Vit un moment de son histoire où son chemin s’ouvre désormais vers une forme plus étendue de démocratie.

— En matière de lien robuste et équilibré, je conjecture qu’on devrait pouvoir toujours trouver ailleurs quelque part… quelque chose de mieux… qui soit plus juste historiquement et quelque peu plus éloignée de cette nouvelle science en vogue qui relève essentiellement du révisionnisme historique, très singulièrement des faits alternatifs au sujet de cette lutte internationale des femmes menée (quelquefois héroïquement) par celles-ci depuis près de 150 ans, pour le respect entier des droits universels et du droit le plus élémentaire qui devrait être conféré à tous les humains.