Ce printemps devrait être marqué au Québec par la présentation d’une première politique nationale d’architecture et d’aménagement du territoire.
C’était une promesse électorale de la Coalition Avenir Québec en 2018, tout comme elle était dans la besace du Parti québécois et de Québec solidaire — ce qui est révélateur du besoin à combler. Mais ç’aurait pu tomber dans la boîte sans fond des promesses oubliées.
Ironie du sort, ce sont les inondations de 2019 qui ont fait de cette promesse électorale une urgence : il fallait bien réfléchir à là où on construit ! Le dossier a été pris en charge par Andrée Laforest, ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, à laquelle la ministre de la Culture, Nathalie Roy, s’est ensuite associée.
De quoi est-il question ? J’ai bien envie de répondre qu’il s’agit d’éliminer les verrues qui défigurent le Québec ! De faire régner l’harmonie dans nos paysages ruraux et urbains et de préserver ceux-ci par des politiques cohérentes.
Plus prosaïquement, cela englobe divers enjeux : la protection des terres agricoles, l’adaptation aux changements climatiques, la prise en compte de l’évolution démographique, l’entretien des infrastructures, la valorisation du patrimoine…
Très concrètement, ça devient une longue liste d’actions à mener. Ça va de réformer la Loi sur l’expropriation jusqu’à doter les écoles de cours vertes. Ça passe par la densification urbaine et le développement du transport en commun. Il faut redynamiser les centres-villes et les cœurs de villages. Valoriser le travail des urbanistes, donner un nouveau rôle de coordonnatrices aux MRC, combler le manque de logements abordables, corriger les îlots de chaleur, unifier des règlements contradictoires…
Bref, c’est énorme. Ça peut même sembler utopique ! Et pourtant, depuis janvier 2021, les travaux de préparation de cette politique vont bon train du côté du gouvernement.
Mais le plus intéressant de la démarche s’est produit bien avant l’arrivée au pouvoir du gouvernement actuel, lorsque, à l’automne 2015, une dizaine d’organismes se sont réunis sous le nom d’Alliance Ariane pour convaincre l’État québécois de se munir d’une véritable stratégie d’urbanisme et d’aménagement du territoire. Aux membres fondateurs se sont rapidement greffés d’autres groupes, des municipalités et des experts qui ont multiplié les occasions de faire valoir leur point de vue. C’est leur message qui a fini par parvenir aux élus.
En mars 2020, un autre regroupement s’est créé, le G15+. Un ensemble disparate puisque le Conseil du patronat du Québec y côtoie Équiterre et Vivre en Ville, que la Fédération des chambres de commerce du Québec y est sur le même pied que le Chantier de l’économie sociale et Fondaction.
Le but du G15+, c’est d’élaborer des propositions pour une relance verte et durable. Ses membres se sont récemment fait remarquer en présentant leurs Indicateurs du bien-être au Québec, afin que l’évaluation de l’état de santé d’une société ne se limite plus au PIB et à la création d’emplois. Une approche rafraîchissante.
Le G15+ et l’Alliance Ariane ont d’ailleurs joint leurs forces et tenu en janvier dernier un sommet auquel ont participé tous ceux qui veulent s’assurer que la politique nationale se concrétisera. Les mairesses de Longueuil, de Sherbrooke et de Chambly y ont pris la parole, de même que des représentants d’Héritage Montréal, de l’Union des producteurs agricoles, de l’Ordre des architectes du Québec…
Tout ce monde a maintenant les yeux tournés vers le gouvernement.
D’un côté, je pressens la déception. Il n’y a qu’à lire le document gouvernemental qui fait la synthèse de ce qui a été mis en avant lors des consultations menées en 2021 : 16 ministères sont concernés ! Tout un défi, pour ne pas dire un écueil, quand on cherche la cohérence.
Alors, soit le projet sera ambitieux et sa mise en œuvre difficile, soit on ira de vœux pieux en corrigeant quelques lois au passage. D’ailleurs, le troisième lien, cher à la CAQ, est en soi une rebuffade aux prétentions d’un aménagement logique et durable.
D’un autre côté, la journaliste cynique en moi finit toujours par laisser place à la citoyenne qui veut y croire. Et je pense à cette donnée, entendue au sommet de janvier : de nos jours, un enfant sur trois se rend à l’école à pied ou en vélo, alors que c’était le cas de 80 % des jeunes il y a 40 ans.
Cet enfant-là n’a-t-il pas droit au retour d’une ville à taille humaine et à une nature bien protégée ? Ne vaut-il pas qu’on lui offre un passé qui a des racines et un avenir adapté aux défis environnementaux et sanitaires du XXIe siècle ?
Ce n’est pas trop demander, c’est simplement nécessaire d’agir.
Cette chronique a été publiée dans le numéro d’avril 2022 de L’actualité, sous le titre « Gens du paysage ».
Il faudrait aussi retirer tous les panneaux publicitaires sur les routes.
Tout à fait d’accord avec le retrait des panneaux publicitaires qui polluent le visuel et qui distraient les automobilistes.
La nature québécoise est belle quand on ne l’altère pas trop. Néanmoins, on ne se gêne pas pour construire toutes sortes d’habitations hétéroclites où on dirait qu’il y a un concours pour celui qui bâtirait la maison la plus laide, la plus carrée. Le bâti s’harmonise rarement au paysage contrairement à ce que fut ce pays il y a longtemps. L’industrialisation a donné le coup de grâce aux paysages et l’exemple vient de haut quand on voit ces pylônes et lignes électriques qui traversent le fleuve Saint-Laurent et l’île d’Orléans, berceau de la civilisation française en Amérique! Ceux qui ont conçu cette ligne devaient profondément haïr ce paysage!
Notre peuple a peu de fierté dans son expression architecturale de plus en plus hétéroclite et qui refuse de se marier aux paysages. On décape des montagnes à la dynamite pour construire des maisons inutilement grosses et placer des clôtures un peu partout.
Les choses commenceront à changer quand nous, Québécois, serons assez fiers de notre culture et du territoire pour savoir d’instinct nous harmoniser avec celui-ci, pas avant.
J’aimerais tout à l’instar de Josée Boileau, comme simple citoyen être exaucé en tous points. Pourtant après mûres réflexions, je pense que mes meilleures chances d’intercessions seraient de brûler une bougie à l’Oratoire en implorant le Saint-Frère-André de sa miséricorde et de m’accorder son grand pouvoir de guérison.
Considérant que j’ai obtenu un diplôme d’architecte dans le siècle passé, un diplôme en aménagement paysagé de l’Université de Montréal au début de ce siècle, que je compte à mon actif je ne sais plus combien de crédits en urbanisme, en sociologie et même en psychanalyse…. Je dois dire que j’aimerais que notre gouvernement qui fait toujours plus et mieux, qu’il nous livre une belle loi qui permette à la communauté de prendre en charge et de planifier son avenir commun.
Un gouvernement n’a pas à être visionnaire. Il devrait plutôt transférer ses compétences à ceux ou celles qui en ont (des visions). Plus terrible encore, je ne vois pas quel parti exactement pourrait nous faire entrer dans une politique d’aménagement digne de l’époque. D’autant qu’il faut presque retourner à Expo 67 pour voir des choses et des projets qui soient réellement dignes d’intérêt.
Le principal défaut, c’est que les politiques d’aménagement urbain sont conditionnées par la recherche de taxes foncières, puisque ce sont celles-ci qui constituent la presque totalité des revenus des villages, des villes et des agglomérations. Ce type de taxation basé sur la seule valeur du terrain et des bâtiments, force bien des ménages à quitter leur résidence parce que leur revenu n’a pas suivi les augmentations de taxes qui résultent de l’appréciation du bien qu’ils détiennent.
Si encore on plafonnait la valeur des biens immobiliers juste en deçà de l’inflation, ce serait plus soutenable, mais ce n’est pas le cas. Chaque année des gens sont dessaisis de leur biens immobiliers pour défaut de paiement. Quand en même temps on fait la promotion de la mixité sociale, de la mixité intergénérationnelle, qu’on approuve simultanément que les personnes en principe de l’Age d’or, puissent vivre en paix à la maison plus longtemps.
Ainsi on vise plutôt à favoriser le clientélisme et la spéculation au lieu de concevoir un milieu de vie attrayant enlevant, signe d’une appropriation de l’espace vital par ses habitants.
Il est difficile de développer harmonieusement notre cadre de vie sans définir clairement de quelle manière ont entend pourvoir au financement de l’ensemble des développements.
Finalement, on ne met pas assez l’emphase sur la qualité architecturale des bâtiments, sur la convivialité, le design et l’esthétique des espaces communs, sur le détail apporté aux transitions, pas plus qu’on ne planifie de manière cohérente toute forme urbaine d’aménagement peu importe sa dimension.
Comme on laisse l’aménagement territorial prendre des formes anarchiques au risque quelquefois de mettre en péril notre autonomie alimentaire ou en laissant peu de place à la santé, la viabilité des écosystèmes naturels. Puisqu’un aménagement du territoire bien pensé passe encore par la préservation d’une grande partie du territoire existant.