Exclusif: le chef d’état-major de la Défense sur les violences sexuelles au sein des Forces canadiennes

Dans une longue entrevue avec L’actualité, Jon Vance admet que le combat contre les violences sexuelles dans les rangs militaires a à peine progressé. Faits saillants.

Photo: Fred Chartrand/La Presse Canadienne
Photo: Fred Chartrand/La Presse Canadienne

[Cliquez ici pour lire l’intégrale de l’entrevue avec le général Jon Vance.]

Le grand patron des Forces armées canadiennes, le général Jon Vance, a accordé une entrevue exclusive à L’actualité à l’occasion de la parution du premier rapport d’étape sur les efforts de l’organisation pour éliminer les agressions et le harcèlement sexuels dans ses rangs.

Le chef d’état-major de la Défense a répondu aux questions de L’actualité pendant plus d’une heure, à la fin janvier, dans une salle de conférence du Campus Carling du ministère de la Défense nationale, à Ottawa.

Neuf mois après le dévastateur rapport Deschamps sur la culture sexualisée qui règne au sein des Forces et sur l’aveuglement, voire la complicité, de la chaîne de commandement à cet égard, le général Vance a fait le point sur les progrès accomplis.

Voici, en primeur, quelques moments forts de cet entretien.

À propos des progrès réalisés

«Je ne suis pas du tout satisfait du point où nous en sommes présentement. Il y a encore des incidents de comportements sexuels inappropriés qui se produisent. Il y a encore des victimes qui n’ont pas dénoncé ces gestes parce qu’elles ne savent pas en qui elles peuvent avoir confiance.

«Nous avons été critiqués, avec raison, pour notre culture sexualisée. Changer une culture, ça prend du temps. Je nous donnerais la note de passage pour notre intention, notre ambition, pour l’activité initiale. L’opération Honour [NDLR: la mission lancée par le général Vance pour éliminer les violences sexuelles dans les rangs] a généré toutes sortes d’activités, de la formation supplémentaire à une conscientisation plus vaste en passant par l’engagement de la direction à tous les niveaux. Mais nous n’avons pas avancé beaucoup par rapport à l’objectif que nous visons. Nous venons à peine de commencer. Nous avons montré la volonté d’agir. Nous devons maintenant y donner suite, et nous devons être jugés à long terme.»

À propos des sceptiques

«Il se trouve des gens dans les Forces armées qui ne croient pas que l’inconduite sexuelle est un problème. Mais le fait que le chef d’état-major de la Défense et que les hauts dirigeants ont reconnu le problème, le fait que nous assumons nos responsabilités et acceptons de rendre des comptes, tout ça, avec le temps, finira par convaincre les sceptiques.»

À propos des mécanismes de plaintes

«Nos mécanismes de plaintes ne fonctionnent pas toujours. J’admets qu’on peut faire mieux. Et on fait des efforts. Nous sommes en train de réviser nos politiques en profondeur. En juin prochain, nous aurons des politiques nettoyées, formulées dans un langage plus clair, concis et accessible.»

À propos du nouveau Centre d’intervention sur l’inconduite sexuelle

«Si vous contactez le Centre, j’ai confiance que vous recevrez l’attention dont vous avez besoin. J’aimerais aussi croire que vous pouvez vous adresser à votre chaîne de commandement pour obtenir de l’aide. J’ai ordonné à la chaîne de commandement, jusqu’au plus bas échelon, de prendre la chose au sérieux. C’est officiel. Je comprends que ce ne soit pas mis en pratique uniformément à la grandeur des Forces armées. Mais si vous avez approché votre chaîne de commandement et qu’on vous a envoyé promener, je veux le savoir! Parce qu’alors je pourrai m’en mêler et sévir contre ces gens-là.»

À propos du système de justice militaire

«C’est important que les membres des Forces puissent avoir confiance dans le système de justice militaire. Nous devons nous assurer d’améliorer la façon dont nous gérons les crimes sexuels, tant au chapitre du traitement des plaignants que sur le plan des enquêtes et des poursuites. Il y a de nombreux cas où la justice militaire a eu l’air de mal faire son travail ou a peut-être effectivement mal agi.

«Si certaines inquiétudes s’avèrent justifiées et si nous devons modifier la Loi sur la Défense nationale ou une partie du système de justice militaire pour l’améliorer, je veux bien. Mais le préjugé qui veut que dès que vous portez l’uniforme, vous allez automatiquement vous ranger du côté de la chaîne de commandement, que les victimes ne seront pas bien traitées, ça ne tient pas la route. La chaîne de commandement, c’est moi, et je vais me ranger du côté des victimes.»