Faut-il se réjouir du déconfinement ?

Êtes-vous prêt pour un p’tit party ? On dirait qu’il n’y a que deux sortes de monde au Québec : ceux qui ont déjà invité sept amis avec leurs chaises de parterre pour un barbecue ce soir… et ceux qui veulent se cacher au fond des bois. 

franckreporter, m-gucci / Getty Images

Le déconfinement débute ce vendredi 28 mai. Sur une terrasse de restaurant, passé 21 h 30 comme des rebelles, on pourra planifier notre prochain « petit party » de cour arrière, et décider quels sept amis on a le plus envie de revoir.

Bien sûr, les détails varient selon les régions. Montréal devra attendre une semaine de plus pour passer en zone orange, parce que (insérez ici une justification, si vous en trouvez une), des frais peuvent s’appliquer et c’est important de lire les petits caractères, mais grosso modo, ça commence vendredi.

D’un côté, il y a ceux qui sont contents à l’excès. Armés d’une seule dose de vaccin, ils remplissent leur calendrier estival d’événements sociaux, veulent aller partout, voir tout le monde, et font actuellement du camping devant le Buffet des Continents, en attendant impatiemment la réouverture. Pour eux, tout est déjà terminé, le retour à la « vraie vie » leur semble imminent et irréversible.

Et de l’autre côté, il y a cette amie qui vit une véritable « anxiété de déconfinement ». Une soirée avec des proches, dehors, à deux mètres, en aspergeant discrètement de Purell son hot-dog parce qu’on est jamais trop prudente, hein ? Elle veut bien. Mais sitôt qu’elle pense à plus loin que dans un mois, tout s’obscurcit.

« Le dernier confinement strict à Québec m’a menée très, très proche du burn-out. Les enfants, le travail et la perspective d’une quatrième vague [variants, quelqu’un ?] me donnent plus envie d’aller me terrer au fond des bois que de faire des “petits partys” ».

Après être resté collé trop de temps dans la fenêtre, son arc-en-ciel « Ça va bien aller » semble s’être décoloré de façon permanente. Comment en vouloir à cette amie ? S’il y a bien une chose qu’on a apprise en un an et demi, c’est que l’espoir est souvent dangereux. Risqué.

Un jour d’été, on t’annonce que tu peux voir 10 personnes à l’extérieur. Ça sent le barbecue ! Le jour suivant, Noël est annulé et tu trinques virtuellement à la nouvelle année avec ta mère qui ne comprend pas comment placer le iPad pour ne pas que l’image soit sur le côté. Ça sent encore le barbecue, mais c’est ta capacité à espérer qui brûle.

« Je voudrais être contente, continue mon amie, mais j’en suis physiquement incapable. Après trois vagues, mes réserves sont à plat. Je suis un téléphone à 8 % de pile et on me dit : “Tu vas être correcte pour finir la journée, tant que tu vas pas trop sur TikTok !” »

À quel moment espérer le meilleur devient-il naïf et imprudent ? À quel moment appréhender le pire devient-il contre-productif ? Savoir qu’il faut regarder avant de traverser la rue, c’est utile. Ne pas être capable de quitter le coin du trottoir parce qu’on s’imagine étendu sur l’asphalte dans une marre de sang, ce l’est moins.

Le défi des prochaines semaines, pour notre santé physique autant que mentale, va être de trouver l’équilibre entre le positivisme qui rend imprudent et le fatalisme qui rend la vie impossible. 

Dans la colonne des plus, il y a la campagne de vaccination qui roule rondement. Il y a l’été et le beau temps, qui diminuent le risque de contamination, mais font augmenter celui de figurer sur une photo prise dans un parc qu’on partage sur Facebook en disant que « ç’a pas de bon sens!!1! ». Il y a aussi le fait que nous ne sommes ni les seuls ni les premiers à explorer la route du déconfinement. Apprendre des leçons des Américains sur la COVID ? Voilà qui ferait changement ! 

Pour l’avenir proche, ce n’est pas rien. 

Dans la colonne des moins, il y a… beaucoup de choses sur lesquelles nous n’avons individuellement aucun pouvoir. Il y aura des partys pas petits du tout dans des chalets loués. Il y aura des gens qui vont décréter qu’il n’y a plus aucune raison de se laver les mains, jamais. Il y aura encore la CAQ, et tout ce qui vient avec. 

Ça compte aussi, mais ça ne change pas un fait crucial : nous sommes actuellement dans la meilleure posture que nous avons connue depuis longtemps. 

Je te promets, mon amie anxieuse, qu’on ira un jour se faire des toasts au Pacini, en partageant le même couteau que des dizaines d’inconnus, et que tout aura l’air normal. D’ici ce moment, plus que jamais, il est important de prendre soin de soi et de ceux qui nous entourent en continuant d’être prudent. Se laver les mains, porter le masque, éviter de se tenir dans des gyms clandestins : la base. 

Mais prendre soin de soi et des autres, c’est aussi accepter de cultiver un peu de lumière, malgré tout. Une lumière prudente qui se souvient de ce qui est déjà arrivé, mais une lumière quand même. Parce que dans le noir, on ne voit pas où on s’en va.

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L’essentiel est de ne pas permettre aux voyageurs d’entrer au Québec au moins jusqu’en octobre. Les variants sont le plus grand risque, présentement. Restons chacun dans nos pays, pour le moment. Et, peut-être qu’on peut cesser, et pour toujours, cette très mauvaise habitude de se serrer la main. Quelle pratique inutile et malpropre ! Il y a moyen de faire l’accolade , autrement. Peu de risques de se contaminer en se touchant joue à joue. Ou corps à corps, par-dessus les vêtements. Y’a pas grand’ monde qui se promène torse nu dans la rue…..